Le feuilleton Brahim Ghali et la possible entrée en jeu de l'Audiencia Nacional ont fait de la question un sujet d'actualité interne pour l'Espagne. Un zeste de barbouzerie, une relation entre Rabat et Madrid déjà chahutée et des associations de victimes qui montent au créneau, sont autant de paramètres qui ont suscité l'intérêt de la presse espagnole. La polémique entourant la décision du gouvernement espagnol d'autoriser l'hospitalisation en catimini dans un hôpital du Nord de l'Espagne, de Brahim Ghali, leader des séparatistes du Polisario est loin de se limiter de ce côté de la méditerranée. Bien que les élections autonomes à venir et la crise du Covid trustent les Unes des journaux et sites d'informations espagnols, l'affaire Ghali, par la manière dont elle a été dévoilée et son lourd volet judicaire, a rapidement capté l'attention de la presse espagnole. Un démarrage en douceur Suite à l'article de Jeune Afrique du 22 avril qui annonçait l'hospitalisation de Ghali dans la localité de Logroño (région de Saragosse), c'est l'agence Europa Press qui confirme, le 23 avril, l'information du journal panafricain basé à Paris en citant des diplomates espagnols qui précisent que Ghali a été « transféré en Espagne pour raisons humanitaires ». L'agence annonce dans la foulée la demande faite par l'association sahraouie pour la défense des droits de l'Homme aux autorités judiciaires espagnoles pour empêcher tout départ du chef des séparatistes et de le traduire devant l'Audiencia Nacional. Quelques heures plus tard, c'est au tour du site El Confidencial d'évoquer la question, en titrant « le Maroc assène un coup au Polisario, en révélant que son leader est hospitalisé en Espagne ». L'article s'intéresse aux tensions entre les ministres espagnols des Affaires étrangères et de l'Intérieur qu'a entraînées cette décision. Le ministre de l'Intérieur Fernando Grande-Marlaska aurait fait savoir ses réserves sur une telle décision et craignait la réaction du Maroc. Le site a par ailleurs pointé du doigt ce qu'il décrit comme un joli coup des services secrets marocains. L'article pariant sur une fuite orchestrée par Rabat. Les plaintes refont surface Toujours le 23 avril, c'est le portail El Diaro qui revient sur l'affaire, narrant au passage ses prémices. Brahim Ghali aurait ainsi disparu des radars depuis quelques jours, avant d'arriver en Espagne le 21 avril grâce à un passeport diplomatique algérien et sous fausse identité. L'article a également pointé du doigt la promesse qui aurait été faite par le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, au président algérien de ne pas présenter Brahim Ghali devant l'Audiencia Nacional, avant de rappeler les plaintes déposées à son encontre. Des chefs d'accusation qui ont été détaillés par le quotidien La Razon, notamment les accusations de viols portés par la jeune sahraouie Khadijatou Mahmoud à l'encontre du chef des séparatistes, des faits qui remontent à 2010. Ce dernier fait également l'objet d'autres plaintes, notamment pour tortures et crimes contre l'humanité. Le quotidien rappelle, par ailleurs, qu'un déplacement du leader des séparatistes à Barcelone en 2016 avait déjà été annulé à la dernière minute par peur de se faire appréhender dès son arrivée sur le territoire espagnol. Jusqu'au 24 avril et la convocation de l'ambassadeur espagnol à Rabat par la diplomatie marocaine pour expliquer le choix de Madrid de permettre l'hospitalisation de Ghali sur son territoire. La presse espagnole, à l'image du quotidien El Mundo, relayait encore les propos d'Arancha Gonzalez Laya, ministre des Affaires étrangères qui assurait que les relations entre Rabat et Madrid ne devrait pas être impactée par cette question. La convocation puis le communiqué du ministère de la diplomatie marocaine dénonçant l'attitude de Madrid sur la question a suscité encore plus l'intérêt de la presse espagnole sur la question. Le communiqué du ministère des Affaires étrangères qui détaille les interrogations du Royaume sur l'affaire et le rôle du gouvernement Sanchez a suscité une nouvelle vague d'articles. Allant d'une dépêche purement informative de l'agence d'Etat EFE, jusqu'à un article d'analyse du site El Confidencial, titré « le Maroc se fâche contre l'Espagne pour avoir accueilli le leader du Polisario souffrant », qui revient en détail sur les réactions marocaines, donnant plus de détails sur l'entrevue entre l'ambassadeur Diez-Hochleitner et un haut fonctionnaire du département de Bourita, citant certains médias marocains, rappelant au passage le contexte de crise qui n'en dit pas son nom entre les deux royaumes. La sortie de Rabat décortiquée El Pais a, de son côté, cité dans la soirée du 24 avril des sources autorisées au sein de la diplomatie marocaine qui critiquait la décision et la manière dont Madrid a géré l'hospitalisation de Brahim Ghali. Le quotidien madrilène a rejoint le site El Confidencial, en pointant le rôle des services d'espionnage marocains qu'ils estiment comme responsable de la fuite de l'information de l'hospitalisation de Ghali dans la région de Saragosse. Une information que tant les séparatistes du Polisario, le gouvernement algérien comme les autorités espagnoles ont tenté sans succès de garder secrète. El Mundo a de son côté publié un article dont le titre est « Le Maroc maintient l'escalade contre l'Espagne : accueillir le leader du Polisario est contraire au principe de bon voisinage ». Le quotidien madrilène évoque ainsi la position du gouvernement Sanchez qui continue de nier toute crise avec Rabat. Une position expliquée par la volonté supposée de Madrid d'éviter toute confrontation ouverte avec Rabat, rappelant la dépendance des autorités espagnoles vis-à-vis du Maroc pour gérer le dossier de l'immigration. ABC signale, pour sa part, un « dur communiqué du Maroc sur l'hospitalisation en Espagne du leader du front Polisario ». Le quotidien détaille ainsi la sortie du ministère des Affaires étrangères marocain, traduisant et publiant presque mot pour mot le communiqué du 25 avril. Dans un article paru la matinée du 26 avril, le quotidien La Razon revient sur les raisons ayant poussé les autorités espagnoles à opter pour la clandestinité dans cette affaire. Selon la version numérique du support, Madrid tentait de ne pas brusquer Rabat comme les victimes du Polisario et leurs ayants droits qui sont derrière les plaintes qui visent Ghali et plusieurs autres gradés du mouvement séparatiste. La Razon revient ainsi sur le parcours du séparatiste, notamment dans les années 1970 où il était responsable des attentats et attaques qui ont ciblé des intérêts espagnols, notamment les installations phosphatières de Boucrâa et les pêcheurs qui moullaient au large des côtes sahariennes, ce qui représente 300 victimes rien que pour cette période. Le support de presse évoque ainsi que le choix de la localité de Logroño, les tractations entre Madrid et Alger et l'utilisation d'une fausse identité visait non seulement à dissimuler la présence de Ghali en Espagne à Rabat, mais aussi à détourner l'attention de la justice espagnole.