La faillite d'un Etat : le Liban ne peut honorer une partie de sa dette déjà échue, alors qu'en tout c'est 4.6 milliards dont il doit s'acquitter cette année Le Premier ministre libanais Hassan Diab a annoncé samedi que le pays ne serait pas en mesure de rembourser 1,2 milliard de sa dette arrivant à échéance dans deux jours, faisant ainsi état du premier défaut de paiement de l'histoire du Liban. Pays endetté à hauteur de 92 milliards de dollars --soit environ 170% de son PIB-- le Liban «va restructurer sa dette conformé-ment à l'intérêt national», a ajouté le chef du gouvernement, désigné fin décembre, plus de deux mois après le début d'un mouvement de contestation inédit contre la classe politique accusée de corruption et d'incompétence. «Nos réserves en devises ont atteint un niveau inquiétant (...) poussant le gouvernement à suspendre (le paiement d'une dette arrivant) à échéance le 9 mars», a déclaré M. Diab dans un discours retransmis par les chaînes locales. «C'est le seul moyen pour stopper l'hémorragie (...) avec le lancement d'un vaste plan de réformes nécessaires» incluant une «baisse des dépenses publiques», a-t-il ajouté. Il s'agit de la première décision majeure du gouvernement, formé en janvier après des semaines de manifestations, dans un pays qui fait face à sa pire crise économique depuis la fin de la guerre civile (1975-1990). Le 9 mars, l'Etat devait rembourser 1,2 milliard d'Eurobonds --des bons du Trésor émis en dollar--, dont une partie est détenue par les banques locales et la Banque centrale. Sur l'ensemble de l'année 2020, le pays devait en théorie honorer 4,6 milliards de dollars de dette, a précisé M. Diab. La restructuration de la dette fera partie d'un vaste plan de sauvetage visant à réaliser plus de 350 millions de dollars d'économies par an, a déclaré le Premier ministre. Des dons et des prêts pas débloqués Diab s'est aussi engagé à mener à bien les réformes promises en 2018 dans le cadre d'une conférence d'aide internationale contre 11,6 milliards de dollars de dons et de prêts, qui n'ont toujours pas été débloqués. Le Premier ministre a également préconisé une restructuration du secteur bancaire, le montant total des dépôts représentant environ quatre fois celui de l'économie du pays. Les banques libanaises détiennent près de la moitié des 30 milliards d'Eurobonds émis par l'Etat. Craignant un épuisement de leurs ré-serves en devises étrangères, elles ont déjà imposé des restrictions drastiques ces derniers mois. Plusieurs établissements ont plafonné les retraits à 100 dollars par semaine et interdit les transferts d'argent vers l'étranger, suscitant la colère des Libanais qui craignent aussi que leurs dépôts soient ponctionnés. Au Liban, le dollar est utilisé au quotidien au même titre que la livre libanaise. «Comment pourrions-nous payer les créanciers alors que les Libanais ne peuvent pas accéder à leur propre argent dans les banques?», s'est interrogé M. Diab, ajoutant oeuvrer à la «protection des dépôts dans le secteur bancaire, surtout ceux des petits épargnants.» Les Libanais craignent par ailleurs l'accélération de dépréciation de leur monnaie face au dollar. Le cours de la livre libanaise, indexée sur le billet vert depuis 1997 au taux fixe de 1.507 livres pour un dollar, a récemment frôlé les 2.700 livres pour un dollar dans les bureaux de change. Dégringolades des réserves en devises Quant aux réserves en devises de la Banque centrale, essentielles pour maintenir ce système d'indexation, elles ont dégringolé ces derniers mois, totalisant 35,8 milliards de dollars fin février, contre 43,5 milliards en septembre 2018.La rue impute la situation actuelle à un cumul de mauvaises politiques au cours des trois dernières décennies. Le pays a commencé à s'endetter massivement à la fin de la guerre civile pour financer sa reconstruction mais faute de réformes et de bonne gouvernance, le défi-cit public s'est creusé et la dette publique est passée de quelques milliards de dollars au début des années 1990 à plus de 90 milliards de dollars aujourd'hui. Samedi, des manifestants ont dé-filé dans plusieurs villes du pays, dont Beyrouth et Tyr (sud) pour crier leur colère.