Ouvrant ce samedi 24 mai à Paris un « forum de la société civile et du secteur privé » destiné à préparer la prochaine conférence internationale sur l'Afghanistan, prévue le 12 juin, également dans la capitale française, Bernard Kouchner a plaidé pour une « afghanisation de l'aide ». Reste à savoir ce que l'on met sous ce vocable Actuellement, les 2/3 de l'aide internationale échappe au contrôle du gouvernement afghan, seule une petite quantité 17%- transite par le budget de l'Etat. Les autorités afghanes souhaitent évidemment qu'une plus grande partie des fonds lui soient transférés . C'est probablement ce qui sera décidé, le 12 juin à Paris. Sur le papier cela peut en effet apparaître comme un moyen de renforcer l'Etat. Mais il n'est pas sûr que la reconstruction du pays en bénéficie réellement Car le gouvernement et l'administration afghane sont rongées par la corruption. De plus, en dehors de Kaboul et de quelques villes, la relation entre la population et l'Etat est d'abord faite de défiance. « L'Etat est considéré comme exogène, parfois prédateur » souligne Marjane Kamal, une universitaire qui travaille sur la société pachtoune. Le sentiment général des gens, c'est que les Moudjahidines, depuis qu'ils ont intégré l'Etat, sont incapables de les protéger ». En cas de litige foncier par exemple, c'est, en terre pachtoune, le chef taliban du secteur que l'on ira voir « L'Etat afghan est considéré par la communauté internationale comme une pièce de son arsenal de lutte contre le terrorisme. Il est subventionné et renforcé à des fins qui n'ont rien à voir avec le service aux citoyens » analyse de son coté Barnett Rubin, directeur, à l'université de NewYork, du Center on international cooperation. Les ONG qui travaillent sur place souhaitent donner un tout autre sens à cette « afghanisation de l'aide ». L'ACBAR, une agence de coordination qui regroupe une centaine d'entre elle, dénonçait dans un rapport rendu public fin mars les incohérences du nation building en Afghanistan. « Une trop grande proportion de l'aide est donnée sans tenir compte des vrais besoins des Afghans, dans le but d'obtenir des résultats visibles à court terme » soulignait, entre autres, l'agence. D'où le vu exprimé par les représentants de plusieurs ONG présents lors du forum de Paris pour que l'aide soit effectivement « afghanisée », mais à travers la mise en place de procédures qui permettent d'intégrer, en amont, les demandes des bénéficiaires, d'élaborer avec eux les projets en tenant compte de leurs priorités et de leur mentalité, aussi éloignée soit-elle de la vision occidentale des choses. Une telle approche n'est pas forcément la plus simple à mettre en uvre. D'autant qu'une partie de la reconstruction dépend, sur le terrain, des PRT, des équipes militaro-civiles de reconstruction qui font partie du dispositif de l'Otan, ce qui, aux yeux des populations, accroît la confusion des genres. Rien pourtant ne pourra se faire sans un minimum d'adhésion des populations. Or celles ci ont le sentiment, que les fonds déversés par la communauté internationale ne leur apportent aucun mieux vivre. C'est évidemment exagéré si l'on songe aux 6 millions d'enfants scolarisés et aux centres de santé qui ont ouvert un peu partout. Mais on a construit des routes et développé internet alors que les besoins « primaires » tels que l'accès à l'eau et à la nourriture ne sont toujours pas satisfaits dans un pays qui demeure parmi les plus pauvres du monde.