Plus d'un mois après le déclenchement de l'épidémie du Coronavirus en Chine, les premiers impacts sur l'économie nationale commencent à se ressentir. Certains secteurs sont touchés de plein fouet. D'autres le sont dans une moindre mesure, du moins pour l'heure actuelle. Avis de certains professionnels. Depuis l'apparition du premier cas au Maroc du virus Corona cette semaine, c'est la panique: de grands événements sont reportés tels que le SIAM, l'African Digital Summit, le festival de gastronomie, et la liste est longue. La motivation principale est d'assurer la protection et la sécurité de la population contre ce maudis virus qui fait des ravages dans le monde entier. Chez certains Marocains, c'est l'effet de psychose qui s'installe ! Ce sont ceux-là qui font le plein des provisions chez les supermarchés, comme nous le confirme un chef de rayon chez le groupe Marjane. On note aussi une affluence accrue des gens inquiets chez l'institut Pasteur et les pharmacies pour se procurer des masques de protection. Constat général, en dépit des initiatives du ministère de la Santé en vue de rassurer la population et la pousser à prendre juste les précautions nécessaires, une chose est sûre, les gens ont peur. Hormis cette appréhension d'être attaqué par le virus, il y a une crainte générale pour l'économie nationale qui risque de payer cher en termes de points de croissance. Nul ne peut ignorer la hausse de la tendance enregistrée au niveau du volume d'échanges au cours de ces dernières années. En 2018, les échanges bilatéraux se sont chiffrés à plus de 50 MMDH contre 27 MMDH en 2010 soit 6,6% des échanges du Maroc. Au cours des trois dernières années, le patronat marocain souligne une progression de 50% avec un taux de croissance des exportations du Royaume vers son partenaire chinois de l'ordre de 60%. Les économistes et analystes sont inquiets. « La Chine est l'usine du monde. Et le Maroc dépend fortement de ce pays dans de nombreux secteurs (matières premières, Thé…). Un ralentissement de l'économie chinoise ne sera pas sans impact sur l'économie nationale », assure Rachid Benmoussa, économiste. Sur le volet exportations, le président de l'ASMEX, nous explique que l'impact ne va pas tarder à se ressentir. D'après lui, il est nécessaire de mettre en place un plan d'urgence pour palier le gap dans les différents secteurs touchés. Ces secteurs pénalisés L'un des secteurs qui accuse un coup dur est celui du tourisme et de l'hôtellerie. « Avec la suspension de la ligne directe Casablanca-Pékin, de Royal Air Maroc, et la limitation des déplacements de touristes en départ de Chine, les mois de février et mars sont impactés de manière très importante. Nous estimons les pertes et els annulations entre février et avril à quelques 50.000 réservations », explique le président de l'Observatoire du tourisme, Said Mouhid. Lors d'une rencontre avec la presse le 1er février à Marrakech, Abdellatif Kabbaj, président de la Confédération Nationale du Tourisme souligne : « En 2019, nous avons enregistré environ 150.000 touristes chinois. Depuis le déclenchement du corona virus jusqu'à maintenant, nous avons constaté un arrêt des flux. Nous allons perdre cette clientèle pendant les deux ou trois mois à venir. Il faut tout simplement espérer qu'il y aura un remède à ce virus dans les deux ou trois prochains mois ». Des cellules de crises ont été installées dans certaines villes pour le suivi réel de l'évolution de la situation et des annulations en provenance de Chine mais aussi d'autres pays européens attrapés par le virus. « Nous suivons de près ce qui se passe dans le monde. Et les réunions s'enchainent pour avoir plus de visibilité surtout après les dispositions prises en France qui est passée au stade 2. Ceci aura certainement des conséquences sur le secteur. Mais il est trop tôt de juger ou d'émettre des hypothèses », ajoute Said Mouhid. Dans le secteur de l'hôtellerie on parle déjà d'un recul de près de 15% et dans la restauration on note une baisse du taux d'activité cette semaine. Même constat pour les traiteurs et les agences d'événementiel, qui prévoient une année morose suite au nombre accru des annulations de salons et d'événements. Selon les chiffres disponibles, le chiffre d'affaires annuel du secteur des foires et salons dépasse les 3 MMDH et génère plus de 10.000 emplois. Les annulations feront perdre beaucoup au secteur mais aussi aux professionnels et exposants des salons annulés. Les pertes par exemple de l'annulation du SIAM seront ressenties à la fois par les agriculteurs, les coopératives qui réalisent un chiffre d'affaires d'entre 15 et 16 MDH annuellement durant l'événement, sans parler du secteur de l'hôtellerie et des services à Meknès. Bref, c'est un énorme coup pour la ville. La crainte a également gagné les transporteurs du tourisme. Une réunion urgente a eu lieu au siège de la Chambre de Commerce, d'Industrie et de Services de la région Casablanca-Settat (CCISCS), en présence de la Fédération Nationale du Transport Terrestre Touristique (FNTT) avec des présidents des associations régionales ainsi que des opérateurs du secteur touristique et la Fédération des Loueurs d'Automobiles Sans Chauffeur au Maroc (FLASCAM). L'objectif est d'anticiper les perturbations potentielles causées par l'épidémie du coronavirus. Lors de cette réunion, Le président de la CCISCS a appelé à la cohésion et à la vigilance sans céder à la panique. Il a, également, souligné que les informations non fiables (Fake-news) risquent de faire souffrir la destination et l'économie plus que l'épidémie et les conséquences de cette maladie, en attirant l'attention sur le dispositif national de veille, de préparation et de riposte mis en place par le ministère de la santé. De l'avis du président de la CCISCS, Yassir Adil « malgré les annulations du marché chinois, l'activité en janvier et février était constante. Aussi, les prévisions pour le deuxième trimestre s'annoncent difficiles vu les problèmes de l'épidémie en Europe ». La gestion de cette situation a été actée par la mise sur pied d'une Commission Spéciale Nationale au sein de la FNTT pour suivre l'évolution de la situation. Ceux qui relativisent Le Maroc importe de la Chine plusieurs types de produits dont notamment le thé vert, les produits industriels légers, les produits textiles, les produits mécaniques et électroniques. Notons qu'environ 1/5 des exportations de thé chinois en 2018 ont été destinées au Maroc. Le Président de L'Association marocaine des industriels du thé et du café, Mohamed Astaib rassure: « A l'heure actuelle, nous n'avons pas de problème d'approvisionnement de thé au Maroc. Nous avons des stocks suffisants pour six mois et nous avons de quoi travailler jusqu'à fin mai ». Et d'ajouter : « Nous avons vécu des situations pires auparavant avec d'autres virus qui ont duré une année et ont paralysé le secteur. Depuis, nous prenons toujours nos précautions. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Les Chinois ont repris l'activité à 90% dans le secteur. Les lignes maritimes sont ouvertes actuellement. Et nous avons même commandé et chargé la marchandise et le conteneur est en route aujourd'hui. Certes nous chargeons plus cher vu les problèmes de congestion mais l'important c'est d'assurer l'approvisionnement du marché. Nos marges seront réduites mais cela ne va pas impacter les prix pour le consommateur ». Le Royaume dépend fortement de la Chine qui lui assure 97% de ses besoins de thé soit l'équivalent de plus de 70.000 tonnes annuellement. Pour éviter toute rupture de stock à l'avenir, les professionnels du thé veulent diversifier leurs sources d'approvisionnement et leurs fournisseurs. « Nous sommes à la recherche d'autres alternatives pour ne plus avoir de mono-source. Des négociations auront lieu avec des pays comme le Kenya, le Vietnam, le Sri Lanka ou encore l'Indonésie. Dès que cette situation actuelle sera surmontée, une délégation fera le tour de ces pays pour entamer les discussions », nous confie Mohamed Astaib. Un autre secteur qui est fortement lié aux importations chinoises, celui des Jouets. En effet, le principal fournisseur du royaume est la Chine qui représente les deux tiers des importations. 80% des jouets sont produits en Chine. Selon les chiffres de l'Office des changes relatifs aux importations de jeux et jouets et produits assimilés, on note une croissance moyenne annuelle de ces importations de l'ordre de 8,4%, durant la période 2008-2018, et avec un volume de près d'un milliard de DH. Jaouad Ouadghiri, président de l'Association marocaine des importateurs de jouets (AMIJ), reconnait que le secteur est impacté mais pas au point de s'alarmer. «Beaucoup d'usines ont repris leur activité mais au ralenti. La semaine dernière la reprise a été l'ordre de 20% et cette semaine nous sommes à 40%. Nous commerçons toujours grâce aux grands stocks cumulés. En plus il ne s'agit pas de la haute saison. Donc pas d'effet immédiat, il y a un ralenti certes mais pas de pénurie », conclut Jaouad Ouadghiri.