Le choix de l'ouverture sur l'extérieur fait par le Maroc en 1987 a eu certes des résultats, mais pas forcément ceux escomptés, en signant le fameux accord du GATT. En effet, au bout d'une vingtaine d'années, les différents accords de libre échange (signés avec des puissances économiques mondiales comme les USA ou l' UE et des pays émergents à fort potentiel de croissance tels la Turquie et les Emirats arabes unis) ne s'avèrent pas très bénéfiques pour le commerce extérieur du Maroc. Avec un volume d'importations qui l'emporte de loin sur celui des exportations, le déficit de la balance commerciale devient chronique. «D'où la nécessité de l'élaboration d'une stratégie complémentaire intégrant les différents acteurs qu'ils soient institutionnels ou professionnels», insiste Habib El Malki, président du Centre marocain de conjoncture (CMC) lors de la 21e rencontre annuelle organisée le 13 décembre 2011 à Casablanca sous le thème «Compétitivité et dynamique à l'export: quelle stratégie d'avenir ?». Faible croissance Chiffres à l'appui, le CMC rappelle ainsi que la croissance annuelle moyenne enregistrée durant les treize dernières années (de 1998 à 2010) n'a été que de 4,3%, tirée principalement par la demande intérieure à hauteur de 4,7% contre une contribution négative à hauteur de 0,40% pour la demande étrangère. Cette situation s'explique par la prépondérance des importations avec un apport négatif de 2,4 points de croissance contre un apport positif de seulement 2 points de croissance pour les exportations. La faible présence des produits marocains sur les marchés extérieurs trouve plusieurs explications chez les participants. «La conquête du marché international nécessite une nouvelle culture», analyse El Malki qui rappelle que le Maroc aurait pu préparer au préalable son ouverture commerciale. Pour Abdellatif Maâzouz, ministre du Commerce extérieur, l'une des grandes faiblesses du secteur de l'export serait la faible offre nationale. «Nous n'avons que des “offrettes”. Le volume et la diversité font défaut. Les produits marocains n'arrivent pas à répondre à une demande importante et exigeante», explique le ministre qui considère que le Maroc se prive ainsi d'une plus forte présence sur ses marchés de prédilection tels l'Europe. Cette situation est d'autant plus aggravée par le manque de producteurs. «Nous n'arrivons pas jusqu'à maintenant à avoir au moins trois ou quatre concurrents nationaux sur le même produit exportable, d'où une faible pénétration des marchés», ajoute-t-il, insistant sur l'importance d'un travail de ciblage du couple produit/marché dans la stratégie conquérante du Maroc. Une autre défaillance qui porte un sacré coup à la compétitivité marocaine dans un contexte mondial critique et fatalement concurrentiel. Une véritable problématique qui nécessite une plus grande agressivité de la part des entreprises prétendantes à l'export mais également des instances institutionnelles. Manque de compétitivité S'en défendant, les responsables gouvernementaux présents n'ont pas manqué l'occasion pour rappeler la multitude de plans sectoriels lancés dans la perspective de booster les exportations marocaines, tels le Plan Maroc vert (qui vise 44 milliards d'exportations à l'horizon 2020) et Emergence (80 milliards à l'horizon 2020). Des efforts louables mais qui restent toutefois insuffisants selon les acteurs privés, tous secteurs confondus. «L'ouverture adoptée par le Maroc est un peu naïve», commente Mohamed Hourani, président de la CGEM. Pour le patron des patrons, prises de court, les entreprises marocaines n'étaient pas prêtes à faire face au grand flux des importations en produisant du local. Hourani va plus loin dans son autopsie. «Pour être compétitif ailleurs, il faut l'être d'abord chez soi». Si l'adaptation des exportations aux marchés de destination est une exigence, le suivi par la partie institutionnelle est plus que nécessaire. «La politique de change est à revoir !», lance-t-il. Question épineuse sur laquelle sont revenus de nombreux intervenants lors de cette rencontre, la parité monétaire du dirham aurait des effets plutôt positifs sur les exportations marocaines et sur la balance commerciale. Le développement logique élaboré par les pro-flexibilité du dirham veut que dans une perspective d'amélioration de la compétitivité-prix de l'entreprise marocaine, un assouplissement de la contrainte des coûts de facteurs s'impose. Pour bon nombre d'opérateurs, l'étude comparée des coûts des facteurs au Maroc et chez ses principaux concurrents ne serait pas à l'avantage de l'économie nationale. Figure parmi ces coûts de facteurs le cours de change du dirham. La «surévaluation» chronique de la monnaie nationale «exercerait un effet de soufflet sur les importations, contribuant à la détérioration des différents soldes commerciaux tout en gênant l'écoulement des produits fabriqués localement sur nos marchés extérieurs pertinents, notamment sur la zone euro», note-t-on au CMC. Une réclamation qui n'est pas entendue de la bonne oreille par Bank Al Maghrib, représenté par Karim Al Aynaoui, directeur des études et des relations internationales. «La question du régime de change fixe est une préoccupation à la banque centrale. Il faut savoir qu'une plus grande flexibilité du taux de change du dirham peut avoir des conséquences pas toujours réjouissantes sur les exportations et l'économie en général. La réviser est une responsabilité partagée avec le ministère des Finances», résume le responsable. Les pistes à suivre… Les exportations marocaines, tous produits confondus, représentent moins de 1% du marché européen. Triste constat qui en motive plus d'un à explorer et exploiter le fort potentiel qui s'offre à notre pays. Parmi les pistes stratégiques proposées par le CMC figure l'industrialisation du PIB. «Une plus forte industrialisation est garante d'une amélioration quantitative et qualitative d'une offre marocaine plus tournée vers l'export», préconise El Malki. Une proposition confirmée par Ahmed Réda Chami, ministre de l'Industrie, qui désigne l'amélioration du capital humain comme une voie de redressement. Il est rejoint dans cette idée par Mohamed Tahraoui, du CMC, qui ajoute la mobilisation des investissements et la réforme du système éducatif comme moyens de relance du secteur de l'export. L'adaptation de la fiscalité, la formation continue, la diversification de la production et l'amélioration du climat des affaires et du système judiciaire sont évoquées par le président de la CGEM. Le représentant de l'Amith quant à lui rappelle à l'Etat son rôle de promoteur de la production nationale sur les marchés extérieurs. «Il faut redoubler d'efforts et de moyens, ce n'est pas une mince affaire !» conclut-il.