La révolution – mouvement parti de la base – a été déclenchée par le suicide de Mohamed Bouazizi, jeune diplômé chômeur de 26 ans, qui s'est immolé par le feu après que la police eut confisqué son chariot de légumes. Le gouvernement a eu beau s'orienter vers des réformes qui semblaient impensables il y a quelques semaines, c'est avec un scepticisme croissant que l'on considère la révolution, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Alors que les Tunisiens s'interrogent sur la suite du mouvement, les Etats-Unis se doivent d'apporter le meilleur soutien possible sans pour autant délégitimer ce qui est un mouvement authentiquement populaire. En un seul mois, les événements se sont précipités, provoquant des changements de première grandeur : trois chefs de gouvernement en trois jours, tandis que les responsables travaillent aujourd'hui à la constitution d'un conseil des sages représentatif qui aiderait à guider le pays vers des élections et formation d'un nouveau gouvernement. Pourtant, en Tunisie – et dans les rues du Caire, de Tripoli et d'Alger – les gens ont l'impression que le parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique de Ben Ali (RCD), pourrait revenir aux affaires après les élections. Ce scepticisme se fonde sur leur expérience des gouvernements autoritaires – gouvernements qui ont su résister à l'épreuve du temps, malgré le mécontentement généralisé. Pour certains analystes, la révolution tunisienne pourrait avoir un effet domino dans la région. Mais les citoyens des pays voisins croient que leurs gouvernements réprimeront les manifestations et bloqueront les médias sociaux pour empêcher une explosion à la tunisienne. D'ailleurs les mesures répressives ne sont pas la seule raison pour laquelle l'agitation tunisienne ne va pas forcément traverser les frontières. Les circonstances qui entourent la révolution tunisienne sont uniques : laïc et endogène, le soulèvement est parti de la base, sous la seule impulsion du peuple tunisien, à l'écart de tout parti politique ou religieux. Quoiqu'il en soit, cette situation offre à l'administration du Président Barack Obama l'occasion non seulement de soutenir un pays dans les affres de la transition démocratique, mais aussi de redorer le blason des Etats-Unis dans toute la région. Pour ce faire, le gouvernement Obama devra privilégier l'aide au développement économique, au lieu de s'aligner sur telle ou telle faction politique ou de fournir des ressources au développement politique. B. Obama devrait annoncer un soutien économique visant à la création d'emplois et à une croissance durable pour les pays qui, comme la Tunisie, s'orientent dans le sens d'une plus grande liberté politique. En augmentant l'aide à la Tunisie – une “prime à la démocratie” – on aiderait ce pays non seulement à combattre ses maux économiques, mais on ferait aussi comprendre aux peuples de la région que les Etats-Unis soutiennent leurs aspirations politiques et économiques. En privilégiant l'assistance économique plutôt que les alliances politiques, les Etats-Unis pourraient apporter leur soutien à un mouvement démocratique tout en les préservant de toute ingérence extérieure et en leur permettant d'affirmer leur légitimité. Plus précisément, les Etats-Unis devraient collaborer avec le nouveau gouvernement pour mettre en place de nouvelles mesures de lutte contre la corruption et de promotion de l'investissement et de l'entreprise. La création d'emplois aurait un écho considérable dans la région, qui devra créer 100 millions de postes de travail d'ici 2020 pour faire reculer un taux de chômage massif, le plus élevé au monde. L'Initiative pour un partenariat entre les Etats-Unis et le Moyen-Orient (MEPI) – programme qui vise à un rapprochement avec les peuples du Moyen-Orient – a une présence en Tunisie, mais ses programmes sont répartis entre le soutien politique et le soutien au développement économique. Pour aider la Tunisie à s'aider elle-même, il conviendrait de privilégier l'aspect économique. En soutenant les progrès de la Tunisie par la coopération économique, les Etats-Unis contribueront non seulement à accompagner la dynamique de la réforme politique, mais aussi à améliorer l'image des Etats-Unis dans la région – ce qui est indispensable pour assurer les éléments d'un minimum de sécurité nationale pour les Etats-Unis. Cette image d'un pays attaché à la défense des valeurs de la démocratie et à l'accomplissement de la promesse faite par le Président Obama dans son discours du Caire de 2009 - de soutenir la “justice et la prospérité”, Washington peut la conquérir. *Rabab Fayad, politologue spécialiste des relations étrangères, vit à Genève. Article écrit pour le Service de Presse de Common Ground (CGNews). Source : Service de Presse de Common Ground (CGNews), 28 janvier 2011,www.commongroundnews.org Reproduction autorisée.