Une journaliste marocaine, notre consœur Fatima-Zohra Jdily, a voulu exercer son métier à Mélilia et couvrir la tension sociale qui y règne. La police l'en a empêchée manu militari. La même journaliste n'a pu accéder à Sebta, les autorités espagnoles la déclarant persona non grata. Reporters sans frontières n'a pas réagi. Aucun journaliste espagnol n'a estimé de son devoir de marquer un quelconque soutien. Nous sommes face à une attitude de mépris aussi navrante que flagrante. Les démocrates européens, donneurs de leçons à longueur de journée, nourrissent un scepticisme incompréhensible face aux journalistes africains. Ceux-ci n'ont pas le droit d'exercer leur métier sans être taxés de ‘'manipulés''. Le discours officiel sur l'appel à la démocratisation des pays du Sud est mis en échec par cette attitude condescendante, voire raciste. A chaque fois qu'un journaliste espagnol a été gêné par les autorités marocaines, un tollé s'est ensuivi, à juste titre par ailleurs. Mais la Guardia civil peut maltraiter une journaliste marocaine sans que nos confrères y voient motif à réprobation. Cette attitude porte atteinte à l'idée démocratique dans son essence. Pour nos concitoyens, les valeurs universelles sont portées par l'Occident. Dès lors, ce genre de comportement est mis au débit de ces mêmes valeurs. Il n'en faut pas plus pour attirer des reflexes de repli identitaire, déjà fortement présents dans nos sociétés. Pour notre part, nous refusons ce jeu. L'Espagne est notre voisin et la géographie est immuable. La nervosité dont font preuve les autorités ibériques dès qu'il s'agit de Sebta et Mélilia ne changera rien au fait que ces villes sont marocaines. L'Espagne démocratique devra se résoudre, tôt ou tard, à solder son passé colonial. Quant à la presse espagnole, elle se déshonore par son attitude peu objective face au Maroc et, pire, aux Marocains. Elle colporte des rumeurs sans fondement, déforme les réalités pour nuire à l'image du Maroc. En soutenant, par défaut, le comportement des autorités de Mélilia, cette presse commet une erreur tragique. L'histoire nous apprend que la liberté n'est pas divisible. Ce sont les propres libertés des citoyens espagnols qui sont menacées. Reporters sans frontières n'a pas réagi non plus. A croire que l'ONG a une vision très variable de la liberté des journalistes. Tout cela ne nous empêchera pas de continuer à œuvrer pour l'avènement d'une presse marocaine aux standards internationaux. Bien au contraire, la condescendance nous conforte dans nos choix. Ceux-ci sont clairs, notre indépendance est à ce prix. Nous l'assumons pleinement.