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Urgences Un business morbide
Publié dans L'observateur du Maroc le 08 - 10 - 2010

Le spectacle qui s'offre à celui qui visite ces lieux est des plus désolants. Manque d'équipements, espaces manquant d'entretien, personnel peu attentif aux souffrances des patients et d'autres images aussi irritantes les unes que les autres. Cependant, si les citoyens peuvent surpasser ce premier contact avec le service, ils trouvent de la difficulté à comprendre le traitement financier qu'on leur réserve. Quelle que soit la gravité du cas qui se présente, il faut d'abord s'acquitter des droits. Il faut payer. On imagine aisément le cas d'un père de famille venu en urgence faire soigner son fils qui a eu un accident. Avait-il eu le temps de réfléchir à ces questions qui lui paraissent puériles devant le danger dans lequel se trouve son fils ? On peut évoquer des milliers de cas où des citoyens se sont trouvés dans pareille situation. Rien ne sera fait au malade tant que le reçu du paiement n'aura pas été présenté. Dans les cliniques privées c'est encore plus grave. Il faut reconnaître que dans les hôpitaux publics, les sommes en jeu ne sont pas faramineuses, les personnes arrivent tant bien que mal à s'en sortir, bien qu'il y ait des citoyens qui se trouvent dans l'impossibilité de payer. Les cliniques privées ne cachent même pas leur préoccupation financière. L'accompagnateur du malade qui peut être dans l'incapacité totale de traiter de ces questions d'argent doit sortir son portefeuille et régler le montant qu'on lui aura indiqué. On comprend bien la réaction des parents du malade quand ils se révoltent, sous la pression d'un temps précieux, où chaque minute perdue compte et peut être fatale. Alors que tout le monde panique, le personnel de la clinique ne semble pas avoir de mal à faire passer d'abord l'exigence financière. Il est parfaitement assimilé qu'une clinique privée n'est pas une institution de charité. Il est néanmoins certain que la mission de la médecine est d'abord de sauver des vies. C'est ce que jurent les médecins au moment de leur thèse : « Je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je préserverai l'indépendance nécessaire à l'accomplissement de ma mission.». Il est loin ce serment de certaines pratiques d'aujourd'hui qui donnent au gain la primauté sur la vie des humains. Elle est aussi loin cette indépendance «nécessaire à l'accomplissement de ma mission». Sans atteindre à l'intégrité du personnel médical dont l'œuvre est connue et reconnue de tous, ce dossier met néanmoins le doigt sur un aspect très important de notre société.
Témoignage
Saadia, 37 ans, employée de maison, Casablanca
Récemment, j'ai été prise de bon matin d'une soudaine et violente douleur dans la partie droite de mon bas ventre. Pensant que c'était des douleurs menstruelles, j'ai cru que cela allit passer et je me suis allongée. Une dame qui travaille avec moi moi, inquiète, m'a alors préparé une infusion de thym pour soulager ma douleur. Mais cela n'a eu aucun effet. La douleur empirait d'une minute à l'autre. J'ai alors fini par prendre peur et me suis rendue au cabinet du seul gynécologue que je connaissais et qui m'avait déjà soignée. Le temps qu'il vienne de la clinique où il exerce à son cabinet privé m'a paru interminable. Il a tout de suite diagnostiqué une crise d'appendicite puis, sans ménagement aucun, m'a annoncé qu'il ne pourrait pas m'opérer car je ne serai pas en mesure de payer l'intervention, facturée à 10.000 dirhams dans sa clinique. Il m'a suggéré d'aller à l'hôpital. Chose que j'ai refusée énergiquement pour deux raisons. La première est que, pour ne pas payer à l'hôpital, je devais présenter un certificat d'indigence. Or je n'en disposais pas, et je ne pouvais d'ailleurs pas en obtenir en un jour, encore moins un vendredi en fin de matinée. La seconde raison est que j'ai gardé une phobie des hôpitaux depuis que ma tante en est ressortie paralysée à la suite d'une attaque cérébrale. Désespérée et pliée de douleur, j'ai appelé la maîtresse de maison chez qui je travaille. Elle m'a alors dirigée vers un médecin parmi ses connaissances, qui m'a opérée par cœlioscopie, pour 6000 dirhams, alors que l'intervention coûte normalement 9000 dirhams. Je suis ressortie le lendemain matin, après d'ultimes analyses. Quelques jours plus tard, j'étais parfaitement remise et les points ne se voient presque plus, puisqu'ils se situent au niveau de mon nombril. J'ai été sauvée, grâce à Dieu, mais surtout, je serai éternellement reconnaissante à cette dame au grand cœur, qui est mon employeur, mais me considère comme un membre de sa famille, et qui n'a pas hésité une seconde à me porter secours.
Karim, 30 ans, commercial, Casablanca
Alors que je sortais faire un tour à moto avec une amie, à Sidi Rahal, nous avons glissé à côté du complexe résidentiel de la Kasbah. Je n'avais que quelques égratignures. En revanche, mon amie avait une plaie ouverte au niveau de la jambe droite. L'ambulance a mis un temps fou à venir, ceci sachant que plusieurs témoins ont appelé les secours depuis leur portable. Quand ils sont finalement arrivés sur les lieux, les ambulanciers ont refusé de transporter mon amie sans l'accord des gendarmes, ce qui nous a encore fait perdre un temps fou avant d'atteindre une clinique réputée à Casablanca. C'est nous qui avons demandé aux ambulanciers de nous y emmener, ayant entendu parler de l'accueil catastrophique aux urgences des hôpitaux publics. Sur place, le médecin a décidé que le cas de mon amie nécessitait une intervention chirurgicale d'urgence, même si sa plaie ne nous semblait pas aussi sévère que cela. Quoi qu'il en soit, elle a été hospitalisée pendant trois jours, sans que l'on nous dise à l'avance le coût de l'intervention et des soins postopératoires. A la sortie, on nous a réclamé 12 000 dirhams. Quand nous avons exigé de voir la facture, la réceptionniste a prétendu qu'elle ne pouvait l'imprimer avant que nous ayons payé la totalité de la somme. C'était un dimanche, on n'avait pas d'espèces sur nous, et il était impossible de retirer toute cette somme en une seule fois d'un guichet automatique. La réceptionniste a rechigné avant de demander un chèque de garantie. A notre retour lundi matin, et après le paiement de la facture en espèces, sachant que la mutuelle professionnelle de mon amie ne rembourse pas les accidents de la voie publique, on s'est rendu que la facture indiquait uniquement 8000 DH : « Les 4000 dirhams restants, c'est pour l'acte du professeur au noir», nous a alors rétorqué placidement la réceptionniste. Nous n'avions ni la force ni la patience de revendiquer quoi que ce soit. Après tout, l'essentiel, c'est que nous étions sains et saufs.
Youssef, 33 ans, cadre commercial, Casablanca
Je me suis ouvert le poignet gauche en fermant une vitre dans ma salle de bains. Il était 16 heures. C'était en plein milieu du mois de Ramadan dernier. Je me suis rendu de suite à la clinique la plus proche sur le boulevard Zerktouni, mais il n'y avait pas de médecin ni d'infirmière. Je me suis alors dirigé vers une autre clinique privée, au quartier Palmiers. Le médecin a soutenu que mon cas requérait une opération chirurgicale d'urgence car un nerf vital de mon poignet aurait été sectionné. Or, étant transplanté rénal et grand habitué du monde médical, je savais que c'était un faux diagnostic, vu que j'étais encore parfaitement sensible du bras gauche. Le médecin, confus, m'a finalement fait trois points de suture, sans anesthésie, que l'on m'a facturé à 1000 dirhams. Quelque temps plus tard, j'ai eu une intoxication alimentaire, qui s'est compliquée du fait de mon problème rénal. J'ai été admis aux urgences d'une clinique renommée au quartier Maârif, mais en contrepartie d'un chèque en blanc car, disaient-ils, ils ne disposent d'aucune garantie de paiement de la part des patients à leur sortie. Je savais cette pratique illégale, mais je ne pouvais pas refuser dans l'état où j'étais. A ma sortie, dans les 10 000 dirhams que j'ai déboursés et que j'ai trouvés logiques pour 8 jours d'hospitalisation, j'ai réclamé la déduction de 400 DH de la facture. C'était le prix de la «consultation» d'un médecin, qui, dans les faits, m'a salué de loin avant de se rendre à son jogging dominical.
Najwa, 23 ans, étudiante, Rabat
J'ai eu une entorse en 2005 à la cheville gauche au retour d'un match de foot, alors que je descendais un trottoir trop haut. Lorsque je suis arrivée chez moi, ma cheville était très enflée. Vers minuit, la douleur devenant insupportable, mes parents ont décidé de m'emmener aux urgences de l'hôpital Cheikh Zayed. J'y ai été très bien reçue par un personnel souriant et aux petits soins. On m'a apporté un fauteuil roulant dès ma descente de voiture, et le médecin de garde m'a consultée après une petite demi-heure. Diagnostiquant, à l'œil nu, une entorse nécessitant un plâtre américain, il a assuré que je n'avais pas besoin de radio. Une infirmière est ensuite venue me demander de choisir la couleur de mon plâtre : rose, bleu, vert ou crème. Mes parents ont déboursé 1500 dirhams en espèces. Ils n'ont pas demandé le détail de la facture car ils n'avaient aucune idée des prix pratiqués dans le domaine. Quoi qu'il en soit, je suis revenue 21 jours plus tard pour retirer mon plâtre. Cette fois-ci, j'ai eu droit à un accueil nettement moins «charmant». Il y avait un monde fou dans la salle d'attente. On m'a demandé de payer 200 dirhams à l'avance pour la consultation. Le médecin, celui-là même qui m'avait posé le plâtre, est entré grincheux et en coup de vent dans la salle d'attente. Il a jeté un coup d'œil de loin à ma jambe gauche, sans même prendre la peine de l'ausculter de près dans son bureau, m'a demandé sèchement de descendre à la cave pour que l'on me retire le plâtre, puis prescrit oralement une dizaine de séances de rééducation. Ma mère est alors entrée dans une colère noire, et a réclamé le remboursement de l'argent de la consultation. Quatre ans plus tard, en mai 2009, j'ai eu une autre entorse. Je me suis adressée à une clinique privée. On m'y a fait une radio d'office, qui a révélé une petite déchirure aux ligaments, avant de me plâtrer le pied. Je n'étais toujours pas au courant de la nomenclature des prix, mais en tout cas, j'en ai eu en tout et pour tout pour 1000 dirhams, en plus du retrait gratuit de mon plâtre au cabinet du médecin traitant.
Younès, 35 ans, administrateur de société
En sortant de discothèque avec des amis, nous sommes allés casser la croûte dans un petit snack, situé sur l'un des plus grands boulevards de Casablanca. Il était environ 3 heures du matin. Un homme, ivre, a alors approché une de mes amies, je me suis poliment approché et lui ai dit que son frère était présent, que cela ne se faisait pas... J'ai tout de suite vu une forte lumière, et tout de suite après, ma chemise était maculée de sang. Mon nez ne cessait de couler, je croyais avoir une hémorragie. Une amie m'a alors conseillé de mettre la tête en arrière en attendant l'ambulance. Mes amis m'on rapporté que c'est le sbire de l'homme à qui je m'étais adressé qui m'avait collé une droite, sans raison d'ailleurs. Les policiers l'ont tout de suite interpellé, et du coup, je devais attendre l'ambulance qu'ils m'avaient appelée. Je vacillais et je sentais que j'allais tomber dans les pommes. J'ai pris peur et demandé à un ami de m'accompagner aux urgences d'une clinique, je ne voulais pas aller à l'hôpital. En arrivant aux urgences de la clinique, on m'a accueilli immédiatement. Mais on exigeait de moi 2000 dirhams. Je ne les avais pas sur moi, je n'étais pas en l'état d'aller retirer de l'argent, et mon chéquier était resté dans ma voiture. Heureusement, mon ami a établi un chèque… sans provision. Je le rembourserais avant que le chèque ne passe, de toute façon.
Cliniques privées
Halte à la fraude !
noura mounib
La liste des pratiques frauduleuses chez les cliniques privées, bien évidemment contraires aux règles déontologiques de la médecine est longue et lourde de conséquences. Ces établissements de soins payants, censés palier aux maux dont souffrent les urgences des hôpitaux publics, profitent de la detresse des malades pour s'enrichir sans vergogne. Sans chèque de garantie ou sans la petite enveloppe au «noir» du médecin, les cliniques privées refusent souvent d'admettre le malade souffrant, même s'il est en danger... de mort. Des pratiques que la justice condamne fermement mais que les gens sont obligés d'accepter car en situation d'urgence, on ne pense qu'à sauver sa vie, sa jambe, son appendice…. Or il existe un flou juridique, qui cache les fraudes évidentes de ces cliniques en quête de gain facile. Si les patients dénoncent ces pratiques illégales et loin de tout contrôle (c'est l'Ordre national des médecins qui s'en charge), les cliniques se justifient de leur côté et accusent les grosses fiscalités qu'elles doivent payer. Entre interventions chirurgicales onéreuses, surfacturations et sur-médication, certaines cliniques fuient la faillite… à tout prix. Elles profitent des malades, effrayés, déboussolés et en situation de faiblesse, pour leur faire payer très cher leur droit aux soins.
Un lot de duperies
Les deux textes de 1984 et de 1994 régissant le secteur n'accordent pas aux cliniques le statut de société, SA, SARL ou autre. Une clinique est considérée comme une association de personnes, médecins obligatoirement, qui n'est pas à but lucratif. D'ailleurs, les médecins n'ont pas droit aux profits mais à des honoraires. Des honoraires souvent arrondis grâce au noir exigé par le médecin traitant… Si le malade veut sauver sa peau, il doit se plier aux exigences malhonnêtes de l'établissement. Le « noir », prélevé directement par la clinique et qui va directement dans les poches du médecin, entre autres. Un point qui pose véritablement problème car malgré une prise en charge complète, le malade se voit dans l'imcapacité d'apporter la preuve de sa dépense de santé à son assurance maladie, puisque la facture de la clinique ne fait bien évidemmment pas apparaitre le noir. Seul le chèque en porte la preuve, si ce n'est un versement en espèces, qui efface toute trace de la fraude. La facture est donc salée, quelle que soit la couverture. On se croit à l'abri, on se prive chaque mois d'une partie de son salaire en croyant s'offrir le droit à la sécurité et à la prise en charge. Que nenni. D'ailleurs, même lorsqu'il n'y a pas de pratique du noir, il n'est pas aisé de se faire rembourser la totalité des sommes puisque les barèmes des assurances sont bas, et que la marge entre les remboursements et la réalité de la facture reste très importante, notamment en raison de surfacturation d'actes ou de soins, voire de médicaments facturés bien que non administrés. Même les hospitalisations font la joie de certains établissements lorsqu'un séjour d'une journée est transformé en deux, sur le devis. Ces confusions sont souvent dues à l'inconscience du patient vis-à-vis de ses droits, mais surtout à l'absence de tarification claire, affichée… ce qui est pour beaucoup dans cette confusion qui joue en faveur de la fraude.
Le chèque de garantie
Cette pratique vient en tête de liste des feintes habituelles. Avant l'admission, le malade doit déposer un chèque de garantie non daté, non barré et au porteur... Impossible de refuser ou de se révolter lorsque le malade, en danger, n'a qu'une chose en tête : ne pas mourir. Si la loi condamne cette pratique pourtant illégale, les patients n'ont d'autre choix que de répondre favorablement à l'exigence de l'établissement privé en contrepartie de soins. Bien que le chèque soit payable à vie, un chèque de garantie ne sera pas présenté immédiatement à l'encaissement, ce qui est contraire au principe général des chèques. Le code du commerce est clair sur la question : l'article 316 punit d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 2000 à 10.000 DH, sans que cette amende puisse être inférieure à 25% du montant du chèque, tout personne qui, en connaissance de cause, accepte de recevoir ou d'endosser un chèque à la condition qu'il ne soit pas encaissé immédiatement et qu'il soit conservé à titre de garantie. La clinique est par conséquent en état de fraude et donc de sanction prévue par l'article cité.
Mais le plus alarmant dans cette série de fraudes, c'est l'impunité des cliniques frauduleuses. Le patient, secoué, heureux d'avoir recouvré sa santé, totalement ou partiellement… une fois ses jambes capables de le porter, fuit la clinique, sans se retourner. Certes, il a été dupé, il devrait poursuivre la clinique, ils n'avaient pas le droit de le traiter ainsi, pas à un moment si difficile, pas au moment où il quémandait leur aide… mais maintenant que tout est fini, à quoi bon remuer les mauvais souvenir et surtout, pour quels résultats ?
“Le patient a toujours la possibilité d'attaquer en justice”
Maitre Hassan Semlali, Avocat au barreau de Kénitra
L'Observateur du Maroc. Quel recours pour le malade quand la clinique exige un chèque en blanc avant son admission ?
Maitre Hassan Semlali Le médecin ne peut en aucun cas refuser d'apporter secours aux personnes en danger, en l'occurrence un malade. Le code pénal marocain punit toute personne qui refuse de porter secours à une personne en danger. Une clinique peut demander des garanties de payement mais prendre un chèque en garantie est puni par la loi marocaine au même titre que l'émission d'un chèque sans provision. C'est du chantage.
Sauf que le malade n'a pas le choix…
Les gens recourent à ces moyens pour la simple raison qu'ils sont dans la nécessite de trancher en considération de l'urgence dans laquelle ils se trouvent pour soigner et sauver leurs malades.
Le problème qui reste c'est comment apporter la preuve que c'était un chèque de garantie quand la réglementation bancaire permet d'accepter un chèque portant une date antérieure à sa présentation au payement dans le délai d'une année. Le chèque de garantie est interdit mais il devient une pratique courante.
Que faire en cas de surfacturation ?
Si les soins sont chers par rapport à la réalité des soins et des prestations reçus, le patient a toujours la possibilité d'attaquer en justice pour recouvrer la différence et une indemnité. Se retourner vers l'ordre des médecins ? L'ordre des médecins n'est pas une instance judiciaire qui tranche les litiges entre les patients et les médecins, mais c'est plutôt une corporation de médecins qui régit et organise la profession. Il peut donner un avis ou prendre des mesures disciplinaires mais ne peut et n'a pas les prérogatives légales pour trancher les litiges et le manquement aux obligations.
Le patient et la clinique privée...
Je t'aime, moi non plus.
salaheddine lemaïzi
«C'est injuste !», un cri du cœur du Dr Farouk Iraki, avocat de la cause des cliniques privées. «Nous ne sommes pas responsables des maux de la santé au Maroc, au contraire nous contribuons à améliorer celle des citoyens. Et c'est nous qui payons le prix fort», se plaint-il.
Depuis 16 ans maintenant, F. Iraki préside l'Association nationale des cliniques privées (ANPC), un syndicat des établissements privés de soin créé en 1980. Aujourd'hui, ce chirurgien généraliste est un homme en colère : «on nous colle une image négative, alors que rares sont ceux qui connaissent exactement nos contraintes». Investir dans une clinique privée de taille moyenne demanderait entre 50 à 60 millions de dirhams. Une coquette somme dans un investissement que la légende urbaine considère très rentable, mais la réalité est tout autre. «On parle plus des quelques cliniques qui réalisent un chiffre d'affaires important alors que ceux qui mettent la clé sous la porte sont un non événement pour les médias», s'insurge Dr. Mohammed Naciri Bennani, président du Syndicat national de la médecine libérale (SNML). «Encore faut-il que ces établissements qui marchent bien puissent permettre aux actionnaires d'avoir des dividendes en fin d'année, ce qui est un luxe dans notre secteur».
Paradoxes
La santé au Maroc est marquée par des paradoxes que F. Iraki explique : «Il y a un hiatus énorme entre le pouvoir d'achat du citoyen et les tarifs des prestations médicales qui sont devenues très chères à cause des avancées technologiques que connait la médecine et que le privé a l'audace d'introduire au Maroc avec tous les investissements qu'ils demandent. Nos patients vont de moins en moins ailleurs pour se soigner, nous recevons même des patients de partout de l'Afrique, et prodiguons des prestations de haut niveau. Malheureusement, les patients locaux ne sont pas en mesure de payer cette prestation». L'arrivée de l'AMO reste tout de même une bouffée d'oxygène selon l'ANPC. «Depuis l'entrée en vigueur de l'AMO, les patients qui fréquentent les cliniques ont augmenté», affirme F. Iraki. La principale revendication de l'ANPC a trait à la révision du Tarif national de référence (TNR). «La survie économique ne concerne pas que les cliniques, mais l'ensemble du secteur de la médecine libérale au Maroc. C'est une équation à résoudre d'urgence», alerte M. N. Bennani, président du SNML. Le ministère de la Santé a proposé une refonte de la loi 10-94 sur la pratique de la médecine. Il s'agit d'ouvrir le capital des hôpitaux aux investisseurs privés. La grande majorité des représentants de la profession a opposé une fin de non recevoir, mais le ministère ne compte pas céder à la pression et un nouveau bras de fer va probablement commencer…
«Une clinique a le droit de demander une avance sur les soins».
Dr. Farouk Iraki, président de l'Association nationale de cliniques privées (ANPC).
Entretien réalisé par S. l.
L'Observateur du Maroc. Une clinique privée a-t-elle le droit de refuser un patient en situation d'urgence ?
Farouk Iraki. La loi oblige un établissement de soins ou un médecin prodiguer les soins d'urgence. Dans le cas contraire, le responsable ou l'établissement peut être poursuivi pour non assistance à personne en danger. Il n'y a pas de demi-mesure là-dessus. Maintenant, il faut nuancer entre «l'urgence» et ce qui ne l'est pas.
Mais si ce patient n'a pas d'argent ?
Dans l'urgence on ne pose pas cette question. Je peux garantir qu'il n'y a aucune clinique qui oserait ne pas prodiguer les premiers soins. Maintenant, il y a les situations qui ne sont pas des urgences, où une personne arrive sur place et nous dit qu'elle n'a pas de prise en charge et veut être soignée en promettant de payer par la suite. Dans cette situation, 1 cas sur 3 ne paye pas. Le pire est que la Justice ne prévoit aucun recours pour les cliniques dans cette situation. Si vous ne payez pas votre facture dans un restaurant, on appelle la police, tandis que dans une clinique, personne ne peut vous empêcher de quitter l'établissement et jamais la police ne viendra arrêter un patient.
Les cliniques demandent des chèques de garantie, alors que cette pratique est interdite commercialement ?
Le chèque de garantie n'existe pas dans les cliniques. Les médias nous ont collé cette pratique et nous en souffrons. Les établissements demandent une avance sur traitement. N'importe quelle clinique qui ne prend pas ces précautions est vouée à la faillite certaine. Moi, je conseille aux cliniques d'encaisser leurs chèques et ne pas les considérer comme des chèques de garantie, et après, s'il y a un supplément à payer, il peut être ajouté. L'idéal pour nous, ce sont les personnes qui ont une prise en charge qui ne payent que le ticket modérateur et l'extra. Gérer une clinique c'est comme gérer une entreprise. Les responsables ont le droit de demander une avance et ce n'est pas interdit par la loi.
Quelles sont les prestations considérés comme «extra» ?
A la demande du patient ou de sa famille, on peut échanger une chambre double avec une chambre individuelle ou même une suite. Un parent peut demander de passer la nuit avec le patient. Ce dernier peut téléphoner… Tout ça n'est pas pris en compte dans une prise en charge AMO ou assureurs privés.
Les tarifs dans les cliniques connaissent un boom permanent. Pourquoi ?
C'est en partie faux ! Il faut s'avoir que les honoraires des médecins n'ont pas évolué depuis 20 ans. Ils sont entre 200 DH et 250 DH. Depuis six ans, les conventions que nous avons avec les assureurs n'ont pas été revues à la hausse. Par contre, il y a eu des hausses sur certains traitements, mais qui demandent des investissements lourds et nouveaux comme la cardiologie.
Vous avez qualifié les inspections du ministère de la Santé (MS) dans les cliniques de «des descentes de polices». Le contrôle vous irrite-t-il tant que ça ?
Pas du tout. Jamais je n'étais contre les inspections. L'ANPC a même demandé que le MS organise des inspections car on estime que certaines unités nécessitent une mise à niveau. Maintenant, la forme du contrôle n'est pas celle que nous souhaitons. Il aurait été plus judicieux d'avertir carrément par écrit les cliniques. Car dans ce genre de démarche on recherche à améliorer la prestation de soin et non pas à fermer une clinique.
Y a-t-il eu des cliniques qui ont fermé suite à une visite d'inspection ?
La procédure de fermeture d'une clinique est complexe. Elle passe par le Secrétariat général du gouvernement. Nous, on demande d'avertir comme première étape ces quelques cliniques qui ne dépassent pas 5% sur les 290 établissements actuels, pour se mettre aux normes. Ensuite, si au bout du délai imparti, on réalise qu'elles n'ont fait aucun effort alors, dans ce cas seulement, on peut songer à les fermer. Pour une fois que le MS s'intéresse à notre sort, on se réjouit et on demande de travailler pour améliorer la qualité des prestations de les cliniques.


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