Dès son intronisation, le Roi a voulu régler un passif. Celui de la guerre du Rif. Il a choisi Ajdir, haut lieu de la résistance de Abdelkrim Khattabi, pour prononcer un discours qui a enchanté non seulement les Rifains, mais tous les Amazighs, y compris les Algériens. Le terrible séisme d'Al Hoceima a renforcé cette relation. Le Roi, présent dès les premières heures, a donné ses hautes instructions pour que la société civile, sans restrictive, soit associée au programme d'aide, puis de reconstruction. Cette fois, le Roi est là pour démontrer que cette région est au cœur des préoccupations de l'Etat et du projet national. Les milliards de dirhams d'investissement qui vont façonner un Rif nouveau, non pas à l'image mais à la pointe des autres régions du pays, sont un symbole. Celui d'une nation unie dans sa diversité, ambitieuse dans la difficulté, et qui dépasse son passé sans le nier. Parce que le nouveau règne se refuse à l'idée d'avoir des exégètes, cet aspect est méconnu. Le Roi du Maroc a une très haute idée de la nation. Son projet de développement n'est pas comptable. Il ne veut pas perpétuer des aires de prospérité avoisinant des régions de désolation. L'Oriental, le Nord, le Sahara, tout le monde a droit à de meilleures conditions de vie. L'unité de la nation n'est pas un concept idéologique, c'est d'abord une réalité socio-économique. Dès lors, ce qui se fait à Al Hoceima devient un symbole. La réconciliation avec le Rif prend la forme d'un projet de développement auquel même les plus hardis des Rifains n'osaient rêver. Dans cinq ans, le Rif ne sera plus à la traîne dans les statistiques de développement humain. C'est le meilleur moyen d'enterrer un passé douloureux, pour un avenir radieux.
Le séisme ? Quel séisme ? hakim arif 24 février 2004, le tremblement de terre le plus destructeur après celui d'Agadir des années 60 a endeuillé Al Hoceima. 2010, on n'en trouve plus la trace. Et pourtant il y a eu de grands dégâts entraînant la mort de plus de 600 citoyens. Il a fallu un sursaut gigantesque, des moyens et beaucoup d'imagination pour venir à bout de cette catastrophe. Les citoyens ont eu enfin le dernier mot. Non seulement ils ont revigoré leur région, mais leur méthode de reconstruction a été saluée à l'échelle mondiale comme le souligne le membre de l'Association Rif pour la solidarité et le développement (ARID), Ilias El Omari. La même équipe qui l'a conçue et qui a veillé à son exécution s'apprête aujourd'hui à faire bénéficier Haïti de son expérience unique au monde. De quoi s'agit-il au juste ? Tout simplement de l'implication des citoyens eux-mêmes dans la reconstruction. La société civile s'est organisée, appuyée par les autorités locales. Les citoyens se sont regroupés pour une sorte d'opération inspirée par la tradition agricole, la fameuse touiza. Le regroupement facilite l'obtention des fonds et la logistique. Le problème le plus grave auquel il a fallu faire face est sans doute celui de l'inaccessibilité des zones touchées par le séisme. Les zones les plus touchées étant celles de Ait Kamra et Izemmouren, où par endroits aucun moyen de transport ne peut passer. Il a fallu ouvrir des chemins accessibles par des tracteurs avec chariot pour acheminer les matières de construction. Une difficulté : comment construire sans eau alors que l'endroit semble en être dépourvu, et que pour la chercher il fallait creuser à plus de 180 mètres de profondeur. Là aussi, réflexion a été engagée pour trouver la solution. Les citoyens ont creusé des retenues, sortes de trous tapissés de plastique et dans lesquels ils ont déversé les eaux amenées par tracteur. Pour la construction, la touiza a arrangé le reste. On se met ensemble pour construire la maison du premier, on passe au deuxième et ainsi de suite. L'expérience force l'admiration. La méthode est retenue mondialement comme la solution de reconstruction la plus efficace. D'où son exportation à Haïti. Aujourd'hui, tout est neuf et la campagne est une des plus propres et ses maisons reflètent véritablement l'effort qui a été consenti. Quant à la ville elle-même, son lifting semble lui réussir à merveille. Propre, bien ordonnée, disposant de places multiples et artistiquement aménagées, elle est désormais une place à voir au moins une fois dans la vie. Certes, elle reste difficile d'accès, mais cela ne durera pas. Le doublement de la route Al Hoceima-Taza est en projet, et une convention a été signée en ce sens devant le roi Mohammed VI lors de sa visite dans la région. Le trajet sera réduit de façon remarquable et surtout il sera plus sûr. Ce sera l'extension en quelque sorte de l'autoroute Fès-Taza qui ira jusqu'à Oujda. Il y a aussi l'autre route, la rocade méditerranéenne qui facilitera les communications terrestres avec Nador et donc avec l'Oriental en général. L'accès sera encore facilité grâce à l'aéroport Charif Al Idrissi qui vient d'être renforcé pour accueillir plus de passagers dans les meilleures conditions. Pour ceux qui aiment la mer, le port et sa gare maritime offrent également des possibilités. C'est qu'il y a des choses à voir et à vivre dans la ville et ses régions. Tous les types de tourisme y sont possibles. La mer, la montagne, le ski... C'est d'ailleurs la région où la neige reste le plus longtemps. Le paysage est époustouflant avec une infinité de types d'arbres allant du chêne au cèdre, au peuplier... La région ne manque pas non plus de ressources humaines instruites et prêtes à servir. A ce sujet, il suffit de savoir que le taux de réussite au baccalauréat a été de 42% à la première session, soit très près de la moyenne nationale (45%). Par contre les taux dans les mathématiques et les sciences expérimentales avaient dépassé les 90%. Scientifiques les Riffains ? C'est surtout l'ouverture de l'IST qui a incité les étudiants à se surpasser. C'est que la région se défend bien. Bientôt elle aura sa faculté dentaire. La réussite enregistrée au bac n'était pourtant pas évidente. En fait, le déficit en enseignants se chiffre à près de 160 personnes. On hésite à venir s'installer dans la région. la solution pourrait être trouvée dans l'adoption des postes budgétaires régionaux, avance Mohamed Boudra, le président du Conseil régional Taza-Taounate-Al Hoceima. Ainsi, les enseignants postulant sauraient dès le départ que leur avenir sera lié à la région. Ils ne pourront être affectés ailleurs. Autant de projets en cours qui sont censés faire de cette place un haut lieu de l'enseignement. Les élites de la provinces sont d'ailleurs conscientes de l'importance de l'enseignement dans la région et savent ce qu'elles veulent exactement. On sent, à leur contact, une véritable détermination à repositionner leur province à tous les niveaux. Leur chance est qu'ils ont réellement des choses à offrir aux Marocains et aux étrangers. Des espaces de vacances des plus attrayants certes mais aussi, et c'est là que les efforts se font de plus, un lieu accueillant pour les investissements. Bien sûr tout ne peut pas être entrepris, mais la palette de secteurs intéressés est assez large pour permettre à la région de déployer toutes ses forces. Nous sommes loin des décennies passées où la province ne pouvait que suivre le rythme des récoltes et des transferts des Rifains du monde. Ces derniers sont encore liés à leur région d'origine. Sauf qu'aujourd'hui, en arrivant pour leurs vacances, ils viennent dans une région et dans une ville transformées et d'un bon niveau de développement. Du chemin a été fait, il y en aura encore, mais déjà le point de non retour a été atteint. Le développement semble bien être irréversible.
Infrastructures 150 km et de grands espoirs Rajae Oumalek Le désenclavement de la ville d'Al-Hoceima est en voie d'être dépassé. Le projet, dont la convention a été signée, s'étale sur la période 2011-2015. Il s'agit du dédoublement de la route régionale N° 505 et de la route nationale N° 2, la reconstruction de 36 ponts et le dédoublement de 12 autres. Il contribuera fortement à l'optimisation des conditions de sécurité routière et de transport entre Taza et Al Hoceima, à la réduction du délai de voyage entre Fès et Al Hoceima et à la promotion socio-économique de la province grâce au développement du transport des marchandises. Le financement sera assuré par le ministère de l'Intérieur à hauteur de 700 millions de DH, le ministère de l'Equipement et du transport (600 millions de DH) et le budget général de l'Etat (1,2 milliard de DH). Le deuxième Programme national des routes rurales (PNRR II) dans la province d'Al Hoceima porte sur la construction et l'aménagement de 429 km de routes rurales avec une enveloppe budgétaire de près de 722 millions de DH. Les travaux de réalisation de 93 kilomètres de routes sont déjà achevés pour un investissement de 155 millions de DH, alors que 131 kilomètres sont en cours de réalisation (298 millions de DH). Les marchés relatifs à la construction de 108 km de routes (200 millions DH) sont en cours d'attribution et les travaux de réalisation de 97 kilomètres (69 millions DH) devront démarrer prochainement. 93.000 habitants de la province d'Al Hoceima sont concernés par ces projets. Le taux d'accès de la population rurale au réseau routier passera ainsi de 38% actuellement à 76% en 2012. Elaboré dans le cadre d'une approche fondée sur la concertation avec les représentants des populations, le PNRR II vise, dans l'ensemble, la construction et l'aménagement de 15.500 km de routes sur la période 2005- 2015 à travers les différentes régions du Royaume. Ce programme national a été mis en place dans le cadre de la politique gouvernementale de promotion économique et sociale du monde rural pour un développement équilibré de l'ensemble des régions du Royaume, conformément aux hautes orientations royales.
Des projets pour une ville saine et agréable karim rachad La mise à niveau d'Al Hoceima est déjà entamée. La ville fait plaisir à contempler avec ses places conçues pour offrir la meilleure image possible de l'endroit et pour être une sorte d'invitation permanente aux touristes nationaux et étrangers. D'autres projets suivront ceux déjà réalisés. Il est prévu la construction d'un complexe commercial au quartier Mirador, l'aménagement d'espaces publics, dont l'esplanade Cala Bonita, la réalisation de voies de contournement, le transfert et la construction du marché de gros et le renforcement du réseau d'éclairage public. Il porte également sur l'élaboration d'un plan d'aménagement et de requalification du parc Mirador, la restructuration des quartiers sous-équipés, le développement du réseau d'assainissement et de voirie, outre la résorption des bidonvilles. Le plan porte également sur la construction d'un complexe socio-sportif dans le quartier Mirador, d'un coût global de 40 MDH. Ce projet prévoit la réalisation d'une piscine couverte, de locaux pour les associations sportives locales, d'espaces de restauration et de jeux, et d'un pavillon d'hébergement d'une capacité de 30 chambres. L'ensemble des projets du programme complémentaire de mise à niveau urbaine d'Al Hoceima constitue la 4e tranche d'un programme global de réhabilitation et de requalification du tissu urbain de la ville, qui totalise un investissement de 459 millions de DH. Les trois premières tranches de ce programme sont déjà achevées.
«Il y a des changements historiques dans notre région». Hakim Benchammach , Secrétaire général-adjoint du PAM Entretien réalisé par Fatima-Zohra Jdily L'Observateur du Maroc. La région d'Al Hoceima connaît un développement à un rythme soutenu, quelles sont vos appréciations concernant ces différentes actions de développement ? H. Benchammach. Effectivement, les différents projets inaugurés ou lancés dans tout le nord du pays, et dans la région d'Al Hoceima plus précisément, attestent de ce changement historique. Sa Majesté le Roi Mohammed VI a accordé, durant ces cinq dernières années, une attention particulière à la région, et ce à travers un nombre de projets d'infrastructures dans différents secteurs : enseignement, agriculture… Après 40 ans d'enclavement, la région a enfin émergé. On peut aujourd'hui se féliciter du fait que la province est partie intégrante du tissu économique national. Le dernier projet inauguré, à savoir la route reliant Al Hoceima à Taza avec le doublement de cette voie, permettra davantage de désenclavement. Aujourd'hui, le nord du Royaume est un grand chantier ouvert, qui nous pousse à croire encore plus en cette croissance économique accélérée. Et les habitants de la région sont fiers de ces réalisations impulsées par la volonté royale. On vit une véritable réconciliation entre cette région et le reste du Royaume. Ces deux dernières années, on a pu assister à la réalisation de projets importants : le projet de l'école des ingénieurs, des projets dans le secteur de l'agriculture, dans le tourisme… Le tout relayé par ce dernier projet de doublement de plus 300 km de route entre Al Hoceima et Taza. Vous avez parlé de désenclavement, pensez-vous qu'après 40 ans d'isolement, la ville d'Al Hoceima pourrait rattraper le temps perdu en l'espace de 3 ou 4 ans. Est-ce que concrètement la réconciliation que vous avez évoquée a bien eu lieu ? C'est vrai que la région a beaucoup enduré durant ces 40 ans d'isolement. Elle a beaucoup pâti de la marginalisation et beaucoup souffert de l'exclusion également. Durant longtemps, il n'y a eu aucun projet d'envergure. Mais on peut dire aujourd'hui que le chemin parcouru est important grâce aux nombreux projets achevés. Désormais, on peut affirmer, avec courage et fierté, que la réconciliation a bel et bien eu lieu. La multiplication des visites royales en est la preuve. Il faut aussi savoir que le projet de doublement de voie que j'ai évoqué avec le reste des chantiers ouverts sont capables d'améliorer l'attractivité de la région. Donc, aujourd'hui, on ne doit pas mâcher nos mots en affirmant que la réconciliation est palpable à travers plusieurs réalités. Je voudrais également rappeler que lors des auditions et des différents travaux effectués par l'instance Equité et réconciliation, nous avons insisté pour que les dédommagements ne se fassent pas de façon individuelle, mais que la région entière puisse en tirer profit. C'est de là qu'est né le concept de «dette historique». Une dette que l'Etat se devait de payer à la région et aux habitants. La croissance et l'effervescence économique et sociale que connaît notre province témoignent de l'engagement de l'Etat pour la concrétisation de cette réconciliation. Vous avez parlé de rêve et de réalisation de ce rêve. Vous avez rêvé d'une Hoceima désenclavée et c'est aujourd'hui une réalité. Est-ce qu'on peut pousser le rêve jusqu'à imaginer qu'Al Hoceima puisse faire de la concurrence aux villes espagnoles ? Laissez-moi vous dire que durant 40 ans nous avions le sentiment que nous étions des citoyens de 2e degré. Aujourd'hui, avec cette nouvelle dynamique que connaissent la région et le Maroc en général, nous nous sentons citoyens à part entière. Notre région est amenée donc à répondre à plusieurs questions concernant cet héritage de marginalisation. Notre région peut non seulement concurrencer les villes de Sebta et Melilia, mais aussi réduire l'importance stratégique dont elles jouissaient. Une importance qui était accentuée par la marginalisation de notre région. On est donc en bonne position pour réaliser la croissance économique, offrir des postes d'emploi à nos jeunes et préserver la dignité des citoyens.
«Al Hoceima et sa région connaissent une véritable renaissance». Mohamed Boudra , Président du Conseil de la région taza-taounAtE-AlHoceima. Entretien réalisé par Fatima-Zohra Jdily L'Observateur du Maroc. Quel regard portez-vous au dynamisme que vit la région du nord, notamment Al Hoceima ? M. Boudra. Effectivement, non seulement la région d'Al Hoceima, mais toute la région du nord et d'Oujda jusqu'à Tanger, connaît une métamorphose dans le sens positif de ce terme, touchant à tous les aspects socio-culturels, infrastructures, aéroports, ports, autoroutes, eau, électricité... On peut dire qu'il y a une renaissance, dans le vrai sens du mot, que Sa Majesté le roi a vraiment initiée. Tous les domaines sont concernés, y compris celui sportif. Ce qu'il faut préciser c'est qu'il s'agit de la renaissance d'une région qui a été délaissée des années durant et qui a connu une forte émigration vers l'Europe et vers l'intérieur du Maroc parce qu'elle était vraiment dans un état très sous-développé par rapport au reste du Maroc. Quels sont les secteurs qui connaissent le plus de dynamisme ? Je pense que ce sont les infrastructures qui ont la part du lion dans cette évolution. La région d'Al Hoceima était vraiment inaccessible, entourée de montagnes du Rif. Une belle région avec une forte vocation touristique, mais pour y arriver c'était très difficile. L'inauguration, il y a quelques jours par Sa Majesté, du nouveau terminal va ouvrir le ciel d'Al Hoceima aux villes européennes et aux villes du Maroc. C'est un moyen d'accéder à la ville et à sa région. Il y a aussi le port, la double voie et la voie express inaugurée entre El Hoceima et Taza. Cette route en double voie va rejoindre l'autoroute nationale qui va de Fès vers Oujda. Donc, Al Hoceima sera très accessible. Sans oublier l'apport attendu du port Tanger Med qui connait une évolution permanente et l'Ouest Med Nador dont les travaux sont en passe d'être achevés. En parallèle, on est en train de préparer des complexes touristiques très importants au niveau de la région d'Al Hoceima, il y va de même pour des écoles, un noyau universitaire: l'Ecole des Ingénieurs d'Al Hoceima, l'Ecole supérieure des technologies appliquées (ESTA), une Ecole hôtelière, et d'autres projets qui vont dans quelques années donner leurs fruits en pourvoyant la région d'un potentiel économique important. Est-ce qu'on parlera demain de la région d'Al Hoceima comme étant aussi un pôle industriel ? On est en train maintenant d'aménager une zone économique spéciale sur 30 ha, mais il y aura aussi l'achat d'autres terrains. Dans le port, on est en train de penser à développer des unités industrielles, agro-alimentaires et bien d'autres en rapport aussi avec les atouts de la région. Les plantes aromatiques médicinales qui poussent dans la région peuvent donner lieu à la création de nombreuses coopératives. D'ailleurs, il y a beaucoup de coopératives qui travaillent pour le développement du commerce de l'huile d'olive, l'huile d'amende… Il y a maintenant une volonté de ne pas se suffire du tourisme, mais de développer l'industrie et le commerce et les services. Pensez-vous que cette région pourrait concurrencer les villes du sud méditerranéen ? Je crois qu'on peut profiter pleinement de ce dynamisme. Le retard qu'on a pris est un inconvénient bien sûr, parce qu'on a souffert, et on a connu une forte émigration, mais cela aussi a un aspect positif parce qu'on pourrait profiter des erreurs qui ont été commises par nos voisins. Tout ce qu'a fait Sa Majesté nous a donné une énergie supplémentaire pour travailler dur et pour croire en notre pays.