Le récent accord de dénucléarisation du Proche-Orient signé à l'Onu épargne Téhéran et met en cause Israël. Sale temps pour le gouvernement israélien de Benyamin Netanyahou ! Trois jours avant que son intervention contre la flottille palestinienne au large de Gaza lui vaille une vague de réprobation générale dans le monde, la signature à l'ONU d'un accord sur la dénucléarisation du Proche-Orient s'est faite à son détriment. La résolution arrachée le 28 mai à New York au dernier jour de la Conférence du traité de non prolifération (TNP) est certes minimale. Mais pour la première fois depuis dix ans, la communauté internationale a retrouvé un consensus sur la prolifération nucléaire. Consensus qui prévoit d'organiser en 2012 une conférence internationale pour établir une zone dénucléarisée dans l'ensemble du Proche-Orient. Le prix de ce consensus est aussi inédit qu'inattendu : il va à l'encontre des intérêts israéliens et met l'Etat hébreu sous pression en matière nucléaire puisque celui-ci est seul à détenir l'arme atomique dans la région. La résolution adoptée par les 189 pays signataires du TNP souligne en effet «l'importance» qu'Israël rejoigne le TNP - ce qu'il a toujours refusé -, renonce à son arsenal atomique alors qu'il n'en a jamais reconnu ni démenti l'existence, et place ses installations nucléaires sous surveillance de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Obama a moins besoin d'Israël Tout aussi grave pour Israël qui a violemment critiqué cet accord qui «ignore les vraies menaces auxquelles la région et le monde entier sont confrontés» : le texte ne mentionne ni l'Inde ni le Pakistan, deux Etats qui détiennent eux aussi la bombe sans adhérer au traité. Il n'évoque pas davantage la Corée du Nord ou l'Iran ! Plus inquiétant pour Tel Aviv : cette résolution n'aurait pu être adoptée sans un revirement de son allié américain. Cette volte-face constitue une surprise pour Israël puisque, selon la presse israélienne, l'Etat hébreu avait reçu l'assurance que la résolution «ne se concentrerait pas sur lui et que si c'était le cas, les Américains voteraient contre». Ce n'est pas ce qui s'est passé. Des tractations serrées, notamment avec l'Egypte, porte-parole dans cette affaire des groupes arabe et non alignés, ont amené les Américains à revoir leur position. Barack Obama tenait en effet beaucoup au succès de cette conférence pour crédibiliser son projet à long terme de désarmement nucléaire mondial annoncé il y a un an à Prague. Et ce succès passait par la ratification d'un document consensuel rappelant l'importance de la lutte contre la prolifération et la nécessité de développer le nucléaire civil en évitant les risques de prolifération. Le chef de l'exécutif américain a donc privilégié à la fois l'objectif phare de son mandat et donné des gages aux Etats arabes dits «modérés». C'est en partie ce qui l'a amené à céder aux exigences de l'Egypte. En partie seulement. Car depuis leur déploiement massif dans la région, les Etats-Unis ont aussi moins besoin des Israéliens. Ces derniers sont en quelque sorte passés du rôle de gardien des intérêts américains au Proche-Orient à la situation d'un auxiliaire utile mais qui peut aussi être gênant. Surtout quand ses initiatives contrarient des intérêts américains beaucoup plus substantiels et stratégiques dans la région. Pressions des puissances émergentes Une autre évolution a favorisé ce retournement américain : l'influence grandissante des grandes puissances régionales comme le Brésil, l'Afrique du Sud et l'Egypte qui ont su entraîner derrière eux les pays du Sud. C'est ce qui explique l'absence de mise en cause de l'Iran. Elle paraît des plus paradoxales au moment où les Occidentaux, à commencer par la France, souhaitaient que le régime iranien soit désigné comme violant le TNP et où les grandes puissances préparent de nouvelles sanctions contre Téhéran à l'ONU ! Sanctions auxquelles la Chine et la Russie se sont ralliées en dépit de l'accord signé par l'Iran avec la Turquie et le Brésil qui était censé les retarder. Quoi qu'il en soit, l'accord final de New York reflète parfaitement les divergences et les compromis passés entre, d'un côté, le bloc des puissances régionales émergentes/non alignés et, de l'autre, les puissances nucléaires. Ainsi, le mécanisme de vérifications renforcées des activités nucléaires civiles est beaucoup moins contraignant que le voulaient les Américains et les Européens. Les pays du Sud s'y sont en effet opposés arguant que ces vérifications attentent à leur souveraineté et que les Etats nucléaires n'en font pas assez en matière de désarmement. De leur côté, les non alignés ont accepté que l'accord ne mentionne pas de date butoir pour l'élimination des arsenaux des puissances nucléaires. Hostilité internationale En dépit de cet accord a minima qui ne prévoit aucun calendrier précis, Barack Obama a obtenu que son objectif d'un monde débarrassé des armes nucléaires soit réaffirmé. Quant aux Israéliens, n'étant pas membres du TNP, ils n'ont aucune obligation de participer à la conférence de 2012. Ils savent en outre que la résolution onusienne n'aura aucun effet sur leur politique nucléaire. Mais la symbolique d'avoir été pour la première fois singularisés dans une résolution, portant qui plus est sur leur arsenal nucléaire, sans que leur allié américain ne s'y oppose jusqu'au bout constitue un revers diplomatique. Certes, Israël est loin d'avoir perdu le soutien stratégique américain. La preuve en est que Barack Obama a reçu Benyamin Netanyahou le 1er juin à la Maison Blanche pour dissiper la tension qui régnait ces derniers mois entre Washington et Tel Aviv sur la colonisation israélienne en Cisjordanie. L'assaut contre la flottille palestinienne au large de Gaza aura fait voler en éclats cette «réconciliation», provoquant à la fois l'annulation de l'entretien avec Obama et la fureur de la Turquie, autre grand allié stratégique de l'Etat hébreu dans la région. Plus qu'une faute, cet assaut brutal témoigne du repli d'Israël sur lui-même au moment où les Etats-Unis venaient de lui adresser un message fort en cessant pour la première fois de «couvrir» son ambiguïté nucléaire. Un repli quasi suicidaire qui isole de plus en plus l'Etat hébreu et alimente une hostilité internationale qui ne fait que monter depuis la guerre de Gaza de décembre 2008.