En Egypte, la guerre de leau a commencé. Verbalement au moins. Ces derniers mois, rien ne va plus entre lancien pays des Pharaons et huit de ses voisins, des pays riverains - ou qui bénéficient des eaux du Nil. Ces derniers qui regroupent lEthiopie, lErythrée, le Kenya, lOuganda, le Congo, la Tanzanie, le Rwanda et le Burundi sont désormais bien décidés à remettre en cause le partage des eaux du Nil. LEgypte et le Soudan, dans une moindre mesure, se sont attribué la part du lion, bénéficiant de plus des deuxtiers des eaux dun des deux plus grands fleuves dAfrique. Pour lEgypte, disposer des eaux du Nil, qui assure 95% de ses besoins, est une question de vie ou de mort. Le pays na pas dautres ressources hydrauliques. Or laccroissement de la population dans ce pays de 80 millions dhabitants où naît un enfant toutes les 25 secondes laisse présager un avenir terrible. Les experts prédisent que la sécheresse sera absolue en 2050. Les usines de dessalement deau de mer sont fort coûteuses et lEgypte pas très riche. Les Egyptiens nentendent donc pas renégocier le partage des eaux. Ils se retranchent derrière leurs «droits historiques». Lun est laccord de 1959 signé avec le Soudan par lequel Le Caire bénéficie de 55 milliards de m3 deau annuellement et Khartoum de 18,5 milliards ; lautre est plus ancien encore, il date de 1929 et a été entériné par un nouveau traité à Vienne en 1950. Passé à lorigine entre lEgypte et la Grande-Bretagne (alors puissance mandataire au Soudan, au Kenya ), il prévoit que Le Caire bénéficie dun droit de veto sur les projets hydrauliques de ses voisins. Ce sont ces accords que les pays de lAfrique de lEst, riverains du Nil, demandent à remettre en question depuis près de dix ans. Ils voudraient que lEgypte réduise son quota de 5,5 milliards de m3. Le Caire fait la sourde oreille, elle qui, déjà, manque deau. Pour les Africains, la coupe est pleine. Depuis deux ans, des réunions rassemblent tous les six mois, les responsables des différents pays. Le dossier navance pas. A la mi-avril, la dernière rencontre à Charm el-Cheikh fut particulièrement houleuse. LEthiopie veut construire, avec laide des Israéliens très présents dans le pays, un grand barrage sur le Nil Bleu, un affluent du Nil quil rejoint à Khartoum. Addis-Abeba a pris la tête de la contestation pour obtenir labolition de laccord de 1929 conférant un droit de veto à lEgypte. Celle-ci soupçonne lEtat hébreu de souffler sur les braises de la contestation pour lui nuire. Car la vieille paix égypto israélienne est une paix «froide». Pour tenter une diversion, le président Hosni Moubarak et son homologue soudanais viennent de proposer de mettre sur pied une Commission des Eaux du Nil dans laquelle les décisions seraient prises à lunanimité. Les riverains du Nil nont pas répondu à cette proposition. Ils ont décidé de passer à loffensive et sans se soucier de lEgypte et du Soudan, de signer entre eux, avant le 15 mai, un nouvel accord-cadre qui remettrait en cause les accords antérieurs. LEgypte a averti quelle nen tiendrait pas compte et pourrait porter laffaire devant le tribunal de La Haye. Affaire à suivre.