Cet été n'était pas clément pour les habitants de la bourgade de Sekoura, dans les alentours de Ouarzazate. Du jour au lendemain, la source d'eau qui alimentait la centaine d'habitations du village s'est tarie en privant la population d'eau en plein été. Un peu plus loin, Agadir, grande ville touristique abritant nombre de complexes touristiques et industriels, n'est pas mieux lotie. Certains quartiers ont dû passer des journées entières sans eau. Plus au nord, dans un passé récent, Tanger a souffert durant plusieurs mois d'une pénurie en eau obligeant les tangérois à s'approvisionner chez l'épicier en eau minérale pour étancher leur soif. Des exemples qui poussent à s'interroger sur l'avenir hydrique de notre pays. Peut-on envisager l'avenir sans s'inquiéter pour le verre d'eau que l'on boit aujourd'hui nonchalamment et qui risque de devenir une denrée rare dans les prochaines années ? Que doit-on retenir des prévisions alarmantes des scientifiques concernant la raréfaction statistiquement établie de l'eau au niveau mondial ? Le desséchement de la planète est aujourd'hui une incontestable vérité. Les experts ne cessent de le répéter à qui veut bien les entendre. Si le niveau des mers s'élèvera à cause notamment de l'augmentation des températures, les eaux douces ne connaîtront malheureusement pas le même sort. Que ça soit dans les zones traditionnellement arides ou celles considérées largement plus humides, les sources d'eau se tarissent. Le coupable ? « Le changement climatique entraîne déjà de nouveaux défis en matière de gestion de l'eau et altère complètement ce que tenaient pour acquis bon nombre de pays depuis plusieurs siècles », relève un rapport élaboré par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) créé en 1988 par l'Organisation météorologique mondiale (OMM). Les chercheurs du GIEC sont plus catégoriques lorsqu'il s'agit de décrire l'évolution du climat dans la région de l'Afrique du Nord. Leurs modèles prévoient que la température et la variabilité de l'eau augmenteront dans plusieurs pays de cette zone. « La région serait, à ce titre, particulièrement touchée puisqu'elle devrait subir un réchauffement supérieur à la moyenne du globe et une diminution plus importante des précipitations », expliquent les chercheurs. Ces derniers avancent même un chiffre qui donnent des sueurs froides : les précipitations vont également diminuer de 30% d'ici 2050. Concerné au plus haut point, le Maroc n'est pas à l'abri de l'impact du changement climatique malmenant le globe entier. En témoigne la régression, durant les 45 dernières années, des régions classées sous climat humide et subhumide au profit des celles à climat semi-aride et aride. Cet indicateur est parlant : les précipitations printanières ont accusé une baisse de 47% à l'échelle nationale. Ce n'est pas tout. Les projections établies par la Direction de la Météorologie nationale (DMN) prévoient une augmentation des températures moyennes estivales de l'ordre de 2 à 6°C et la diminution de 20% en moyenne des précipitations d'ici la fin du siècle ! Dans un pays qui puise son eau, en grande partie, dans les précipitations, de tels chiffres ne devraient pas nous laisser indifférents. Surtout si l'on considère les probables retombées du changement climatique décrites par les scientifiques. A commencer par l'insécurité alimentaire qui est intimement liée à la raréfaction des ressources en eau. Le Maroc, barrages et sècheresse Conscient de l'ampleur de la problématique hydrique, le Maroc a fortement investi dans des barrages, mais aussi dans l'augmentation de ses capacités d'approvisionnement en eau, dans des systèmes d'irrigation à grande échelle ou encore dans la sécurisation de l'eau destinée aux besoins urbains et agricoles. Depuis son indépendance en 1956, et pour faire face à l'irrégularité des apports pluviométriques globalement insuffisants et spatialement hétérogènes, le Maroc a mené une politique de gestion des ressources en eau lui permettant une mobilisation relativement efficiente des ressources conventionnelles, surfaciques et souterraines. Si la politique des barrages a porté ses fruits en termes de stockage d'eau en étendant la superficie des terrains irrigués à 1 million et demi, elle n'était pas suffisante pour autant en termes de gestion des ressources en eau. Le système de gouvernance s'articulant autour de l'unité autonome du bassin a été jugé comme la meilleure approche localisée pour gérer la ressource hydrique. Ceci tout en adoptant des principes de solidarité interrégions et de soutien par subvention de l'Etat afin de pallier à une hétérogénéité spatiale prononcée. La création de neufs agences de bassins hydrauliques se voulait une stratégie de gestion intégrée, décentralisée et concertée des ressources en eau. Effet immédiat de cette stratégie: une quasi généralisation de l'accès à l'eau potable à hauteur de 94% de la population rurale et une couverture totale de la population urbaine, confirme un rapport du CESE (Conseil économique, social et environnemental) intitulé : « La gouvernance par la gestion intégrée des ressources en eau au Maroc ». Des données plus au moins rassurantes mais qui n'annulent pas les problèmes structurels du secteur de l'eau dans notre pays. Décryptage : relevant d'une dizaine de départements à la fois, la gestion de l'eau reste éparpillée ce qui altère largement son efficacité. Comme le relèvent le CESE et la ministre chargée de l'eau Chafarat Afilal, en l'absence d'un cadre global structurant, la concertation ne trouve pas l'environnement propice à sa mise en pratique. Malgré l'existence du ministère délégué chargé de l'eau et du Conseil supérieur de l'eau et du climat aux pouvoirs limités vu son aspect exclusivement consultatif, « l'étendue des attributions de chacun des acteurs n'a pas atteint la maturité et l'efficience nécessaires pour devenir suffisamment visible », déplore le CESE. Pire, le seul organe de régulation opérationnel, en l'occurrence la Commission interministérielle de l'eau, est inactif depuis des années. Un espace d'interaction et de concertation est ainsi annulé, ce qui freine considérablement la possibilité d'éventuelles synergies entre les différents acteurs en termes de stratégies et d'actions. « Si ces carences organisationnelles n'ont pas généré d'impact majeur par le passé, la situation actuelle s'inscrit dans un environnement autrement plus contraignant, notamment au sein d'une demande de plus en plus croissante ; associée à une offre menacée », met en garde le CESE. Une situation qui, selon le Conseil, devrait inciter le Maroc à examiner d'autres alternatives dans le cadre de la stratégie nationale de l'eau initiée en 2009. En plus des ressources traditionnelles, le Maroc se doit de creuser d'autres pistes en mobilisant les ressources non conventionnelles tels le dessalement d'eau de mer, la réutilisation des eaux usées épurées et la déminéralisation des eaux saumâtres. Ceci sans oublier l'obligatoire rationalisation de la demande. D'après les recommandations de la Banque mondiale, les stratégies marocaines en matière de gestion de l'eau devaient évoluer afin de répondre à un certain nombre de défis: déficits en eau croissants, lacunes persistantes en matière d'accès aux services, lenteurs des changements législatifs, insuffisance des programmes d'infrastructures, croissance démographique préoccupante et changement climatique. Un combat à mener sur plusieurs fronts pour le Maroc qui n'a pas le droit à l'erreur pour assurer son avenir hydrique❚ Dépenses publiques Concernant les services de l'eau et de l'assainissement, le Maroc s'apprête à dépasser les critères fixés dans le cadre des objectifs de développement pour le Millénaire (ODM). Ceci grâce notamment à une augmentation des dépenses publiques dans les infrastructures d'approvisionnement en eau et d'assainissement. Entre 2005 et 2009, les dépenses publiques consacrées aux programmes d'infrastructures d'approvisionnement en eau et d'assainissement en milieu urbain, péri-urbain et rural ont atteint 25% de la totalité des dépenses publiques pour le secteur de l'eau (lesquelles comprennent aussi la gestion des ressources en eau et l'irrigation), contre 5% auparavant. Suite à l'accélération des programmes d'approvisionnement en eau en milieu rural, avec notamment la mise en oeuvre d'un projet financé à hauteur de 60 millions de dollars par la BERD, la couverture d'accès à l'eau potable a atteint plus de 87% en 2009, contre 50% en 2004. Le Programme national d'efficacité de l'eau d'irrigation, d'un montant de 34 milliards de dirhams, lancé en 2008, vise à créer, dans le secteur de l'eau, des gains d'efficacité de 30 à 50% en remplaçant les systèmes d'irrigation conventionnels par des technologies économes en eau. A titre indicatif, la Banque mondiale apporte son assistance pour le développement d'un partenariat publicprivé autour d'une opération innovante de désalinisation dans la région de Souss-Massa, destinée à compléter les ressources d'irrigation et à conserver les eaux souterraines. Votre ministère avait annoncé que le taux des barrages a atteint des taux les plus faibles. Les retenues des barrages sont-elles suffisantes pour subvenir à l'ensemble des besoins nationaux? Tout à fait. D'ailleurs je ne comprends pas les raisons derrière cette vague qui a suscité une angoisse et une panique auprès de la population. Le taux des barrages qui est de l'ordre actuellement de 57% est un taux de remplissage tout à fait normal, vu qu'on est en plein été et qu'on ne reçoit pas de précipitations. Les réserves au niveau de tous les barrages sont suffisantes pour subvenir aux besoins de la population que ce soit pour l'eau destinée à la consommation ou pour l'eau destinée à l'irrigation. Sachant que certains bassins hydrauliques ont effectivement connu un déficit. D'ailleurs ce déficit ne date pas d'aujourd'hui. Ces zones sont connues par leur caractéristique, la sécheresse y est structurelle, dont notamment le bassin de Errachidia et le bassin de souss-massa. Des mesures d'urgences seraient-elles nécessaires ? On a démarré des mesures d'urgences bien avant pour remédier à ce problème et répondre aux besoins de la population. Parmi ces mesures, on a renforcé d'avantages la prospection souterraine pour équiper davantage de points d'eau et avons aussi lancé des mesures qui incitent à l'économie de l'eau au niveau de ces bassins.