Le critique est un être partial. Il aime ou n'aime pas une oeuvre, il apprécie ou n'apprécie pas un auteur. Il arrive qu'il aime l'oeuvre et pas l'auteur, apprécie l'auteur et pas l'oeuvre. Les auteurs, en général, préfèrent qu'il apprécie leurs oeuvres. Ce n'est pas toujours le cas. Le professeur Mohamed Ennaji s'est aventuré à publier un roman dont le personnage essentiel est Zayd Ibn Haritah, fils adoptif du Prophète de l'Islam, qui ne le sera plus à un moment donné de la révélation, et pour rendre son récit plus romanesque en fera la victime d'un complot Koraïchite qui l'écarterait de la succession de « père ». L'idée en soi est intéressante et peut être acceptable. Ce projet a été évoqué par quelques historiens en mal de sensationnalisme, mais le roman ne fut pas convaincant et ne m'a donc pas convaincu. Ce compagnon du prophète est un passionnant personnage de roman. Le choix est donc judicieux. La thématique, plus judicieuse encore. Faire d'Oussama, son fils, le conteur de l'histoire est de plus une astuce littéraire particulièrement bienvenue. Le tout allait toutefois manquer de persuasion et de vérité romanesque. Parce qu'il y a une vérité du roman et cette vérité réside dans un noyau de réalité qui quelque soit la fertilité de l'imagination du romancier ne peut et ne doit être ni disloquée, ni brisée, ni malmenée. L'écriture enfin est pressée ! Comme Malek Halter dans son roman « Khadija », épouse du Prophète, Mohamed Ennaji a malmené ce noyau de vérité pour rendre l'intrigue plus dramatique, le récit plus tragique. Au cours de la lecture de ce récit au titre accrocheur, je ne pouvais m'empêcher de me poser la question suivante : comment se fait-il que le Professeur Ennaji qui a accès à toute les biographies du Prophète en langue arabe, en langue française, en langue anglaise, rapporte que la rencontre de Zayd et du Prophète se fit lors d'un voyage de ce dernier qui le sauva de la faim et de la soif, assista à la mort de sa mère, l'adopta, le ramena, inquiet de la réaction de Khadija, son épouse. Il affirme aussi que cet enfant était sans famille et que les parents qui le cherchaient depuis sa disparition étaient fictifs. Il précise en outre que la biographie de Zayd que rapportent les commentateurs n'est qu'invention mensongère. Comme Marek Halter ? Zayd n'aurait donc jamais été kidnappé lors d'une attaque effectuée par des brigands, ni vendu au souk Okad, ni acheté par Hakim, le neveu de Khadija, ni offert par celui-ci à sa tante, ni par celle-ci à Mohamed qui l'aima beaucoup, l'affranchit, en fit son fils adoptif et le commandant de son armée contre les Byzantins et les Ghassanides. Curieuse coïncidence !! J'ai consulté ,تاريخ الطبري je n'ai pas trouvé la version Ennaji qui est la version Marek Halter. J'ai consulté الطبقات الكبرى « لإبن سعد » , je n'ai pas trouvé la version Ennaji-Halter. J'ai consulté الإصابة في تمييز الصحابة « لإبن حجر » , je ne l'ai pas trouvée non plus. Aussi رجال حول الرسول « لخالد محمد خالد » « les Compagnons du Prophète » de Messoud Abu Oussama, la « Biographie » de Martin Lings, et le Dictionnaire du Coran (sous la direction de Mohamed Ali Amir Moezi) que je recommande vivement à tout lecteur curieux de la religion islamique. La source qui a inspiré ces deux auteurs de roman existe probablement. Je ne l'ai pas encore trouvée.Ils ont sûrement été mal inspirés, par quelque version peu authentique. La vie de leurs deux personnages est en soi une vie de roman. Aucun besoin d'en accentuer les événements ou alors en restant fidèle, en le faisant, au noyau de vérité. Je suis sûr que si l'auteur du « Fils du Prophète » lisait cette chronique qui ne se veut nullement inamicale mais simplement interrogative, il comblerait mes lacunes, me révèlerait sa source et me permettrait d'enrichir mes connaissances inachevées dans l'approfondissement de mes recherches sur la plus décisive des religions monothéistes… En dépit de ses critiques acerbes et injustes sur les biographes, les commentateurs et les historiens de l'Islam ❚