L'Egypte est la seule et vraie gagnante de la dernière guerre de Gaza. Pour les Israéliens comme pour le Hamas, ces cinquante jours de bombardements et de fureur débouchent sur une impasse. Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien en sort fragilisé. Il avait promis de casser l'infrastructure militaire du Hamas, il n'en a rien été. Le Hamas a retrouvé une certaine légitimité, mais celle-ci risque de s'estomper rapidement. Non seulement le conflit a été meurtrier (2150 Palestiniens tués et 11000 blessés) mais il a ruiné Gaza, qui mettra dix à quinze ans à se reconstruire (pour un coût estimé à 4 milliards d'euros), en supposant que le blocus soit levé. Le Hamas a dit poursuivre la guerre et rien n'est définitivement gagné. Les deux belligérants sont revenus au statu quo ante. Pour l'Egypte, par contre, troisième interlocuteur de cette guerre à répétition, c'est un succès. L'Egypte postprintemps arabe, soutenue par l'Arabie Saoudite dans ce Moyen-Orient déboussolée, a repris la tête de la scène arabe grâce à sa médiation réussie entre le Hamas et Israël. Il y a un an, le général Abdel Fattah al-Sissi était un pestiféré. Il venait de destituer par la force le président islamiste élu, Mohamed Morsi, la répression avait été terrible (et se poursuit) et son allié américain, le boudait. A l'été 2014, le maréchal Al-Sissi a endossé l'habit de président élu, il est redevenu présentable. Barack Obama l'a invité au sommet Afrique-Etats-Unis à Washington en août, et Al-Sissi s'est offert le luxe d'y envoyer seulement son Premier ministre. Le 21 septe mbre, le maréchal sera en visite officielle au Maroc, les deux pays ayant le même intérêt à garder la région hors des turbulences djihadistes. L'Egypte a toujours joué les médiateurs à Gaza, ce petit voisin palestinien qu'elle administrait autrefois. En novembre 2012, Morsi, proche du Hamas, avait arrêté la guerre au bout de dix jours. Aujourd'hui, les services de sécurité égyptiens sont soucieux de contrôler les passages éventuels d'armes entre Gaza et le Sinaï. En arrivant au pouvoir, le général Al-Sissi avait détruit les tunnels et quasiment fermé le passage de Rafah. On comprend donc que la médiation égyptienne ait été, au départ, rejetée par le Hamas. Pourtant, les Egyptiens n'ont pas baissé les bras. Ils ont réussi à faire céder le mouvement islamiste qui a accepté que l'Autorité palestinienne revienne à Gaza (elle en avait été chassé en 2007) et contrôle, dans l'avenir, les points de passage qui seront ouverts avec Israël et l'Egypte. C'est un premier succès. Il est vrai que le Hamas, isolé, était incapable, ces derniers mois, de payer ses fonctionnaires. La trêve tient depuis le 25 août. Le plu s dur r est e à faire pour l'Egypte. Dans un mois, les belligérants et Mahmoud Abbas vont se retrouver au Caire. Les Egyptiens devront obtenir la levée définitif du blocus de Gaza contre la démilitarisation du Hamas. Israël devra accepter la construction d'un port, la remise en état de l'aéroport, la libération des prisonniers et la création d'un couloir pour le passage entre Gaza et la Cisjordanie. Concrètement, les négociateurs égyptiens s'embarquent pour une négociation au long cours. Le naufrage est toujours possible ❚