Le torchon brûle entre les Etats-Unis et leur allié israélien. Une fois n'est pas coutume, Washington, le 2 juin, a décidé de soutenir le nouveau gouvernement d'union palestinienne contre l'avis de Benyamin Netanyahou, le très droitier Premier ministre israélien. La veille, John Kerry, le Secrétaire d'Etat américain avait téléphoné à Mahmoud Abbas, pour connaître la teneur de ses dernières négociations avec le Hamas. Allait-il y avoir des ministres du parti islamiste dans le nouveau gouvernement ? Le Hamas est sur la liste noire des mouvements terroristes aux Etats-Unis et en Europe et sa présence dans un gouvernement palestinien oblige l'administration à couper l'aide financière à l'Autorité. Abbas a rassuré le chef de la diplomatie américaine : le gouvernement dirigé par le Premier ministre sortant, l'universitaire, Rami Hamdallah, ne comptera que des technocrates et des personnalités non partisanes. Sa feuille de route : organiser les élections législatives et présidentielles à la fin de l'année. Ce gouvernement rejette la violence, reconnaît Israël et respecte les engagements internationaux signés par l'OLP, a précisé Mahmoud Abbas. John Kerry pouvait donc annoncer que les Etats-Unis allaient soutenir le nouveau gouvernement d'union formé à Ramallah et lui fournir une aide financière indispensable. Il a d'autant moins hésité à ce choix que l'administration américaine est excédée par les tergiversations d'Israël pendant les pourparlers de paix. Kerry estime que Benyamin Netanyahou s'est ingénié à les saborder depuis l'été 2013 en multipliant la construction de colonies en Cisjordanie. Or, le dossier israélo-palestinien est le seul sur lequel peut compter la Maison Blanche pour faire oublier ses échecs afghan et irakien et son virage syrien. Kerry n'oublie pas non plus qu'il a été l'objet d'attaques personnelles de la part de plusieurs dirigeants israéliens. Pour l'Etat hébreu, Washington l'a trahi. Le mécontentement de Benyamin Netanyahou est d'autant plus grand que l'Europe et l'ONU ont immédiatement apporté leur soutien à Mahmoud Abbas. Pour Israël, le gouvernement palestinien est soutenu par le Hamas – ce qui n'est pas faux – et quoique n'ayant pas de ministres islamistes, il n'en est pas moins un gouvernement « terroriste ». Fermé le ban. Tel-Aviv a immédiatement décidé de geler 5,8 millions de dollars sur les 117 millions qu'il doit verser chaque mois à l'Autorité palestinienne en remboursement de la TVA et des taxes douanières. En fait, la réconciliation entre le Fatah et le Hamas, les frères ennemis palestiniens, ne fait pas l'affaire de la droite israélienne. Opposée à la création d'un Etat palestinien indépendant, elle préfère une Palestine divisée entre la Cisjordanie et Gaza. Dans cette étroite bande de terre, elle maintient le Hamas – et la population – sous contrôle en interdisant (comme l'Egypte), les entrées et les sorties du territoire. La communauté internationale se tait puisque le Hamas n'a pas abandonné la violence. Mais aujourd'hui le Hamas est non seulement emprisonné dans Gaza mais a perdu ses alliés extérieurs (Egypte, Iran, Syrie et dernièrement le Qatar). Sa faiblesse et son isolement vont-ils lui faire abandonner la lutte armée ? C'est aussi l'enjeu de la réconciliation. Des deux côtés, tous n'y ont pas intérêt ❚