Le drame de Ben Ahmed ne cesse de provoquer des remous. Après la découverte de plusieurs cadavres démembrés et dont l'auteur présumé serait un individu souffrant vraisemblablement de troubles mentaux, l'affaire arrive au parlement. Fatima Tamni, députée de la Fédération de la gauche démocratique à la Chambre des représentants, a interpellé le ministre de l'Intérieur, Abdelouafi Laftit, sur la responsabilité de l'Etat dans la protection des citoyens et la prise en charge des malades mentaux. Dans une question écrite adressé au ministre, la députée a réclamé la mise en œuvre d'un plan d'urgence pour la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux représentant parfois une véritable menace pour la sécurité des citoyens. « L'opinion publique nationale est sous le choc suite au drame survenu dans la ville d'Ibn Ahmed, où une personne souffrant de troubles psychiques a commis un crime odieux ayant coûté la vie à trois personnes au moins », note Tamni dans sa question écrite adressée au ministre de l'Intérieur. Responsabilités et ripostes La députée estime que « ce drame a une fois de plus mis en lumière les graves lacunes du dispositif de prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiques et mentaux soulevant des interrogations inquiétantes sur la capacité de l'Etat à assumer ses responsabilités en matière de prévention, de protection et de garantie de la sécurité publique ». Tamni a rappelé par ailleurs que le présumé tueur de Ben Ahmed a déjà fait l'objet de nombreuses plaintes portées par les habitants et signalant son comportement déséquilibré. Fatima Tamni insiste dans sa question sur le fait que « la répétition de tels incidents dans plusieurs villes marocaines, en l'absence de mécanismes efficaces de suivi médical et social pour ces personnes, pose de sérieux problèmes concernant les politiques de santé, de protection sociale et de sécurité en vigueur ». Plan multisectoriel Revenant à la charge, la députée de la Fédération de la gauche démocratique a appelé le ministre de l'Intérieur à « évaluer et à réviser les politiques publiques en matière de santé mentale ». Ceci en particulier en ce qui concerne les soins institutionnels et l'accompagnement communautaire des malades. Tamni a également appelé à l'élaboration d'un plan d'urgence multisectoriel pour la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux, « dans le respect de leur dignité et pour la protection de la société », insiste-t-elle. Dans ce même sens, la députée a adressé une deuxième question écrite à Amine Tahraoui, ministre de la Santé et de la Protection Sociale en notant « la situation inquiétante du système de santé mentale au Maroc et le grand déficit en structures de prises en charge, en ressources humaines qualifiées ainsi qu'en matière de diagnostic précoce, de prévention et d'accompagnement social de malades ». La parlementaire a par ailleurs rappelé l'importance d'une prise en charge adaptée de cette catégorie et les lourdes répercussions de ses défaillances sur la sécurité des citoyens ainsi que celle des malades eux-mêmes. S'adressant à Tahraoui, Tamni a réclamé une évaluation actualisée du système de la santé mentale dans notre pays avec des détails sur la stratégie de son département pour palier au déficit en structures spécialisées et pour améliorer la qualité des prestations. La députée a conclut sa question écrite en insistant sur le lancement d'un plan d'urgence pour assurer une prise en charge multidimensionnelles des malade mentaux avec un service de proximité de qualité. Santé mentale, état des lieux Selon une enquête du Conseil économique, social et environnemental (CESE), près de 48,9 % des Marocains âgés de 15 ans et plus ont présenté ou présentent des signes de troubles mentaux. Ces troubles incluent la dépression (26 %), l'anxiété (9 %), les troubles psychotiques (5,6 %) et la schizophrénie (1 %). Le ministre de la Santé, Amine Tahraoui, a récemment confirmé ces chiffres, soulignant que près de la moitié des Marocains sont ou seront touchés par des troubles psychologiques à un moment donné de leur vie. De son côté, la Cour des comptes a déjà épinglé le système de santé mentale dans son rapport datant de décembre 2024. Problèmes structurels, manque de ressources humaines, insuffisance d'infrastructures, couverture territoriale inégalitaire, prévention inefficace, gouvernance fragmentée... d'après ce rapport, la système de la santé mentale va mal au Maroc avec des insuffisances à tous les étages. Pour commencer, le Maroc dispose de seulement 454 psychiatres pour une population de plus de 37 millions d'habitants, soit un ratio d'environ 1,2 psychiatre pour 100.000 habitants, bien en dessous de la moyenne mondiale de 1,7. En termes d'infrastructures, le pays compte 11 hôpitaux psychiatriques et 34 services de psychiatrie intégrés dans des hôpitaux généraux, offrant un total de 2 260 lits, avec une moyenne de 6,86 lits pour 100.000 habitants alors que la moyenne mondiale est de 10,8 lits. Un énorme décalage entre l'offre en établissements et les besoins réels en soins psychiatriques. Le secteur privé, n'est pas mieux loti avec 4 cliniques seulement. Les ressources humaines accusent également une pénurie aggravée par le nombre grandissant des malades. Dans son rapport, la Cour recommande l'élaboration d'une stratégie multisectorielle axée sur le renforcement de la prévention, l'optimisation de l'offre de soins et l'utilisation efficiente des ressources disponibles, ainsi que la mise en place d'un système d'information harmonisé et efficace pour la surveillance et la veille épidémiologique.