Les sucess stories de Youssef Tamk et Samera Boubakry sont des cas d'école À plus de 400 km de distance l'un de l'autre, Youssef Tamk et Samera Boubakry partagent une même passion : le moringa. Tous deux croient en son avenir au Maroc, comme une valeur sûre pour l'arboriculture dans les zones arides et semi-arides du pays. Touizgui est désormais connue dans toute la région de Guelmim-Oued Noun pour être un vaste champ en devenir du moringa, un arbre d'origine indienne aux multiples usages, dont les feuilles, les graines et l'huile sont largement exploitées dans les industries alimentaires, cosmétiques et médicales. Située à près de 40 km au sud-est d'Assa, cette localité quasi désertique doit sa notoriété grandissante à Youssef Tamk. « L'homme qui a introduit le moringa au sud du Maroc », comme l'écrit à son sujet le site d'information anglophone moroccoworldnews.com. Jeudi 20 mars 2025, il était justement sous ses arbres adorés lorsque L'Observateur du Maroc et d'Afrique l'a contacté. « L'année sera bonne », s'empresse-t-il d'affirmer, la voix souriante. Lui qui s'était lancé en 2011 dans ce qu'il appelle « l'aventure moringa », sans être sûr que les premières pousses allaient prendre, voit aujourd'hui plus grand. Son ambition ne l'empêche pas de se rappeler ses débuts difficiles, malgré l'appui du Plan Maroc Vert, et ces « trois grammes » de poudre de moringa produits à grand-peine en 2015 avec le soutien de l'Agence pour le développement agricole. Aujourd'hui, il se réjouit de voir la coopérative Moringina qu'il dirige produire une tonne par an, avec une gamme de 24 produits, tous très demandés. Un succès, laborieux mais réel et reconnu par différents prix, qu'il partage avec les sept femmes qui, au quotidien, cultivent cette réussite avec lui. « Nous étions présents au Salon de l'agriculture de Paris et nous avons déjà vendu certains de nos produits en France et en Belgique », confie-t-il, ajoutant avoir récemment approché des clients aux Etats-Unis. Il espère agrandir le projet pour créer davantage d'emplois, même si son seul regret reste de ne pas bénéficier du soutien financier de l'INDH. Loin de se décourager, Youssef Tamk est déterminé à aller de l'avant. Il croit dur comme fer que le moringa a de l'avenir non seulement dans sa région, mais dans d'autres parties du royaume. Pour lui, cette arboriculture est peu consommatrice d'eau, offre une plus-value certaine, et ses bienfaits pour la santé en font un choix prometteur. « En plus, les résidus issus de l'extraction de l'huile et de la transformation des feuilles de moringa sont réutilisés pour l'alimentation animale. On ne pourrait pas espérer une exploitation plus optimale des ressources », conclut-il. De Touizgui (Assa) à Lamnizla (Taroudant) À plus de 400 kilomètres de Touizgui, sur les contreforts du Haut Atlas, une autre passionnée du moringa trace elle aussi son sillon. Samera Boubakry n'a rien d'une agricultrice traditionnelle. C'est lors d'un moment de bascule (la pandémie de Covid-19) qu'elle découvre les vertus de cette plante, réputée pour renforcer l'immunité. Le moringa l'aide à surmonter ses propres problèmes de santé : diabète, cholestérol... Deux fléaux qu'elle parvient à maîtriser en rééquilibrant son alimentation et en adoptant cette plante miracle. De cette guérison personnelle naît une vocation. C'est à Douar Jamaat Lamnizla, à 45 kilomètres de Taroudant, que Samera Boubakry choisit d'enraciner son projet. Un choix loin d'être anodin : c'est le village de son père, aujourd'hui disparu, et la terre de ses racines. Là où elle agissait déjà comme bénévole, notamment auprès des femmes de la région, elle décide alors de faire pousser, en plus du lien social, un arbre porteur de changement. Un arbre pour lequel elle quitte son emploi dans l'industrie, après un long parcours professionnel, et qu'elle transforme depuis deux ans en levier de développement personnel et communautaire, au sein de la coopérative agricole Moringano, qu'elle préside. « Développer la culture du moringa était pour moi une évidence », assure-t-elle, en expliquant qu'elle voulait transformer son combat personnel en une ambition collective. Son succès est fulgurant, au point qu'elle a rapidement été surnommée « Madame Moringa » sur les réseaux sociaux. Lancée en décembre 2022, sa page Instagram comptait 35 000 abonnés au 21 mars courant. Samera Boubakry y multiplie les publications vidéo présentant les produits de sa coopérative et vantant les bienfaits du moringa. Ses conseils santé et bien-être, accessibles à toutes et à tous, sont massivement suivis. Contrairement à d'autre, elle ne tente aucunement de se substituer aux cliniciens. Sa success story n'échappe pas aux médias. Madame Moringa est à la une du dernier numéro du magazine féminin marocain Famille actuelle - un surnom qu'elle assume avec fierté, mais aussi beaucoup d'humilité. « Nous essayons de creuser encore plus de sillons », déclare-t-elle à L'Observateur du Maroc et d'Afrique, en bichonnant l'un de ses arbres. « Le moringa s'épanouit parfaitement dans un climat sec et ensoleillé comme celui de notre région. Et même si les dernières pluies ont fait tomber quelques feuilles, sa forte résilience lui permet de tenir bon, quoi qu'il en soit », explique-t-elle. À l'instar de Youssef Tamk, Samera Boubakry développe des méthodes douces, artisanales : séchage à l'ombre, sans conservateurs ni produits chimiques. Tout ce que la nature donne, elle le rend à la nature. « Même les résidus de tisane sont recyclés en engrais », ajoute-t-elle. Au-delà des vidéos et des conseils bien-être, la coopérative Moringano constitue un véritable projet de société : une agriculture sobre, féminine, bienfaisante pour la santé. Sa présidente en est convaincue : « Le moringa a toute sa place au Maroc, car il peut soulager, nourrir et créer de l'activité là où l'on pensait que rien ne pouvait pousser. » Le moringa est surnommé "la plante miracle". Une plante aux multiples vertus Riche en vitamines (A, C, E), minéraux (calcium, potassium) et acides aminés essentiels, le moringa (Moringa oleifera) est reconnu comme un super-aliment par plusieurs études internationales. L'OMS le considère même comme une plante à fort potentiel nutritif dans la lutte contre la malnutrition. Une étude publiée dans la revue Frontiers in Pharmacology (2018) confirme ses effets antioxydants et anti-inflammatoires, liés à sa forte teneur en polyphénols et en isothiocyanates. Ses feuilles, séchées ou fraîches, contribuent à réduire la glycémie chez les personnes diabétiques de type 2, comme l'a démontré une étude clinique menée par l'Université des Sciences Médicales de Téhéran (Journal of Food Science and Technology, 2015). Au Maroc, le Centre National de l'Energie, des Sciences et des Techniques Nucléaires (CNESTEN) a récemment mis en avant l'intérêt du moringa dans la détoxification de l'eau et ses usages nutritionnels dans des régions arides. Ses propriétés antimicrobiennes, enfin, sont documentées dans International Journal of Molecular Sciences (2020), qui souligne son efficacité contre certaines bactéries pathogènes. Résilient, écologique, et bénéfique pour la santé, le moringa trouve ainsi toute sa place dans une agriculture durable et une alimentation préventive. Très demandés, les produits comestibles ou cosmétiques issus de cet arbre se vendent en boutique ou en ligne entre 59 et 299 dirhams pour un sachet de poudre de moringa de 200 g, et entre 57 et 299 dirhams pour une boîte de 60 gélules. Ces prix varient selon les dosages et les certifications bio. Lire aussi dans le même dossier : .Le grand retour du petit épeautre . Le quinoa gagne du terrain à Rehamna . L'Etat subventionne la production du quinoa . Qu'entend-on par agriculture alternative ?