Les Robes Noires n'en peuvent plus de la sourde oreille du Ministère de la justice. C'est ce qu'annonce l'Association des barreaux du Maroc (ABAM) dans un communiqué rendu public en fin de semaine. En rogne, le porte-bannière des avocats en appelle ces derniers à « une suspension totale de toute activité de défense à partir du 1er novembre ». Un gel total pour dénoncer un projet de réforme judiciaire élaboré de manière unilatérale et surtout un « entêtement incompréhensible à bloquer toute tentative de dialogue », comme l'estime l'ABAM. Silence radio Déplorant « l'inertie et la sourde oreille de la tutelle », l'ABAM proteste contre la «marginalisation des avocats et la non implication dans l'élaboration de la réforme » du controversé Code de procédure civile, objet de l'ire des avocats. « Ce qui constitue une grave atteinte aux droits et aux acquis des justiciables mais aussi des avocats. Depuis l'élection du nouveau bureau de l'ABAM en mars 2024, nous n'avons pas cessé de tendre la main et de tenter d'ouvrir le dialogue avec le ministre de la Justice Abdelatif Ouahbi et avec la Tutelle... En vain. Aujourd'hui encore, au bout de plusieurs mois de silence, nous en sommes au point de départ avec un dialogue bloqué sans aucun motif raisonnable », explique à L'Observateur du Maroc et d'Afrique maître Hatim Baggar, membre du bureau de l'ABAM. Accusant Abdellatif Ouahbi de « monopoliser la gestion de ce dossier et de bloquer les pourparlers », Hatim Baggar nous affirme que l'ABAM était dans l'obligation de prendre une telle décision pour réclamer encore une fois « l'ouverture du dialogue ». « Tout ce que nous demandons c'est de dialoguer. Pourquoi le ministre s'entête à ignorer nos doléances et de s'assoir à table avec nos représentants pour débloquer la situation ? », s'exclame le membre du bureau de l'ABAM. Cette dernière a déjà présenté au ministère ses propositions pour l'amélioration des textes et la bonification de la réforme « dans le respect des droits des citoyens et de la profession d'avocat », comme l'affirme Baggar qui regrette cependant « le silence de la tutelle face à tant de bonne volonté ». « Mauvaise foi » « Pire encore, le ministre de la Justice n'arrête pas d'insinuer de façon péjorative que la profession veut prendre l'Etat en otage en liant ses mains. Il ne cesse de le répéter, que ce soit dans les médias, au sein du Parlement lors de la discussion du projet de loi de procédure civile, en commission ou même lors de la séance plénière », dénonce Baggar. D'après ce dernier, les propos du ministre seraient « totalement erronés ». « C'est juste une manière inadéquate de porter atteinte à l'image de l'avocature et à l'image des avocats au Maroc », répond le représentant de l'ABAM.Ce dernier revient à la charge en affirmant que le nouveau code de procédure civile est loin d'être adapté au contexte marocain, à la logique judiciaire marocaine et la raison d'Etat marocain. ABAM Adoptée par le Conseil de gouvernement en août 2023, la réforme du Code de Procédure Civile (CPC) est présentée par le ministre de la justice comme une réponse aux mutations socio-économiques du pays. Selon ce dernier, cette initiative vise principalement à simplifier les procédures et constitue un moyen pour lutter contre la lenteur administrative au sein du système judiciaire marocain. Un avis nullement partagé par les Robes Noires qui y voit une grave atteinte directe à leur profession et au droit constitutionnel des citoyens à un accès équitable à la justice. Rendre la Robe d'avocat Qu'en est-il des citoyens et des justiciables qui pourraient voir leurs intérêts compromis à cause de ce gel à durée indéterminée ? " Ce qui porte atteinte aux intérêts des citoyens c'est justement le nouveau code et le traitement injuste infligé aux avocats et à leurs doléances ", se défend l'avocat. Avec ce gel d'activité jusqu'à nouvel ordre, l'ABAM serait en train de chercher « une prise de conscience institutionnelle ». « Sans dialogue, il n'y aura pas de résultat. Nous sommes toujours ouverts à tout dialogue fructueux et à tout moment. En suspendant toute activité d'avocature au Maroc, nous nous adressons à Abdelatif Ouahbi : Vous ne voulez pas de la profession d'avocat au Maroc ? Alors, assumez votre responsabilité ! » conclut l'activiste de l'ABAM. Ce dernier nous apprend par ailleurs que les avocats ne sont pas prêts de s'arrêter en si bon chemin. Ils pourraient être amenés à remettre leurs robes aux différents barreaux du Royaume en signe ultime de protestation. La tutelle saura-t-elle enfin tendre l'oreille et ouvrir le dialogue avec les avocats ? A suivre