«Le secteur immobilier s'enfonce dans une crise structurelle découlant d'un ensemble de facteurs contraignants qui se sont accélérés durant les dernières années », résume le vice-président de la FNPI, Anice Benjelloun. Les indicateurs du secteur sont en berne. Selon la « revue mensuelle de la conjoncture économique, monétaire et financière » de Bank Al Maghrib pour janvier 2023, les ventes de ciment ont accusé une baisse de 17% au quatrième trimestre 2022, comparé à la même période de l'année précédente. D'après la même source, l'activité de construction est en recul de 2,5% au troisième trimestre 2022 après un accroissement de 14,2% un an auparavant. Ce recul devrait se poursuivre au quatrième trimestre. Benjelloun met l'accent aussi que la rétraction du nombre d'autorisations de construire et le recul de mise en chantiers et des demandes de financement de projets immobiliers. «La situation devient alarmante », alerte-t-il. Et pour ne rien arranger, les hausses du taux directeur décidées par Bank Al Maghrib à deux reprises, en septembre et décembre derniers, font planer une menace sur toute l'activité. En effet, la banque centrale a procédé au relèvement de 50 points de base de son taux directeur à 2% puis à 2,5%. «Le coup d'une telle mesure sera dur pour l'activité immobilière qui dépend fortement des crédits au Maroc », note l'économiste Zaher Badr Al Azrak. Pour lui, Un recul des crédits d'immobilier va affaiblir encore plus le secteur immobilier, déjà en crise en raison de la perturbation des chaines de production, de la flambée des prix de matériaux de construction...Le chiffre d'affaires de l'activité est en baisse. Et une telle mesure pourrait le plonger dans une récession profonde. Cela pourrait affecter aussi l'emploi puisque que l'immobilier est considéré parmi les secteurs qui absorbent le plus grand nombre de main d'œuvre. Il y a alors risque de hausse du taux de chômage en 2023 », prévient Al Azrak. Avoir un crédit devient plus complexe Les statistiques monétaires de décembre 2022 publiées par la banque centrale, montrent un ralentissement de la croissance des crédits immobiliers de 2,5% à 2,2% en lien particulièrement avec la décélération des prêts à l'habitat. En novembre, le repli est de 3,3% par rapport au mois précédent. Les économistes soulignent que c'est plus la seconde hausse du taux directeur qui pose problème. Puisque cela impactera le coût des crédits immobiliers. Ils prévoient des taux d'intérêt de l'ordre de 4,5% en février 2023 et tablent sur une hausse plus importante au cours de l'année en cours avec des taux qui pourraient atteindre 4,7% d'ici fin 2023. Résultats : «les nouveaux acquéreurs et ceux détenant des crédits immobiliers à taux variables sont les plus touchés », insistent les experts mettant l'accent aussi sur un pouvoir d'achat limité qui complique encore plus la situation. D'après Benjelloun, «Ce n'est pas uniquement la hausse du taux d'intérêt qui pose problème. C'est aussi la contraction des octrois des crédits bancaires aux acquéreurs vu le contexte d'incertitude économique ». Le professionnel indique que les établissements bancaires se montrent plus sélectifs et plus réticents quant à l'octroi de crédits immobiliers. Ils ont reçu des directives pour revoir à la hausse leurs règles prudentielles. Et donc l'accès au crédit devient très complexe sans parler de la problématique de la capacité de financement. Un autre hic relevé par le vice président de la FNPI, le retard accusé au niveau de la publication de décrets d'application des mesures prévues au niveau de la loi de finances 2023 notamment celle liée à l'octroi d'une aide de l'Etat pour le soutien au logement au profit des acquéreurs de logements destinés à l'habitation principale. «Le gouvernement a affirmé que ces décrets verront le jour fin janvier. Jusqu'à présent, il n'en est rien. Nous sommes dans le flou total surtout que c'est une mesure qui concerne la classe moyenne qui représente plus de 80% de la demande. Il faut activer ce dossier en urgence», avertit Benjelloun. Le professionnel estime que les promoteurs sont une situation délicate actuellement. «Outre la hausse des prix de matériaux de construction, le manque de visibilité,...il y a le problème de la pression fiscale qui devient excessive pour les promoteurs », déplore Benjelloun. D'après lui, deux nouvelles taxes viennent de voir le jour récemment dont l'une imposée par les communes au prix du mètre carré pour l'obtention du permis de construire d'un projet neuf. Elle peut aller de 40 à 50 DH selon les communes. «Cela alourdit encore plus la fiscalité du secteur », conclut le professionnel.