Quelques ONG algériennes, avec des activistes s'exprimant sur les réseaux sociaux, continuent à protester contre la détention depuis le 23 décembre dernier, sans procès ni jugement, du journaliste Ihsane El Kadi et de la mise sous scellés des locaux d'Interface Médias SPA, siège de rédaction de Radio M et de Maghreb Emergent qu'il dirige. Du côté, des ONG notamment européennes de défense des droits de l'Homme, le silence est assourdissant. Aurait-on peur à ce point, du côté européen, de se priver du gaz et du pétrole algérien ? Le doute est permis. Pourtant, le cas d'Ihsane el-Kadi a de quoi révolter, d'ordinaire, même les plus modérés parmi les défenseurs des droits de l'Homme. De quoi s'agit-il ? Ihsane el-Kadi, 63 ans, a fâché Tebboune et le président algérien l'a envoyé en prison. Le trait est loin d'être forcé. Les faits sont là pour montrer la démesure de l'arbitraire. C'est cette analyse publiée par Ihsane el-Kadi le 17 décembre dernier qui a conduit à son arrestation. 2e mandat, l'ANP redoute autre chose qu'une Bouteflikisation de la présidence Tebboune Le journaliste montre que l'assentiment de l'armée algérienne pour un deuxième mandat de Tebboune n'est pas encore assuré à ce dernier. Il s'agit d'une bombe qui a été lâchée à une année seulement des prochaines échéances électorales prévues en Algérie en 2024. Ce tweet sur la rocambolesque déclaration de Tebboune sur l'argent récupéré des proches de la «Issaba» (bande) passerait pour une vétille devant la troublante vérité lancée à la face du président provisoire qui aspire à s'éterniser au pouvoir. En réaction, le président algérien a mis en branle l'appareil judiciaire et le journaliste a été aussitôt poursuivi en état d'arrestation pour atteinte, entre autres, «à la sécurité de l'Etat», à «l'unité nationale», «aux intérêts fondamentaux de l'Algérie, à la sécurité et à l'ordre publics». Ainsi donc, Tebboune lie son 2e mandat à la sécurité de l'Algérie, à l'unité de ce pays, à ses intérêts fondamentaux et à son ordre public. Pour les même accusations fallacieuses, d'autres journalistes ont été eux aussi poursuivis et arrêtés. Il s'agit notamment de Saïd Boudour, Jamila Loukil, Hassan Bouras, Abdelkrim Zeghilèche et Mohamed Mouloudj. Deux syndicats montent au front La Confédération générale autonome des travailleurs en Algérie et le Syndicat national autonome des personnels de l'administration publique (SNAPAP) sont en première ligne, avec la Ligue Algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH) pour dénoncer la détention arbitraire d'Ihsane el-Kadi. Ces organisations locales ont très peu de soutien à l'international. Cela ne les empêche pas de crier au scandale. Dans un communiqué publié le 25 décembre dernier, elles affirment que l'arrestation du patron de Radio M et de Maghreb Emergent «reflète une dérive autoritaire et la volonté des autorités à en finir avec la liberté de la presse, le libre débat et de toute forme de contestation ou d'opposition». «L'arrestation de Journaliste El Kadi Ihsane et cette mise sous scellés sont la parfaite expression d'une mise au pas totalitaire dangereuse», protestent des pétitionnaires en réclamant la libération du journaliste. Longtemps avant son arrestation, ce dernier avait publié cette citation de Karl Marx, qui décrit bien Tebboune : «Ce qui distingue principalement l'ère nouvelle de l'ère ancienne, c'est que le fouet commence à se croire génial.»