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Rapport du Département d'Etat sur les pratiques en matière de droits de l'Homme 2021, Algérie : un état autoritaire
Publié dans Barlamane le 17 - 04 - 2022

Le long rapport des droits de l'Homme en Algérie publié sur le site du Département d'Etat est accablant et glaçant à plus d'un titre. Alors que le régime est prolixe en critiques vis-à-vis de tous ses voisins à part la Tunisie (qui lui ressemble selon la déclaration de Tebboune à Antony Blinken à Alger) notamment à travers sa presse très active, on se rend compte à la lecture du rapport que pour préserver son intégrité physique, son emploi,ou son entreprise, son association syndicat ou parti de toute dissolution, l'expression n'est libre que si elle retranscrit la voie officielle en toutes choses. Les preuves et exemples de dépassements des droits humains sont pléthore et le lecteur est happé dans un tourbillon interminable d'horreurs et de restrictions des libertés en hausse.
Barlamane.com vous propose une lecture concise des 52 pages à charge. 52 ? en réalité bien plus car beaucoup de sujets, comme la liberté de culte, la protection des minorités religieuses, la protection des mineurs, le travail des mineurs, la traite des personnes renvoient vers des liens externes de rapports concernant l'Algérie, tout aussi détaillés que celui des droits humains.
D'emblée, le régime est targué d'autoritaire car si les élections de l'année 2021 semblent s'être déroulées "sans problèmes ni irrégularités notables", elles sont marquées par "des restrictions des libertés civiles pendant la période électorale et un manque de transparence dans les procédures de décompte des voix". Les faibles taux de participation , notamment celui des élections législatives le 12 juin , de 23 %, soit le plus bas de l'histoire du pays pour une élection parlementaire, montrent le désaveu de la population, pointe le rapport. Le 10 mars, révèle-t-il, le président Tebboune avait promulgué une nouvelle loi électorale par décret, après avoir dissous le 18 février la chambre basse du Parlement, compliquant le vote des membres du Parlement, au détriment de la liste de candidats des partis politiques.
La critique porte sur la loi électorale, l'établissement d'un organe de surveillance des élections dont les membres seraient nommés par le président et le parlement, contrôlé par une coalition dirigée par le parti du président.
Ensuite vient l'énumération sans appel des dépassements qui renseignent sur la nature du régime liberticide. Le département d'Etat affirme s'appuyer sur des rapports crédibles sur : les cas de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés par des membres des forces de sécurité ; d'arrestations et de détentions arbitraires ; de prisonniers politiques ; de graves problèmes d'indépendance et d'impartialité du système judiciaire ; d'ingérence illégale dans la vie privée ; de graves restrictions et entraves de la liberté d'expression et des médias, notamment des lois sur la diffamation criminelle, des arrestations injustifiées de journalistes, la censure gouvernementale et le blocage de sites Internet ; des interférences substantielles avec les libertés de réunion et d'association pacifiques, y compris l'étouffement de la reprise du Hirak et des lois excessivement restrictives sur l'organisation, le financement ou le fonctionnement des organisations non gouvernementales et de la société civile ; des restrictions de la liberté de religion ; le refoulement des réfugiés vers un pays où ils seraient confrontés à une menace pour leur vie ou leur liberté ; une grave corruption gouvernementale ; l'absence d'enquête et de responsabilité pour les violences sexistes à l'encontre des femmes ; la traite des personnes ; la criminalisation des comportements sexuels consensuels entre personnes de même sexe ; des restrictions significatives de la liberté d'association des travailleurs ; et les pires formes de travail des enfants.
Le rapport avant d'énumérer au cas par cas ces abus datés et détaillés, montre qu'il n'est dupe ni concernant les donneurs d'ordre ni par rapport à la mascarade des mesures rapportées par le gouvernement "pour enquêter, poursuivre ou sanctionner les agents publics ayant commis des violations des droits de l'homme, notamment des actes de corruption". Et ce, car commente le département d'Etat américain dans son rapport : "le ministère de la Justice n'a signalé aucune poursuite ou condamnation de fonctionnaires civils, de sécurité ou militaires pour torture ou autres traitements abusifs. L'impunité des policiers et des agents de sécurité reste un problème".
Le calendrier algérien 2021 de la torture et des traitements dégradants commence dès le premier mois de l'année par Rachid Nekkaz, figure proéminente du Hirak. Les autorités le transfèrent, le 26 janvier, de la prison de Kolea à Tipaza (à 48 km d'Alger) à la prison de Labiod Sidi Cheikh (à 724 km d'Alger) où ils le placent en isolement. Et ce, sachant qu'il souffre d'un cancer à la prostate et de complications hépatiques. Le 19 février, les autorités le libèrent avec d'autres détenus du Hirak à l'approche de l'anniversaire des deux ans du mouvement Hirak. Elles l'empêchent de quitter l'Algérie le 27 mars ... et l'arrêtent deux fois en mai pour avoir voyagé à l'intérieur du pays.
Le rapport précise, d'ailleurs, qu'aux dépassements relatifs à la détention arbitraire, s'ajoute la restriction par le gouvernement des droits liés à la liberté de mouvement interne, de voyage à l'étranger, d'émigration et de rapatriement.
Le 2 février, lors du procès de l'étudiant Walid Nekkiche, accusé d'avoir « distribué et détenu des tracts portant atteinte à l'intérêt du pays », d'avoir « participé à une conspiration visant à inciter les citoyens à prendre les armes contre l'Etat », d'avoir « organisé une communication secrète dans le but de porter atteinte à la sécurité nationale » et d'avoir « porté atteinte à la sécurité et à l'unité nationale », Nekkiche a accusé les agents des services de renseignements de l'avoir torturé pendant les 14 mois qu'il a passés en détention provisoire. Abdelghani Badi, l'avocat de Nekkiche, a déclaré que les services de renseignement ont forcé Nekkiche à se déshabiller et l'ont ensuite violé. Le ministère public a ordonné l'ouverture d'une enquête sur les allégations de Nekkiche, mais déplore le document du département d'Etat, aucun détail n'a été communiqué à la fin de l'année.
Le 2 mars, le hirakiste Sami Dernouni a témoigné qu'il avait subi des mauvais traitements et des actes de torture alors qu'il était détenu par les services de renseignement à Alger. L'avocat de Dernouni, Fellah Ali, a déclaré que les services de renseignement avaient forcé Dernouni à se déshabiller, avant de le battre et de lui administrer des chocs. Les autorités ont, en plus, rejeté sa demande de soins médicaux pour ses blessures.
Le 3 avril, les autorités ont arrêté Said Chetouane, 15 ans, et plusieurs autres jeunes lors d'une manifestation du Hirak. Après sa libération, Chetouane a publiquement accusé la police d'agression sexuelle.
Le 4 mai, les autorités ont condamné Amira Bouraoui, fondatrice de deux mouvements d'opposition (Barakat « Assez » et al-Muwatana « Citoyenneté »), à quatre ans de prison. Le 24 mai, le militant du Hirak Slimane Hamitouche, coaccusé dans le procès très médiatisé du journaliste de Reporters sans frontières Khaled Drareni, a été condamné à un an de prison pour « rassemblement illégal et incitation au rassemblement illégal ».
Et la liste est encore longue. Chaque mois apporte son long d'arrestations les unes plus arbitraires que les autres corrélées aux mauvais traitements psychiques et physiques.
Le Département d'Etat relève que même les ONG locales et internationales ont affirmé que l'impunité au sein des forces de sécurité était un problème structurel. Il fait également part de sa préoccupation à la lecture de rapports sérieux et détaillés d'abus physiques et mentaux dans tous les centres de détention algériens. Une population carcérale qui plus est, a atteint 94 749 personnes en septembre 2021 avec un taux de surpopulation moyen de 19 %, d'après le ministère de la Justice algérien, lui-même.
Ce sont en fait quelque 74 personnes qui ont été détenues arbitrairement pour avoir exprimé leur opinion révèle le rapport du département d'Etat. D'ailleurs, 48 d'entre elles étaient encore en détention provisoire au 5 mai, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD).
Le CNLD, rapporte, en outre, que plus de 200 prisonniers politiques associés au mouvement de protestation Hirak étaient détenus par le gouvernement au cours de l'année 2021, soit une forte hausse par rapport aux 61 détenus en 2020.
En juin, le CNLD a fait état de plus de 300 prisonniers d'opinion, la plupart journalistes, militants, avocats, personnalités de l'opposition et manifestants du Hirak.
Le 5 mars, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) a lui aussi pointé le recours aux arrestations arbitraires pour réprimer les manifestations pacifiques et a souligné les centaines de personnes arrêtées depuis la reprise des manifestations du Hirak en février.
Des organisations locales et internationales ont corroboré les faits rapportés par le HCDH, en signalant des détentions arbitraires et des poursuites à l'encontre des militants des droits de l'Homme Said Boudour, la journaliste, Jamila Loukil et Kaddour Chouicha, professeur d'université et vice-président de la LADDH.
Elles rapportent, selon le rapport du Département d'Etat, que le 12 mars, la police a battu Chouicha et son fils lors d'une manifestation. Un policier a même tenté d'étrangler le fils. Chouicha et Loukil ont également accusé la police de violence lors d'une arrestation le 28 avril, alors qu'ils quittaient le tribunal d'Oran après une audience pour » rassemblement non armé « . Boudour lui aussi a affirmé que la police l'avait agressé physiquement lors de son arrestation le 23 avril.
Un peu auparavant, le 20 avril, la police a arrêté Nacer Meghnine, directeur de l'ONG culturelle et de jeunesse SOS Bab El-Oued, affiliée au Hirak, et l'a placé en détention provisoire.
La précision des événements entachés par les dépassements du régime algérien n'a d'égal que l'ampleur de la répression qui sévit en Algérie. Ainsi le rapport mentionne que les 14 et 21 mai, la police a bloqué les manifestations du Hirak à Alger et dans plusieurs autres villes, arrêtant plus de 800 manifestants dans tout le pays. A Bouira, la manifestation a tourné à la violence après l'intervention de la police pour empêcher la marche. Le ministère de l'Intérieur, pour l'expliquer, a nié avoir reçu une demande pour la marche du Hirak du 21 mai ; C'était sans compter un groupe d'avocats pro-Hirak qui a rendu publique la demande de manifestation, portant les signatures de responsables de wilaya. Néanmoins, cela n'a pas empêché les forces de sécurité de mettre en place les 21 et 25 mai, de nouveaux points de contrôle dans plusieurs endroits d'Alger afin d'empêcher les manifestants d'atteindre les points de rassemblement du Hirak ou de modifier leurs itinéraires de protestation.
Le département d'Etat qualifie la détention provisoire en Algérie de sérieux problème sur le plan légal, notamment. En effet, rappelle le rapport américain des droits de l'Homme, la loi algérienne limite les motifs de détention provisoire et stipule qu'avant de l'imposer, le juge doit évaluer la gravité du crime et déterminer si l'accusé représente une menace pour la société ou s'il risque de s'enfuir. Dans le détail, la loi interdit la détention provisoire pour les crimes dont la peine maximale est inférieure à trois ans d'emprisonnement, sauf pour les infractions ayant entraîné la mort ou pour les personnes considérées comme une « menace pour l'ordre public ». Dans ces cas, la loi limite la détention provisoire à un mois. Dans toutes les autres affaires pénales, la détention provisoire ne peut excéder quatre mois. Or, Amnesty International, que cite le rapport, a allégué que les autorités détenaient parfois des personnes pour des motifs liés à la sécurité pendant une durée supérieure à la période prescrite de 12 jours.
Pour l'illustrer, le rapport évoque notamment le cas de Tadjadit. Une des figures notoires du Hirak emprisonnées, il avait été relâché le 21 janvier avec deux de ses co-détenus hirakistes Noureddine Khimoud et Abdelhak Ben Rahmani après avoir purgé leur peine en détention provisoire ( !) et parce qu'une grève de la faim avait nécessité leur admission en hôpital. Mais l'histoire n'est pas finie. Le 26 mars, Tadjadit faisait partie des 190 manifestants arrêtés lors d'une manifestation du Hirak à Alger. Bien que la police ait relâché la plupart des personnes arrêtées plus tard dans la journée, Tadjadit faisait (une fois encore) partie des huit personnes placées en détention provisoire !
En totale contradiction avec la loi, ces détentions provisoires peuvent atteindre des années. Le 22 septembre, le tribunal de Dar El-Beida a condamné le général-major Ali Ghediri – candidat à l'élection présidentielle de 2019 – à quatre ans de prison après que le tribunal a reconnu Ghediri coupable d'avoir « participé en temps de paix à une entreprise visant à affaiblir le moral de l'Armée nationale populaire. » Lors de son jugement, Ghediri a remis en question la durée de sa détention provisoire, qui était alors de 832 jours.
La détention provisoire s'accompagne de déni de procès public équitable ; une conséquence de la nature même du régime algérien qui fait grincer le département d'Etat. En effet, pointe le rapport, les larges pouvoirs statutaires de l'exécutif ont limité l'indépendance judiciaire. La Constitution accorde au président le pouvoir de nommer tous les procureurs et les juges. Ces nominations présidentielles ne sont pas soumises à un contrôle législatif mais sont examinées par le Haut Conseil judiciaire, qui se compose du président, du ministre de la Justice, du procureur général de la Cour suprême, de 10 juges et de six personnes extérieures au système judiciaire choisies par le président. Le président est aussi le président du Conseil supérieur de la magistrature, qui est responsable de la nomination, du transfert, de la promotion et de la discipline des juges.
Ce qui lui laisse le champ libre pour évincer ceux qui font ...leur travail.
Là aussi les exemples sont nombreux. Nous citerons ce fâcheux événement en mai, où le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a révoqué le président du Syndicat national des magistrats Saad Eddine Merzouk pour « violation d'une obligation de confidentialité. » Le CSM avait suspendu Merzouk en 2019 pour avoir soutenu le mouvement Hirak. En mai, le CSM a intenté une action en justice contre le procureur Sid-Ahmed Belhadi pour avoir partagé des photos de lui-même et de Merzouk sur les médias sociaux. Et pour cause, en 2020, Belhadi a demandé aux tribunaux de libérer des manifestants du Hirak. Ou encore une illustration de l'arbitraire qui accompagne les régimes autoritaires à travers le cas du juge Chentouf El Hachemi, président du tribunal d'Oran, que les autorités ont arrêté et placé en détention, le 18 novembre, "pour avoir prétendument accepté un pot-de-vin". Le rapport du département d'Etat fait mention des articles de presse selon lesquels le ministère de la Justice avait promu El Hachemi à son poste, alors qu'il faisait l'objet de précédentes mesures disciplinaires. Il conclut que "El Hachemi a présidé plusieurs affaires de corruption très médiatisées", ce qui porte un sérieux coup à la crédibilité des "procès" orchestrés par le régime.
Surveillance électronique, perquisitions sans mandat
On se souvient tous des positions d'Alger sur l'affaire Pegasus et leur prétendue condamnation. Pourtant et du moins concernant les Algériens, la surveillance électronique systématique et a même fait l'objet d'un décret. Bien que la Constitution algérienne prévoit la protection de « l'honneur » et de la vie privée d'une personne, y compris la vie privée du domicile, des communications et de la correspondance, le rapport dénonce l'interférence arbitraire ou illégale du pouvoir avec la vie privée, la famille, le domicile et la correspondance. Le rapport rapporte que le ministère de la Justice a déclaré que l'agence de lutte contre la cybercriminalité était soumise à tous les contrôles judiciaires existants qui s'appliquent aux organismes chargés de faire respecter la loi. Mais il n'en reste pas moins qu'un nouveau décret permet aux autorités de mener une surveillance domestique tout en exigeant des fournisseurs d'accès à Internet et de téléphonie qu'ils renforcent leur coopération avec le ministère de la Défense, pointe le rapport.
Dès lors, et ainsi qu'il le souligne, les perturbations des communications avant les manifestations antigouvernementales au cours de l'année, à savoir des coupures d'internet, le blocage de l'accès à certains sites d'information en ligne et plateformes de médias sociaux, et la restriction ou la censure de contenu sont devenues le pain quotidien des Algériens.
Plus encore, en vertu de la loi, les fournisseurs d'accès à Internet sont passibles de sanctions pénales pour le matériel et les sites web qu'ils hébergent, en particulier si les sujets sont « incompatibles avec la moralité ou l'opinion publique ». Les ministères de la justice, de l'intérieur et des postes, des technologies de l'information et de la communication sont chargés de la surveillance.
Liberté d'expression
Si l'espace public s'efface derrière les lignes rouges et les restrictions des libertés individuelles, la presse indépendante, qui régulièrement critiquait et satirisait les responsables et les politiques du gouvernement, elle s'est vue restreindre ces droits. A travers des actions du gouvernement concrètes et dissuasives telles que l'application arbitraire de lois formulées en termes vagues et des pressions informelles sur les éditeurs, les rédacteurs, les annonceurs et les journalistes. Le gouvernement, certifie le rapport des droits de l'Homme, utilise à l'envi et de manière préférentielle son contrôle sur la plupart des imprimeries et le financement de la publicité du secteur public pour "exercer une influence indue sur les organes de presse". L'ONG Reporters sans frontières, citée dans le rapport, relève pour sa part que la publicité privée existe mais provenant souvent d'entreprises proches du parti politique au pouvoir, qui lui sont assujetties.
Des lois, des décrets et des limites aux libertés
Depuis que les autorités ont arrêté et détenu des citoyens pour avoir exprimé des opinions jugées préjudiciables aux fonctionnaires et aux institutions de l'Etat, y compris l'utilisation du drapeau berbère lors des manifestations, l'autocensure touche le débat public. Le rapport des droits de l'Homme souligne, dans ce contexte, que la loi criminalisant les discours concernant la conduite des forces de sécurité pendant le conflit interne des années 1990 est restée en vigueur.
En témoignent les arrestations :
* du journaliste Mustapha Bendjama dans au moins six affaires différentes pour des accusations telles que « offense aux organes publics » et « atteinte à l'unité nationale ». Le 27 juin, le tribunal d'Annaba a reconnu Bendjama coupable, et le juge l'a condamné à deux mois de prison et à une amende de 2 500 dinars ;
* de l'ancien parlementaire Nordine Ait-Hamouda le 26 juin à Bejaia pour avoir fait des « déclarations inappropriées à l'égard de diverses personnalités nationales importantes ».
* de Fethi Ghares, coordinateur national du parti d'opposition Mouvement démocratique et social, le 30 juin. Sa femme, Messaouda Cheballah, a posté une vidéo en direct de l'arrestation de son mari et a dénoncé la « fouille indiscrète de ses affaires » par la police.
Même les ONG ont cessé d'organiser des événements en dehors des lieux privés en raison de la longue répression gouvernementale et des pressions exercées sur les propriétaires d'espaces de rassemblement publics.
En avril 2020, le Parlement a adopté des amendements au code pénal qui criminalisent la diffusion de « fausses nouvelles » portant atteinte à l'unité nationale, donnant aux autorités un pouvoir excessif pour poursuivre les militants et les défenseurs des droits humains, rapporte le Département d'Etat. Les sanctions prévues par le projet de loi, qui ne fait pas de distinction entre les reportages, les médias sociaux et les autres médias, comprennent des peines de prison de deux à cinq ans et des amendes. En ont particulièrement pâti : le journaliste Khellaf Benhedda condamné par contumace le 10 mai ; la journaliste de Maghreb Emergent, Kenza Khatto le 14 mai ; le journaliste El Kadi Ihsane, directeur de Radio M et du site Maghreb Emergent le 18 mai ; lle journaliste El Kadi Ihsane, directeur de Radio M et du site Internet Maghreb Emergent, placé en liberté surveillée ; l'activiste auprès de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH), Hassan Bourras, arrêté à son domicile le 6 septembre , le reporter Mohamed Mouloudj pour le média (qui vient de mettre la clé sous le paillasson) Liberté, arrêté 12 septembre, chez lui après que la police ait fait une descente à son domicile.
Des télévisions privées ont été suspendues comme Lina TV, El Bilad TV, El Djazairia One, et même la télé publique EPTV en a fait les frais, pour son traitement du lynchage de Djamel Bensmail en Kabylie.
Cette censure de la presse a touché également les médias étrangers avec le retrait de l'accréditation de France 24 et d' al-Arabiya TV et la suspension pour une semaine El Hayet TV (pour avoir interviewé Nordine Ait Hamouda membre fondateur du parti d'opposition Rassemblement pour la culture et la démocratie et fils du colonel Amirouche Ait Hamouda, héros de la guerre d'indépendance, qui a été arrêté suite à son passage télévisé.)
Le rapport continue avec la suspension et l'action en justice, le 22 avril, contre le parti d'opposition Union pour le changement et le progrès UCP dont la présidente Zoubida Assoul, est également avocate militante.
Au niveau politique et de l'approche genre, la loi électorale a supprimé les quotas de genre au parlement, et la représentation des femmes au parlement a chuté de 120 à 34. D'ailleurs, déplore le rapport des droits de l'Homme, l'ANIE n'a pas exigé que les candidates utilisent leur photo sur les affiches de campagne et les bulletins de vote durant l'élection législative de cette année, "pour des raisons culturelles et religieuses" limitant de facto la représentation féminine.
Liberté académique et événements culturels
La surveillance culturelle et académique des séminaires et ouvrages est toujours de mise, car la loi le permet. Le ministère de la Culture et celui des Affaires religieuses (ainsi que le ministère des Moudjahidine, vétérans de la révolution, pour les ouvrages traitant du « mouvement national et de la révolution algérienne ») examinent toujours le contenu des films avant leur projection, ainsi que des livres avant leur importation, même si en amont les importateurs doivent soumettre au ministère le titre, le nom de l'auteur, le nom de l'éditeur, l'édition, l'année, le numéro international normalisé du livre et le nombre d'exemplaires à importer.
Si les livres jugés subversifs sont refoulés aux frontières, les publications de même facture sur internet n'étant pas soumises à relecture avant publication, leurs auteurs sont appréhendés par l'appareil judiciaire. Le 23 avril, les autorités ont condamné l'universitaire soufi Said Djabelkheir à trois ans de prison et à une amende de 50 000 dinars pour « offense aux préceptes de l'islam », pour avoir écrit sur facebook que le sacrifice de moutons est antérieur à l'islam et pour avoir dénoncé le mariage des mineurs.
Réfugiés, Migrants et Sahraouis de Tindouf
L'Etat de non droit ne s'arrête pas aux Algériens, médias, associations, syndicats et partis politiques. Il s'étend aux réfugiés et migrants subsahariens et syriens ainsi qu'aux Sahraouis de Tindouf.
Le département d'Etat mentionne un rapport de septembre du HCR (Haut Commissariat aux Réfugiés)qui souligne la vulnérabilité des "90 000" sahraouis de Tindouf accentuée par la pandémie du Covid-19. Le rapport énonce que l'éloignement des camps et le manque de présence gouvernementale officielle entraînent un manque d'accès aux services judiciaires de la police et des tribunaux.
Le même rapport fait état de 7 830 réfugiés dans les zones urbaines, 2 450 demandeurs d'asile dans les zones urbaines, venant de Syrie, des Territoires palestiniens, du Yémen, du Mali et d'autres pays d'Afrique subsaharienne.
D'une part, le rapport souligne que le HCR a plaidé pour la libération des réfugiés. D'autre part, il précise que l'absence d'un système d'asile officiel entrave l'évaluation de la situation.
Depuis janvier, l'ONG Alarme Phone Sahara (APS) signale que le gouvernement a expulsé 18 749 personnes d'Algérie vers le Niger, ainsi que de nombreux ressortissants de diverses nationalités vers le Niger dans des convois non officiels, qu'ils laissent perdus dans le désert et à pied à une vingtaine de km du territoire nigérien en contradiction avec tous les accords et légalité internationaux. L'OIM (Organisation internationale pour les migrations), Médecins sans frontières et les forces de sécurité nigériennes en témoignent puisqu'ils ont recherché les déportés perdus dans le désert. En avril, l'ONG Médecins sans frontières a signalé que les autorités avaient renvoyé de force plus de 4 000 migrants au Niger. Selon l'APS, les déportés comprennent des ressortissants de Côte d'Ivoire, du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, de la République centrafricaine, du Tchad, de l'Erythrée, du Ghana, de la Guinée, de la Guinée Bissau, du Liberia, du Mali, du Nigeria, du Sénégal, de la Sierra Leone, du Soudan et du Togo.
Le 29 septembre, l'Alarme Phone Sahara a signalé que le pays a expulsé 894 personnes dans un convoi non officiel vers le poste frontière d'Assamaka.
Le 1er octobre, l'APS a indiqué que 1 275 autres personnes en convoi officiel ont été transportées au poste frontière d'Assamaka.
Outre ces départs forcés, de mauvais traitements sont infligés aux migrants, aux réfugiés et aux apatrides : l'enlèvement, la violence sexuelle fondée sur le genre, les abus physiques et d'autres violences, comme l'exploitation dans le travail en raison de leur absence de statut légal dans le pays.
Le rapport des droits de l'Homme se termine par les sujets liés à la corruption, le manque de transparence du gouvernement et la discrimination et violence raciales ou ethniques systémiques ainsi qu'à l'égard des femmes et enfants.
La corruption des fonctionnaires reste un grand problème, pour le rapport du Département d'Etat. Le 28 août, il spécifie que Tebboune a modifié la procédure de poursuite des accusations et des enquêtes liées à la corruption contre des fonctionnaires locaux, selon laquelle c'est dorénavant le ministère de l'Intérieur qui autorise les services de sécurité à engager des poursuites judiciaires dans les affaires de corruption. De ce fait, le décret présidentiel viole le code pénal, qui stipule que le procureur général est « la seule autorité à évaluer s'il convient ou non d'ouvrir une enquête ou une procédure judiciaire ».
Rapporteurs onusiens
Concernant les enquêtes internationales, et malgré que l'Algérie a rejoint le Conseil des droits de l'Homme en 2014, elle continue à refuser les demandes de visite des rapporteurs spéciaux des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires (en attente depuis 1998, sur les 3 200 disparitions forcées au cours des années 1990) et sur la lutte contre le terrorisme et les droits de l'homme (en attente depuis 2006), du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (en attente depuis 2009) et du Groupe d'experts du Conseil de sécurité des Nations unies sur les sanctions au Mali (depuis 2016). Pourtant de nombreux groupes de défense des droits de l'homme continuent à demander des rapporteurs spéciaux.
Le 5 mars, Rupert Colville, le porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH), a exhorté les autorités à mettre fin aux violences contre les manifestants pacifiques du mouvement Hirak. Rupert Colville a exprimé la préoccupation du HCDH concernant la détérioration de la situation des droits de l'homme dans le pays et la poursuite et l'intensification de la répression contre les membres du Hirak, car « les autorités réagissent de la même manière répressive que celle observée en 2019 et 2020. » Le HCDH a appelé les autorités à mener « des enquêtes rapides, impartiales et efficaces sur toutes les allégations de violations des droits de l'homme et de veiller à ce que les victimes obtiennent réparation. »
Quant au Conseil National des Droits de l'Homme (CNDH) algérien, il a indiqué s'être concentré au cours de l'année sur les mesures sanitaires, en particulier pour les groupes vulnérables tels que les personnes âgées et les migrants (sic!).
Discrimination, droits des femmes et maltraitance des enfants
Le pays a aussi enregistré une augmentation de 47 % de la violence contre les femmes. Les statistiques des associations de défense des femmes publiées dans la presse locale, relèvent qu'entre 100 et 200 femmes meurent chaque année des suites de violences domestiques.
La restriction du champ de libertés des femmes se fait à la faveur d'un oppressant discours extrémiste. Les associations de défense de femmes ont déclaré que certains éléments religieux préconisent des restrictions du comportement des femmes, y compris de leur liberté de mouvement.
La discrimination raciale et ethnique systémique préoccupe également le Département d'Etat. Il relève qu'en 2019 déjà, les autorités algériennes ont arrêté des dizaines de manifestants du Hirak portant des drapeaux berbères, accusés de « porter atteinte à l'unité nationale. »
Puis il s'inquiète que la désignation par le gouvernement, en 2021, du Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK), mouvement séparatiste berbère, comme groupe terroriste, lui donne des outils juridiques supplémentaires pour poursuivre les opposants politiques affiliés au MAK, tant en Algérie qu'à l'étranger.
Le département d'Etat dans ce rapport se montre sensible aux déclarations des groupes amazighs qui affirment être en train de perdre leurs traditions et leur langue au profit de l'arabisation, malgré la Constitution de 2020 qui reconnaît le tamazight comme l'une des langues officielles de l'Algérie et la reconnaissance par le gouvernement en 2017 de Yennayer, le nouvel an berbère, comme fête nationale. Car, certains groupes berbères ont perçu la démarche de reconnaissance de la langue berbère comme étant politiquement motivée plutôt qu'un véritable effort du gouvernement pour intégrer plus largement la langue tamazight dans la société algérienne.
Le racisme est étendu et touche également les Algériens noirs et les migrants africains subsahariens. Selon le CNRPAH (Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques), les migrants subsahariens dans les grandes villes côtières d'Algérie, Alger, Constantine et Oran, ne reçoivent généralement pas de permis de travail, ce qui limite les possibilités d'emploi au marché informel. Par conséquent, les migrants en situation irrégulière sont parfois soumis au travail forcé, l'absence de permis de travail les rendant plus vulnérables à l'exploitation.
La discrimination est également rapportée par les membres des groupes religieux minoritaires, victimes de discrimination quand ils ne sont pas musulmans.
L'antisémistisme est également fortement ancré en Algérie. Le département d'Etat se base sur les rapports des dirigeants religieux et de la société civile qui ont signalé que la communauté juive était confrontée à des obstacles officieux, fondés sur la religion, à l'emploi dans le secteur public et à des difficultés administratives lorsqu'elle travaillait avec la bureaucratie gouvernementale.
Et enfin, le rapport des droits de l'Homme conclut que la maltraitance des enfants bien qu' illégale reste un problème. S'appuyant sur les chiffres de la Direction générale de la sûreté nationale algérienne, il indique que 2 453 enfants ont été victimes de violences durant les quatre premiers mois de l'année.
Parmi les violences figure le mariage d'enfants, précoce et forcé : l'âge minimum légal du mariage est de 19 ans pour les hommes et les femmes, mais les mineurs peuvent se marier s'il y a consentement parental, indépendamment du sexe, pointe le rapport. Il se penche également sur les enlèvements internationaux d'enfants, puisque le pays n'est pas partie à la Convention de La Haye de 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.
Pour couronner le tout, la loi n'interdit pas et ne criminalise pas toutes les pires formes de travail des enfants, ce qui est également scandaleux. Le rapport des droits de l'Homme explique qu'en vertu de la loi, aucune disposition législative n'interdit l'utilisation, le recrutement ou la présentation d'un enfant de moins de 18 ans pour la production et le trafic de drogues. Il précise que l'âge minimum légal pour travailler est de 16 ans, mais les enfants plus jeunes peuvent travailler comme apprentis avec la permission de leurs parents ou de leur tuteur légal. Il s'attarde aussi sur le fait que les enfants handicapés sont rarement scolarisés au-delà du niveau secondaire et sur le cas alarmant des enfants soumis à une exploitation sexuelle commerciale.
De manière générale, le rapport estime que le gouvernement n'applique pas efficacement les lois constitutionnelles en faveur des libertés et des droits des algériens comme des migrants. Le rapport montre clairement que contourner la Constitution ou la légalité internationale, à force de nouvelles dispositions liberticides du code pénal ou autres décrets de lois est la règle en Algérie, notamment pour continuer à profiter des accords internationaux et aides internationales notamment du PAM, du HCR, de l'UNICEF, et autres ONG partenaires.
Cependant le point noir que constitue le refus d'accès au rapporteurs de l'ONU depuis les années 90 pour des raisons présentées dans le rapport du Département d'Etat, comme fallacieuses d'agenda ou de conditions financières non réunies, contribuent à montrer un régime opaque en plus d'autoritaire et entame sérieusement la confiance dans les déclarations oficielles des responsables algériens et rapports nationaux sur la situation interne, toujours contredits par les faits.
C'est dire combien le monologue de Tebboune le 30 mars dernier devant Anthony Blinken était bête et inutile, en plus d'être fastidieux et indigeste, car le chef du département d'Etat américain était très bien armé de vérités sur l'Algérie, et immunisé contre le mensonge d'Etat de l'appareil dirigeant d'Alger.


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