Constats... 64%du personnel de la santé fait état d'une insatisfaction globale, selon une étude récente élaborée par le ministère de la santé. La situation chez les jeunes est encore plus alarmante puisque 82% des jeunes médecins recrues sont encore plus démotivés que les anciens. D'autres chiffres éloquents : entre 10.000 et 14.000 médecins qui ont fait leurs études au Maroc travaillent à l'étranger et nombreux sont ceux qui partent dès la fin de leur formation, comme le note un rapport du conseil national des droits humains. Selon l'économiste de la santé Jaafar Heikel, 700 médecins marocains partent à l'étranger chaque année. Sur la base des attestations de bonne conduite octroyées aux médecins marocains qui désirent migrer en Allemagne, le président du conseil national de l'ordre des médecins, Mohammadin Boubekri, estime que 231 jeunes médecins ont quitté le Royaume en 2019, 137 en 2020, 256 en 2021 et jusqu'au mois de juillet de l'année en cours, le nombre atteint 295. « Un véritable exode », commente le professionnel. Les raisons d'un exode massif Boubekri estime qu'il y a absence d'incitation à la performance pointant du doigt d'abord un problème au niveau de la juridiction. «C'est l'un des facteurs les plus sérieux qui poussent les jeunes médecins à partir », insiste t-il. Il met l'accent ainsi sur l'absence de postes de résidanat selon les spécialités voulues qui constitue un obstacle majeur. Ensuite, l'octroi de bourses par les pays développés et les postes de spécialités désirées encouragent à franchir le pas de l'immigration. Autres hics majeurs relevés : « La non autorisation des médecins du secteur public à passer le concours de résidanat et le fameux circulaire de 2016 article 32 bis qui exige à tout médecin spécialiste qui veut démissionner même à la huitième année, de payer tout le montant de la formation équivalent à 1,2 MDH », ajoute le président du conseil national de l'ordre des médecins qui note que cela explique la non volonté de jeunes médecins de signer un contrat ou de s'engager avec le secteur public au Maroc. La véritable problématique réside cependant dans les salaires octroyés aux médecins. D'après Heikel, un médecin généraliste perçoit 28DH par heure , 290 DH par jour, et 8000 DH par mois pour un bac+8. Un spécialiste lui touche l'équivalent de 13.000 DH après 15 ans d'études. En Allemagne, Boubekri confie les médecins marocains qui choisissent cette destination, perçoivent 3.000 euros pendant une année. Ils passent ensuite un examen pour pouvoir exercer et finissent par avoir 5.000 euros comme salaire. Concernant la mobilité, Boubekri souligne qu'elle est régie par la loi qui interdit à tout médecin d'exercer dans deux régions, seulement en cas de pénurie constatée au niveau d'une spécialité, contrairement à d'autres pays où le médecin peut exercer dans différentes régions sur le même territoire. Vu le manque flagrant de ressources humaines, et la fuite des cerveaux, des médecins étrangers ont été autorisés à exercer au Maroc. Ils sont en nombre de 57, mais installés dans les grandes villes «ce qui est contraire à la politique voulue par l'Etat pour ce genre de médecins qui devaient exercer plutôt dans les zones où il y a manque de médecins », conclut Boubekri qui appelle au renforcement de l'hôpital public pour arrêter la migration des médecins et améliorer l'efficacité globale du système par une gouvernance de santé efficace.