Du jamais vu. Le prix du diesel a non seulement battu tous les records en atteignant plus de 14,30 Dhs le litre, mais il dépasse pour la première fois celui de l'essence. Une situation inédite qui a suscité l'ire des consommateurs sur les réseaux sociaux. Comment est-ce possible? Plusieurs facteurs entrent jeu pour expliquer ce phénomène, notamment le système de l'offre et de la demande. D'après l'expert en carburants, et DG d' Energysuim Consulting, Mostafa Labrak, la consommation du gasoil représente environ 90% du total de la consommation mondiale des carburants suite à son utilisation massive dans les moyens de transport, la marine, le BTP , l'agriculture, l'industrie etc. ainsi «la reprise économique post covid a boosté la demande sur ce produit tandis que la guerre russo-ukrainienne a perturbé les chemins de son approvisionnement, le rendant plus rare. Résultat: l'offre est moins abondante et cela se traduit par un prix excessif » détaille l'expert ajoutant que si le super qui représente moins de 10% de la consommation devient subitement moins cher, c'est que la demande est beaucoup plus forte sur le gasoil. Le super devient ainsi moins convoité, bien qu'au Maroc la TIC sur ce carburant demeure plus importante avec 1,3 Dhs/litre par rapport au gasoil ». Sur l'envolée phénoménale des prix, Labrak note que les pays de l'OPEP n'ont pas voulu augmenter leurs productions de brut pour tirer profit de la situation actuelle, d'autant plus qu'ils ont souffert pendant la pandémie et vendaient même à perte faute de demande. les experts prévoient une augmentation encore plus importante des prix à la pompe dans les jours à venir De son côté, l'économiste Rachid Sari qui déplore le silence injustifié du gouvernement autour de ce sujet, relève que si le gasoil devient plus cher c'est en raison d'un coût de traitement élevé. En effet, pour extraire le gasoil du pétrole brut, il faut le chauffer à près de 250 degrés alors que le sans-plomb se contente d'une température de 70 degrés. Donc, un chauffage plus élevé implique des coûts plus importants. Aussi, pour que le diesel soit utilisable, il nécessite l'ajout de certains additifs et cela a un prix. Selon les experts, le gasoil a toujours coûté plus cher lors de sa phase de fabrication. La flambée historique du prix du diesel n'est pas sans conséquences sur le consommateur mais aussi sur l'économie en général. Sari explique qu'une large partie des activités commerciales, individuelles ou industrielles dépendent du diesel. «Cette inversion des tarifs risque de coûter cher à toute l'économie. Elle pourrait aussi provoquer une forte hausse du taux d'inflation qui devrait dépasser les 5% » alerte-t-il. Mais en général, la hausse des prix à la pompe, pose aujourd'hui un sérieux problème pour le secteur privé, les TPME en particulier. «Cette hausse va non seulement affecter le pouvoir d'achat des ménages mais aura également des répercussions sur les entreprises notamment celles liées à l'Etat par des contrats non révisables dans le cadre de marchés publics, comme c'est le cas pour le BTP », précise Sari. A qui profite la situation ? Au Maroc, trois éléments composent le tarif du carburant aujourd'hui : le prix du pétrole, les taxes et la marge des distributeurs. Pour Sari, l'Etat est en partie responsable de la situation actuelle. « Les taxes représentent plus de la moitié du prix facturé au consommateur final. Et quand le prix du baril dépasse les 60 dollars, les taxes augmentent », souligne l'économiste. Labrak souligne quant à lui que « le prix à l'international du gasoil par exemple pour la dernière quinzaine du mois de Mars est estimé à 10Dhs le litre. « Donc si on y ajoute les frais de transport, les frais d'approche (0.30 centimes/ L), la TIC fixée à 2.42 Dhs/L et la TVA de 10 %, le prix sera de 14 DhsTTC sans compter les marges des distributeurs et celle des détaillants (stations service) ». Selon lui, « aujourd'hui, les distributeurs couvrent à peine leurs frais de revient et il y a une semaine ils perdaient jusqu'à 2 dirhams par litre ». Quid des marges ? «Les réclamations demandant aux pétroliers de réduire leurs marges ne sont pas fondées au vu des prix à l'international et du fait que le Maroc importe 100% de ses besoins en carburants et subit donc les perturbations des prix de plein fouet » rétorque l'expert. "Les distributeurs couvrent à peine leurs frais de revient", explique l'expert en carburants, Mostafa Labrak. Sur la problématique de stockage, Sari regrette que les réserves de sécurité ne soient pas respectées. «La moyenne de stockage devrait être fixée à 3 mois alors qu'en réalité elle ne dépasse guère les 2 mois » dit-il estimant que la fermeture de la SAMIR est une erreur fatale. Néanmoins, Labrak voit les choses autrement. D'après lui, les importations nécessitent en général une durée allant de 1 mois à 45 jours, de la commande à la livraison aux dépôts de stockages des opérateurs nationaux. Et les stocks stratégiques devraient être de 60 jours. Or, un déficit en matière de capacités de stockage équivaut à au moins un million de m3 pour répondre aux exigences du stock de sécurité, précise-t-il. « Cela nécessite au moins 4 milliards de dirhams (MMD) d'investissements de la part des pétroliers en plus de 14 MMDhs de produits à stocker. Les opérateurs refusent de s'engager dans ce sens arguant que le stock stratégique est du ressort de l'Etat ». Pour la période à venir, les experts prévoient encore une augmentation plus importante des prix à la pompe. « Certes il y a un effet de coût pondéré par le biais de mélange des importations mais les quantités stockées se trouvent ces derniers jours très en dessous de la moyenne d'avant la crise (moins de 30 jours de vente)» prévient Labrak