Le conflit arrive à un mauvais moment pour le continent : les factures de services domestiques du ménage moyen de l'UE ont augmenté de 54 % depuis 2021 et les stocks de gaz sont à peu près à moitié vides, bien en dessous de la moyenne sur 5 ans. Alors que la baisse de l'offre Russe est en partie responsable de la situation (l'AIE estime que l'approvisionnement de l'UE par la Russie pourrait être supérieur d'un tiers à ce qu'il est actuellement), la crise de l'énergie en Europe est davantage le résultat de la dynamique du marché mondial que de la géopolitique. Une flambée de la demande mondiale de gaz naturel en 2021 (+4,6 %), combinée à des ruptures d'approvisionnement, a notamment fait grimper les prix dans le monde entier. Les prix en Asie et dans l'UE ont plus que quadruplé en 2021 (par rapport à 2020), atteignant leur plus haut niveau en deux décennies. Les prix aux Etats-Unis ont également été touchés, mais dans une moindre mesure : les prix mensuels du Henry Hub s'élèvent actuellement à 4,38 $/MBtu, soit le double des niveaux de 2020, mais toujours en dessous du pic de 2005 de 13,42 $/MBtub (million British thermal unit) À court terme, le temps doux et l'augmentation des importations de GNL aident l'UE à faire face à la baisse de l'approvisionnement en gaz de la Russie. Des efforts diplomatiques sont également en cours pour aider l'UE à couvrir une éventuelle rupture d'approvisionnement en Ukraine, par laquelle transite près d'un tiers de l'approvisionnement en gaz de la Russie vers l'Europe. À plus long terme, un moyen efficace de réduire la volatilité des prix de l'énergie consistera à accroître l'efficacité énergétique et à réduire la dépendance aux combustibles fossiles. Selon la dernière analyse de l'AIE, par exemple, un mix énergétique compatible avec l'accord de Paris laisserait les consommateurs 40 % moins exposés aux chocs sur les prix des énergies fossiles. Atteindre cet état final nécessitera du travail et des investissements, mais l'UE a obtenu de bons résultats à cet égard. En tant que groupe, les pays de l'UE ont investi collectivement 219 milliards de dollars dans la transition vers une énergie propre l'année dernière, faisant de l'UE la deuxième meilleure performance après la Chine (266 milliards de dollars) et devant les Etats-Unis (114 milliards de dollars). Et en 2020, les énergies renouvelables ont pour la première fois dépassé les combustibles fossiles en tant que principale source d'énergie de l'UE. Malheureusement, la hausse des prix du gaz naturel a également entraîné un passage du gaz au charbon dans la production d'électricité. En conséquence, alors que le déploiement des énergies renouvelables dans l'UE a principalement remplacé la production de charbon entre 2011 et 2019, la moitié des nouveaux ajouts d'énergies renouvelables depuis 2019 ont remplacé le gaz, selon le cabinet de recherche Ember. En effet, l'écart de prix actuel entre le gaz et le charbon est si important que même les niveaux record du prix du carbone de l'UE (il a dépassé la barre des 100 $/tCO2e cette semaine) n'ont pas été en mesure de décourager le passage du gaz au charbon (ce qui exigerait un prix de 226 $/tCo2e). Tout cela réduira la vitesse à laquelle le secteur de l'électricité de l'UE peut se décarboner à court terme. Certains pays dépendants du charbon voient dans la décision récente – mais controversée – de la Commission européenne d'inclure certains projets gaziers dans la taxonomie européenne des activités durables comme un moyen d'aider à inverser cette tendance. Pourtant, malgré certaines clauses de protection, l'inclusion proposée pourrait finir par bloquer le capital dans des actifs fossiles au lieu de le diriger vers les énergies renouvelables, qui sont déjà la forme de production d'électricité la moins chère. Les marchés du gaz sont peut-être en crise, mais le climat aussi.