Amina benkhadra : DG de l'Office National des Hydrocarbures et des Mines (onhym) Mise en œuvre par le Maroc en 2009, la stratégie énergétique s'assigne des objectifs ambitieux. Benkhadra fait le point sur cette stratégie ainsi que sur l'approvisionnement en diverses formes d'énergie tout en respectant l'environnement. Le Maroc est de plus en plus orienté vers les énergies renouvelables. À ce titre, quelle est la place de la prospection pétrolière et comment peut-on allier les énergies renouvelables et les énergies fossiles ? Il convient tout d'abord de rappeler que les orientations stratégiques adoptées dans le cadre de la stratégie énergétique mise en œuvre par le Maroc en 2009, s'assignent plusieurs objectifs dont la mise en place d'un bouquet énergétique diversifié et optimisé, notamment pour la production électrique, autour de choix technologiques propres, fiables et compétitifs. Il s'agit aussi du développement à grande échelle des ressources nationales considérables en énergies renouvelables, en particulier le solaire et l'éolien, la promotion de l'efficacité énergétique, la mobilisation des ressources nationales fossiles par l'intensification de l'exploration pétrolière, l'intégration dans le système énergétique régional africain et euro-méditerranéen pour renforcer la sécurité énergétique et les transferts de technologies ainsi que l'application en amont des dispositifs de préservation de l'environnement dans toutes les activités énergétiques. Cette stratégie est basée sur la réalisation d'un mix énergétique ouvert, incluant toutes les sources d'énergie : charbon, gaz, énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique). Le choix des énergies renouvelables est un choix stratégique pour développer les ressources nationales abondantes et contribuer au développement durable. En effet, le Maroc dispose d'atouts considérables pour réaliser cette transition et notamment à travers la réalisation des Plans Solaire et Eolien et hydraulique, lancés par Sa Majesté le Roi Que Dieu l'Assiste, représentant près de 12 845 MW en 2030, soit 52% de la puissance électrique totale. Le mix électrique nécessite la combinaison des énergies renouvelables et des énergies fossiles, notamment le gaz, afin de faire face à l'intermittence des énergies renouvelables et en attendant le développement à plus large échelle du stockage de l'énergie. C'est à ce titre que le Maroc se dote d'un plan gazier national avec la mise en œuvre du GNL (gaz naturel liquéfié) avec un programme de centrales à cycle combiné alimenté au gaz naturel cumulant une capacité de 4800MW entre 2020 et 2030. Il poursuit également l'intensification de l'exploration des hydrocarbures sur l'onshore et l'offshore. Serait-il possible de se passer un jour des énergies fossiles ? Selon les prévisions de l'AIE, dans les années à venir l'augmentation de la population mondiale et l'accroissement du revenu moyen par habitant devraient entraîner une hausse de la demande en énergie primaire de plus de 50 %. Le mix énergétique connaitra quelques changements. Les énergies renouvelables se développent rapidement (quadruplement en 2035) et représenteront le tiers de la croissance de la production d'électricité. La part des combustibles fossiles dans le mix énergétique mondial baissera de 81% actuellement à 77% en 2035. Le gaz connaitra une croissance rapide, soutenu par une forte offre (shales gas et LNG des Etats-Unis) et le renforcement des politiques environnementales. Le charbon (26 % en 2035 contre 29 % en 2013) et le pétrole (28% en 2035 contre 31% en 2013) verront leur part baisser dans le mix énergétique. Toutefois, même si les énergies renouvelables devraient croître plus rapidement que les combustibles fossiles, ces derniers représenteront encore plus des trois quarts de la consommation mondiale d'énergie. Il faudrait poursuivre les efforts de Recherche et Développement et mettre en œuvre de manière volontaire et déterminée les actions en faveur du climat afin d'enclencher au-delàs de 2035 une baisse des énergies fossiles dans le mix énergétique (accumulation de la croissance des ER, développement du stockage de l'énergie, élargissement de l'utilisation des véhicules électriques..). Vous plaidez pour une transition vers une économie sobre en carbone. Quelles sont les réformes à mettre en œuvre sur le marché de manière à réglementer et contrôler les émissions de carbone ? La réduction des émissions de CO2 est une nécessité absolue pour respecter l'objectif des 2°C. L'efficacité énergétique est le meilleur levier pour réduire les émissions de CO2, mais ne sera pas suffisante pour réduire les émissions de carbone au niveau mondial. Plusieurs mesures peuvent être mises en place, notamment l'augmentation des investissements dans les énergies renouvelables à 400 milliards $ en 2035, le renforcement des mesures d'efficacité énergétique dans l'industrie, les bâtiments et les transports, la réduction progressive de l'utilisation des centrales au charbon les moins efficientes, la suppression progressive des subventions à la consommation de combustibles fossiles ainsi que le renforcement des technologies de capture et de stockage de CO2 pour la décarbonisation, notamment pour le secteur de l'industrie. Il s'agit aussi du développement des technologies dans le secteur des transports (qui représente 20% des émissions de CO2), notamment par l'utilisation des véhicules électriques et des biocarburants et de la décarbonisation de la production de base grâce à des technologies de substitution peu émettrices en CO2 (hydraulique, géothermique, biomasse, nucléaire, éolien, solaire par concentration avec possibilité de stockage et exploitation du gaz et du charbon couplée à des systèmes de captage et de stockage de CO2, toujours en phase de maturation). La mise en œuvre complète des engagements climatiques suppose un investissement de 13,5 milliards de dollars dans l'efficacité énergétique et les technologies à faible intensité carbonique à l'horizon 2035 représentant près de 40% de l'investissement total du secteur de l'énergie. Environ 8 milliards sont nécessaires pour améliorer l'EE dans le transport, la construction et l'industrie. Vous étiez ministre de l'Energie, des mines, de l'eau et de l'environnement quand le Maroc a lancé sa stratégie énergétique. Comment un pays comme le Maroc peut-il sécuriser l'approvisionnement en diverses formes d'énergie tout en respectant l'environnement ? Comme expliqué précédemment, le Maroc a mis en place une stratégie avec une montée en puissance des énergies renouvelables et le développement de l'efficacité énergétique ; ces deux composantes constituent un gage de développement durable. Pour concilier une industrie performante et le respect de l'environnement, il ne s'agit pas de consommer moins mais de consommer mieux. Il convient de rappeler que l'engagement du Maroc en faveur du développement durable est un engagement de longue date qui traduit l'intérêt suprême que Sa Majesté le roi Mohammed VI, que Dieu l'Assiste, accorde au développement durable et à la préservation de l'environnement et qu'IL a exprimé avec force et détermination au Sommet de la terre de Rio en 1992, à Rio+5 à New York en 1997 et au Sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg en 2002 et tout dernièrement à la COP21 à Paris lorsque Sa Majesté a annoncé les nouveaux objectifs du Maroc en terme de développement des énergies renouvelables à l'horizon 2030 représentant 52% de la capacité installée. Depuis le Sommet de la terre de 1992, le Maroc a pris part de façon active et régulière aux efforts internationaux visant la protection du climat planétaire. Confirmant son attachement à ses engagements, le Maroc a ratifié les Conventions des Nations Unies relatives aux Changements Climatiques, à la Diversité Biologique et à la lutte contre la désertification. Par ailleurs, il convient de rappeler qu'en 2009, à la COP15 à Copenhague, le Maroc avait présenté son plan d'adaptation et d'atténuation et qu'aujourd'hui le Maroc a été parmi les 1ers pays à déposer sa contribution nationale à la COP21 avec des engagements clairs, salués par la communauté internationale. En présidant la COP22, le Maroc en tant que pays africain, méditerranéen et arabe montre sa détermination et son engagement à faire avancer les négociations et les solutions qui devraient suivre. En effet, les exigences d'un accord universel sont telles que les efforts demandés à tous ne s'arrêtent pas à la seule conclusion de l'accord de Paris, que nous souhaitons. Il faut poursuivre les efforts engagés pour accompagner une grande partie des pays du Sud, et particulièrement les pays africains et les pays insulaires. D'ores et déjà, l'on sait que la COP 22 se penchera sur les questions de financement, d'innovation, et de transfert de technologie, sans quoi, il n'y aura pas d'avancée dans cette problématique planétaire. Ce sont là les priorités que le Maroc défendra pour la COP22 et l'ONHYM s'inscrit dans ce processus. L'ONHYM en tant qu'opérateur dans les hydrocarbures, promeut l'utilisation du gaz naturel qui est une énergie propre et essentielle pour l'équilibre du mix énergétique avec des énergies renouvelables.