Du henné sur la main d'un côté, un cortège de camions sillonnant les villes pour dénicher la star (ou les stars ! ne cherchez pas à savoir ) d'un autre. Un air de déjà vu agresse cruellement l'esprit et anesthésie les sens. Lalla Laâroussa se fête comme il se doit et ne lésine pas sur les moyens pour vous mettre pleins les yeux. Studio 2M promet monts et merveilles comme chaque année et convertit la dame d'Aïn Sebâa en croisière pour stars. L'hiver agonise et l'été célèbre son entrée en grande pompe. On n'a qu'à allumer nos écrans de télévision pour le deviner. Les publicités fusent et la chaleur de la saison se sent. L'histoire de la belle au bois dormant ressemble à celle de nos deux chaînes nationales. La différence est que la première attend son prince charmant pour la réveiller après un long sommeil, alors que la deuxième se réveille à chaque début d'été et s'endort à sa fin. Mais ce qui rassemble ces deux genres d'émission c'est cette envie de s'approcher du grand public et lui offrir le plus d'intimité possible. «L'idée de la téléréalité nous est venue de l'étranger. C'est un concept qui gagne du terrain et qui devait trouver sa place chez nous. On a donc essayé de suivre le courant et mettre toutes les chances de notre côté pour trouver quelques idées que la société marocaine accueillerait bien. On s'est mis dans la tête, avant de s'engager, que le principe est de respecter les coutumes marocaines et ne pas trop forcer sur la modernité afin que le programme ait sa part de succès et attire tous les publics. Plusieurs émissions ont été créées et ont enregistré des audiences de folie malgré la concurrence de partout», lance Yassine Zizi, producteur d'émissions de téléréalité. Ce n'est un secret pour personne : mettre en scène les détails croustillants du quotidien fait vendre, et ce ne sont pas les très bonnes audiences que ces émissions enregistrent qui prouveront le contraire. La téléréalité à la marocaine a pu se frayer un chemin chez nous et a adopté l'art et la manière d'attirer le plus de monde. Malgré les critiques qu'elle a essuyées depuis le début, elle continue son bonhomme de chemin et donne naissance à d'autres émissions avec des scènes et détails de vie encore plus croustillants. Casting Star, Studio 2M, Lalla Laâroussa, Comédia ou encore Al Kadam Addahabi ont rencontré le succès escompté et ont misé sur la corde sensible du téléspectateur : la darija, les traditions, l'amour, le discours léger, les réactions spontanées (qui ne tiennent parfois pas la route vu l'impression du déjà programmé). Des ingrédients à mélanger, et le tour est joué. La téléréalité : Maroc VS l'étranger Une Loana qui s'éclate à la piscine avec Jean-Edouard ? Vous pouvez en rêver ! La téléréalité au Maroc s'imprègne de l'idéologie traditionnelle, célèbre «arrda» des mamans, montre l'importance de la famille et joue à l'ascenseur des sentiments devant des millions de téléspectateurs. Il n'y aura jamais de «Griguer» le millionnaire où les filles feront tout pour qu'elles empochent le bogosse et sa fortune virtuelle, jamais de Loft Story où les candidats sont enfermés comme des rats et où tout est permis (les islamistes s'en arracheraient les cheveux !), jamais de Secret Story où la température monte de plusieurs crans au fil du jeu La téléréalité, c'est cela ! Il faut donc reconnaître que, chez nous, l'imitation de l'étranger ne peut se faire parfaitement. Pays islamique oblige. Pourtant, notre téléréalité à nous offre une mariée folle de joie sur «l'aâmaria», un ex-futur-chanteur qui fait du shopping pour sa prochaine soirée et se lamente sur son sort parce qu'il ne sait pas quelle tenue choisir, un couple où le mari prépare un tajine de courgettes tandis que sa dulcinée change le pneu de la voiture, une jeune immigrée marocaine dont les pieds n'ont jamais foulé le sol du pays qui apprend à parler arabe et qui hurle de bonheur quand elle arrive à sortir quelques sons, des clichés idéalistes à tout va comme celui de la belle-mère qui préfère sa bru à son propre fils (ça saute aux yeux!), un jury qui veut faire gagner tous les candidats et dont les larmes inonderaient tout le plateau, un participant (ou tous ) qui découvre son talent de chanteur sous la douche et qui compte rafler tous les prix mais qui apparemment ne se plaît qu'à lui-même Tellement d'histoires qui émanent de l'idée de faire de la pseudo-téléréalité au Maroc un business implacable, même si les conditions et les circonstances n'ont rien à voir avec la vraie conception du programme. Des fortunes sont amassées au cours de l'année afin d'assurer l'été et «éclater» le public le temps de quelques heures avant le retour à la réalité. «C'est clair, la téléréalité vend au Maroc. Mais, personnellement, si je ne prends pas mon plaisir de la partie et si ce que je fais n'est pas à la hauteur de mes espérances, je serai le premier à quitter le navire», ajoute Zizi Les candidats : stars d'un jour ? La star-attitude, le Maroc ne connaît pas. La grosse tête, si. Si les candidats, vivant jusque-là sous le sceau de l'anonymat, se plaisent sous les feux des projecteurs et lancent des sourires ici et là, le retour à la réalité s'annonce rude. Qui n'aimerait pas être star un jour ? Les candidats s'essayent bien au jeu et croient souvent que c'est éternel. Pourtant, une fois les lumières éteintes, les caméras cachées, les visages démaquillés et les résultats affichés, le rêve prend fin et abolit les artifices. L'anonymat les rattrape et les remet à la case départ comme si de rien n'était. Les bribes de cette notoriété passagère apparaissent parfois quand on les appelle afin de donner conseil aux nouveaux, fiers comme des paons. Mais cela s'arrête là L'année 2008-2009 n'a pas été une réussite pour les émissions de téléréalité en France. La Star Académie qui a bercé l'adolescence de plusieurs d'entre nous s'éteint après des années de succès sans conteste et des audiences à faire pâlir plus d'un. La Nouvelle Star n'assure pas non plus et le public ne décroche plus. Le concept est-il usé ou le déjà vu tue-t-il ? On attend alors le tour de nos émissions pour voir si le succès a déserté notre programmation aussi, ou encore si une bonne partie du public va zapper ailleurs. «La société évolue et a le monde au bout des doigts. Nos deux chaînes ont été interpellées afin de civiliser le public. Pourtant, tous les programmes qu'elles présentent ne font pas l'affaire et ne contribuent pas à cette évolution. Il faudrait d'abord une étude sociologique et des sondages afin de faire intervenir la cible et réussir le défi. Malheureusement, ce n'est pas en continuant dans ce sens que la société avancera. Le public boycotte nos chaînes locales et se rabat sur les chaînes étrangères. La mise ne va pas changer de sitôt si on continue ainsi, croyez-moi !», remarque Mohamed Belmir, sociologue. L'été est aux portes, la chaleur aussi. Et les audiences, qu'en est-il ?