Quand un pays bascule dans la guerre civile et qu'il s'y enfonce, les bons esprits expliquent que la solution est politique, pas militaire. Cela veut simplement dire que l'impasse est totale. Que les appels au secours lancés par les civils sont répercutés par les médias et bousculent l'indifférence d'airain des instances internationales, sans que personne n'ait de solution, ni les moyens de l'imposer. C'est le cas en Syrie. Personne ne croit que les négociations en Suisse si elles ont lieu fin janvier aboutiront à un nouveau partage du pouvoir mais tout le monde a compris que le régime alaouite a résisté à l'insurrection. Ceux qui misaient sur son effondrement (dans le Golfe, à Paris, etc.) ont perdu leur pari. Les suppôts de Ben Laden ayant rallié la faction la plus combattante de la guérilla et le nouveau Front Islamique ayant pris le contrôle du reste de la troupe, (en refusant tout dialogue avec les USA qui ont du coup suspendu leur livraison de matériel...), Bachar el Assad devrait garder sa place. Il va falloir s'y résigner et en convaincre le Conseil national syrien. Les diplomates qui ont l'habitude de manger leur chapeau sauront montrer l'exemple à leurs interlocuteurs de l'opposition en exil avec lesquels ils font depuis trois ans la révolution dans les hôtels 5 étoiles. En Centrafrique, c'est le contraire. La solution semble militaire, pas politique. Deux semaines après le début de l'opération Sangaris lancée par la France, les résultats sont fragiles. Les habitants restent terrorisés. Les Chrétiens subissent depuis le printemps la cruauté des miliciens Seleka, venus du Darfour ou du Tchad et qui se sont conduis à Bangui comme s'ils y menaient une razzia, avec l'assurance de l'impunité. Les Musulmans redoutent désormais d'être la cible des miliciens anti-Balaka qui ont lancé des vendettas meurtrières dans les quartiers qu'ils accusent d'avoir collaboré avec l'occupant. D'où la fuite éperdue vers l'aéroport où s'entassent dans des conditions sanitaires déplorables 200.000 déplacés. La catastrophe humanitaire menace. Le déploiement des paras français et des troupes africaines de la Misca n'a pas enrayé la panique. Mais les lynchages et les raids de représailles sont moins nombreux. Le désarmement des miliciens se fait à pas comptés. On en compte de 3 à 8.000 dans la capitale. Les gros bataillons de la Seleka gardent leur arsenal dans les casernes où ils sont cantonnés. Pour l'instant. C'est un résultat fragile, une situation volatile. Les soldats ne sont pas à leur place quand ils luttent contre le chaos, sans ennemis identifiés à combattre, ni alliés sur qui s'appuyer. Les troupes de choc savent qu'une baïonnette sert à tout, sauf à s'asseoir dessus. De même, un parachutiste peut faire le gendarme, le pompier ou le Samu social. Mais l'expérience (Libye, Afghanistan, Irak depuis le début du siècle) prouve qu'il est illusoire d'attendre de lui qu'il relève un Etat failli. A Bangui comme au Mali, François Hollande mise sur des élections générales pour sortir de la crise. Il l'a redit solennellement devant le cercueil de deux jeunes Marsouins du 8e régiment d'Infanterie de Marine, premiers morts de cette intervention en Centrafrique. Comme si l'organisation d'un scrutin par essence démocratique suffisait à justifier l'intervention de l'armée française à l'étranger, comme au temps de la Révolution. Le Président français l'a répété parce qu'il peine à convaincre son opinion publique et ses partenaires européens de la justesse de la cause. (« Pourquoi la France, toujours ? Parce que nous sommes la France justement ! », tautologie héroïque dont on hésite à dire si elle relève du bêtisier gaulliste, du comique troupier ou du théâtre de l'absurde. Du pur Flamby ?). En limogeant trois ministres alors qu'il n'avait aucune autorité pour le faire, le président putschiste Michel Djotodia a montré dans quel respect il tient les accords de transition laborieusement négociés à Libreville. Les ministres en question n'avaient pas grand-chose à administrer. Ils faisaient vivre l'espoir d'un Etat, que la Centrafrique ressuscite, que ses élites s'entendent pour relever le pays. A l'évidence, les Centrafricains comptent davantage sur les mosquées et les églises où ils vont chercher une protection que sur les politiques. Ne le dites pas à l'Elysée mais ce sont ces instances religieuses qu'il faudra mobiliser demain, davantage qu'un bulletin dans l'urne. Encore faut-il que les troupes règlent leurs comptes aux miliciens, en les faisant rentrer dans le rang ou dans leur pays