La semaine dernière a connu la signature, devant le souverain, à Fès, d'un contrat programme de développement de l'industrie au Maroc. Il s'agit en somme de la seconde phase d'application et d'accompagnement du Plan Emergence, initié en 2004 par l'actuel argentier du royaume, Salaheddine Mezouar en l'occurrence, à l'époque ministre de l'Industrie et du commerce. Ceci à des exceptions près. Si le contrat programme vise à développer toutes les activités industrielles, y compris les activités dites d'offshoring, il ne concerne par ailleurs ni les industries liées aux produits de la mer ni la chimie-parachimie. La signature de ce contrat programme a eu lieu la semaine dernière à Fès devant le souverain, au même titre que cinq conventions liées à sa mise en application. S'agit-il d'une réponse gouvernementale à la crise qui secoue de plus en plus de secteurs industriels? Oui, mais pas seulement. «C'est une réponse à long terme à la crise économique», explique Ahmed Reda Chami, ministre de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, dont le département a piloté la mise en place de cette nouvelle stratégie industrielle. Cette dernière se base sur trois idées fondamentales. La première repose sur une «nécessaire focalisation des efforts de relance industrielle sur les filières pour lesquelles le Maroc possède des avantages compétitifs clairs et exploitables, à travers des programmes de développement dédiés». La seconde idée vise à traiter l'ensemble du tissu des entreprises, sans exclusive, à travers quatre «chantiers transversaux» majeurs que sont le renforcement de la compétitivité des PME, l'amélioration du climat des affaires, la formation des ressources humaines adéquates et le développement de parcs industriels de nouvelle génération, dits «plates-formes industrielles intégrées». La troisième idée est d'essence institutionnelle puisque ce pacte national a regroupé pas moins de neuf départements ministériels concernés par son application. Objectif : compétitivité Le contrat programme va nécessiter des fonds de l'ordre de 12,4 milliards de DH, dont 34 % dédiés à la formation et aux ressources humaines et 24% à l'incitation à l'investissement. Ses objectifs à la fin de l'année 2015, échéance de son application, sont de renforcer clairement le PIB national tout en employant le maximum de Marocains. Ainsi, le produit intérieur brut du Maroc gagnera 50 milliards de DH chaque année. Le gouvernement table aussi sur la génération d'un volume supplémentaire d'exportations de 95 milliards de DH, en plus de 50 milliards d'investissements privés. Pour ce qui est de l'emploi, ce ne sont pas moins de 220.000 postes qui vont être créés d'ici-là. Six secteurs sont clairement identifiés dans le cadre de ce programme. Il s'agit de l'offshoring, de l'automobile, de l'aéronautique, de l'électronique, de l'industrie du textile et cuir et de l'agroalimentaire. Le premier secteur, celui de l'offshoring, est le «plus avancé en termes d'implémentation de la stratégie Emergence. Le plan d'action défini en 2006 a été en grande partie mis en place. Les zones dédiées, les incitations sectorielles ainsi que le plan de formation, malgré les retards de lancement initiaux, sont aujourd'hui opérationnels», souligne une source au sein du ministère de l'Industrie. En outre, et selon la même source, ce secteur a connu «un succès très important sur le terrain». En une année, plus de 50 entreprises ont manifesté leur intérêt de s'implanter dans les zones de Casanearshore et Rabat Technopolis. A signaler que les deux premières tranches de Casanearshore sont aujourd'hui entièrement réservées. Enfin, le secteur a connu la création de plus de 20.000 emplois entre 2005 et 2008. Les perspectives de développement du secteur sont donc favorables au Maroc avec des potentiels reconfirmés autour de 100.000 emplois à 2015 et un chiffre d'affaires sectoriel prévisionnel de plus de 20 milliards de dirhams, soit une création d'environ 70.000 emplois et une croissance de 13 milliards de dirhams du PIB sur la période 2009-2015. PIB additionnel et emplois créés Pour ce qui est de l'automobile, la stratégie nationale repose sur trois volets: l'implantation d'équipementiers de rang 2 et 3 au Maroc, pays considéré à bas coûts, l'implantation de l'assemblage de spécialité (poids-lourds, bus, cars, carrosserie et autres spécialités de niche), et l'attraction d'un second constructeur majeur au Maroc à terme, pour concrétiser le potentiel du Maroc mis en évidence par l'installation du premier constructeur. Le premier constructeur, signalons-le, est Renault qui installe une usine à Tanger Med. Pour ces trois cibles d'investisseurs, l'Etat s'engage à mettre en place des offres spécifiques alliant abattements fiscaux et aides financières. Un intérêt particulier sera également accordé à la formation des cadres et techniciens. L'impact estimé de ces potentiels se chiffre à près de 12 milliards de DH de PIB additionnels et pourrait se traduire par la création d'environ 70.000 nouveaux emplois dans l'ensemble du secteur automobile à l'horizon 2015. Le troisième secteur concerné est l'aéronautique. A ce sujet, le Maroc a déjà fait du chemin. En témoignent les investissements cumulés depuis 2002 de l'ordre de 2,7 milliards de DH et le nombre de 60 entreprises existantes actuellement. Près de 70% ayant moins de 5 ans d'existence. Celles-ci ont réalisé, au titre de l'exercice 2008, un chiffre d'affaires de 6,6 milliards de dirhams, avec un effectif de plus de 7.000 emplois. Le potentiel estimé pour le développement de ce secteur au Maroc se chiffre à environ 4 milliards de DH de PIB additionnels, soit environ 15.000 nouveaux emplois directs à l'horizon 2015. Il en est de même pour les industries électroniques dont la stratégie actuelle sera renforcée par une offre Maroc plus compétitive. Dans ce secteur, le Maroc table sur près de 2,5 milliards de DH de PIB additionnels, ce qui correspond à la création d'environ 9.000 nouveaux emplois directs à l'horizon 2015. Pour l'industrie du textile et du cuir, l'impact du programme est double. Il s'agit d'une part de pérenniser avant tout et de stabiliser le tissu actuel estimé à 200.000 emplois et 9,6 milliards de DH de PIB, sur un marché international très concurrentiel. D'autre part, le plan vise à explorer le potentiel de croissance supplémentaire estimé à un milliard de DH de PIB et la création d'environ 32.000 nouveaux emplois directs à l'horizon 2015. Le dernier secteur enfin, l'agroalimentaire en l'occurrence, affiche comme ambition quelque 10 milliards de DH de PIB additionnels en plus de la création d'environ 24.000 nouveaux emplois directs à l'horizon 2015.