«Vaincre les bidonvilles» : une expression simple à prononcer mais difficile à réaliser. C'est le défi que s'est pourtant lancé Ahmed Taoufik Hejira depuis sa nomination en 2002 ministre de l'Habitat. Lors de sa dernière convention des cadres, tenue à la mi-janvier à Marrakech, le ministre istiqlalien était fier d'annoncer le nombre de villes marocaines (trente) qui se sont débarrassées de leurs bidonvilles, et ce sur une période de quatre années (2004-2008). La première ville à en profiter était Essaouira, en 2006. La même année, Fqih Ben Saleh, Bouznika et Fnideq lui emboîtent le pas. En 2007, la cadence ne va pas crescendo. Elles n'étaient pas très nombreuses ces villes qui se sont débarrassées de leurs foyers d'habitat insalubre : Khouribga, Beni Mellal, Azrou, Oued Zem et Sefrou. Cependant, le programme Villes sans bidonvilles (VSB) connaît sa véritable vitesse de croisière en 2008, une année exceptionnelle. Vingt et une villes se débarrassent de leurs quartiers informels en un an, portant le nombre de villes sans bidonvilles à trente. Parmi les plus importantes, on peut citer Laâyoune, El Jadida, Safi, Agadir et même Sidi Ifni. Bref, en quatre années de bons et loyaux services, le programme «VSB» a permis de démolir 43.447 baraques, bénéficiant au total à 217.235 ménages. Quid des plus grandes villes, Casablanca, Temara, Rabat et Marrakech notamment ? Les deux premières sont pourtant considérées comme étant les deux villes marocaines les plus «dotées» en bidonvilles. «Des efforts considérables sont fournies pour éradiquer ces habitats, que ce soit à Casablanca ou à Temara, mais vu l'ampleur du fléau, les résultats ont du mal à atteindre cet objectif», explique ce haut cadre du ministère de l'Habitat, de l'urbanisme et de l'aménagement de l'espace. La tâche est tellement difficile pour la métropole économique qu'une société d'Etat a été créée en 2006 pour superviser toutes les opérations de lutte contre les bidonvilles. «Idmaj Sakane», puisque c'est d'elle qu'il s'agit, a identifié 98.000 ménages habitant des bidonvilles casablancais. En deux ans, son action a permis de reloger plus de 23.000 d'entre eux, à travers des opérations menées par Al-Omrane et les promoteurs privés. Les opérations relatives à 24.000 ménages sont en cours de réalisation, comme l'a expliqué l'un de ses responsables à l'occasion de la tenue de son conseil d'administration cette semaine. Cette difficile éradication des baraques Mais pour d'autres villes, 2009 est une année décisive. Les douze prochains mois verront en effet des villes comme Marrakech, Fès, Meknès, Tanger, Tétouan, Oujda, Nador et Settat notamment se débarrasser de leurs quartiers informels, nous promet-on en tout cas au ministère de tutelle. Taoufik Hejira a en effet annoncé que 30 nouvelles villes seront à leur tour totalement dépourvues de bidonvilles au terme de 2009. Aussi ambitieuses soient-elles, ces promesses n'expliquent pas le retard pris par le projet. A cela, plusieurs raisons. La première est à lier au mode de fonctionnement du programme. En effet, «VSB» repose sur une convention signée dans chaque ville entre les autorités, les collectivités locales et le ministère de tutelle. Cette convention fixe les objectifs à atteindre ainsi que les délais à respecter. La participation locale est d'essence technique et logistique, surtout quand il s'agit des relations avec la population concernée. Il est également du devoir des collectivités locales d'assainir le foncier nécessaire et de le céder à l'établissement public d'habitat à des prix préférentiels. Des missions dont nos élus sont loin de s'acquitter, pour des raisons purement politiciennes. Il n'y a qu'à suivre les déboires judiciaires de plusieurs élus locaux de Lahraouiyine, dans la banlieue casablancaise, pour s'en convaincre. Les baraques sont en effet, et avant tout, un grand enjeu électoraliste parce qu'elles constituent un grand vivier de voix que les candidats, aussi bien aux législatives qu'aux municipales, s'arrachent. En outre, l'approche initialement adoptée par les pouvoirs publics a longtemps omis cette notion d'accompagnement social des populations, pourtant nécessaire à toute opération de relogement ou de recasement. Un manque dont le ministère s'est rendu compte. Pour le pallier, il a fait appel à l'expérience de nombreuses organisations internationales. Neuf d'entre elles travaillent effectivement sur le projet dans les différentes régions du Maroc. Il s'agit de la Banque mondiale, de l'Agence française de développement (AFD), de l'USAID, de l'ENDA, de l'Union européenne, de Cities Alliance, du PNUD, de ASKWA et de l'Agence japonaise de développement. Une coopération à de nombreuses reprises saluée par l'ONU-Habitat, organe des Nations Unies chargé de lutter contre l'habitat insalubre. Cependant, et comme Taoufik Hejira le répète à chacune de ses sorties médiatiques, le plus important est d'arrêter l'hémorragie de l'habitat insalubre en milieu urbain et rural. Il faut certes éradiquer mais aussi et surtout stopper la prolifération des baraques.