Réforme Quatorze ans après la tenue des premières assises nationales sur la fiscalité, il était temps de dépoussiérer la grande réforme fiscale du milieu des années quatre-vingts et repenser le système fiscal national. Lequel souffre, selon les opérateurs économiques, de diverses lacunes et imperfections. Comment aboutir à une fiscalité plus juste et à rendements beaucoup plus conséquents ? Tel est l'objectif que se sont assignés les deuxièmes assises nationales de la fiscalité. De hauts calibres ont tenu à être présents pour discuter d'un sujet tant attendu. « Nous sommes appelés à corriger les dysfonctionnements du régime fiscal, à penser, à scruter d'autres voies et à prévoir d'autres mécanismes devant permettre d'améliorer notre régime fiscale, notamment en ce qui concerne la consécration d'une culture du civisme fiscal et l'instauration d'une administration fiscal juste et équitable », souligne Nizar Baraka à l'ouverture de l'événement. Le ministre de l'Economie et des finances n'a pas manqué d'insister sur l'approche du gouvernement qui privilégie l'approche participative pour faire de ces assises un portail pour la réforme du régime fiscal. Faisant valoir les dispositions de la constitution, les concertations et la participation ont été élargies et ont touché tous les intervenants dans le système fiscal, entre représentants du gouvernement et de l'administration, opérateurs économiques et acteurs sociaux, représentants de différents organismes nationaux et internationaux et experts universitaires marocains et étrangers. Certes, les Assises ne sont pas un lieu de décision, mais les recommandations qui en sortiront permettront de dresser une feuille de route pour la conduite d'une future réforme. D'ailleurs, le rapport du Conseil économique et social (CES) sur le système fiscal a recensé la majeure partie des imperfections. Ce n'était pas tant le diagnostic qui manquait, mais surtout les mesures à prendre. Les larges concertations qui ont eu lieu aux Assises déboucheront sur les premiers éléments quant à l'orientation que prendrait la réforme que réclament avec insistance les milieux d'affaires.` Imperfections et lacunes Aujourd'hui, les impôts et taxes représentent 85% des ressources du budget ordinaire de l'Etat, alors qu'elles ne couvraient en 2001 que 69% des besoins. Or, si la fiscalité a été considérée pendant de longues décennies un simple système de collecte de ressources, elle est devenue au fil du temps un instrument au service de la politique économique. D'après la présidente de la CGEM Miriem Bensalah, le système fiscal national demeure inéquitable et entaché par plusieurs insuffisances. « Inéquitable parce que, osons le dire, ce sont toujours les mêmes qui paient : 80% de l'impôt sur les sociétés est généré par 2% des entreprises seulement et 73% de l'impôt sur le revenu provient des seules retenues sur les salaires et les deux tiers des sociétés déclarent un déficit chronique. Inéquitable aussi, parce que de larges pans de l'économie sont encore non appréhendés. Et je parle ici de l'économie informelle qui nourrit le fléau de la concurrence déloyale, plombe la compétitivité et crée un cannibalisme inter- entreprises, où ceux qui jouent le jeu paient le prix de leur transparence », analyse la patronne des patrons non sans insister sur les distorsions que présente le système fiscal en cours. Des distorsions que reconnait Idriss El Azami qui était catégorique : « Le système national ne permet pas d'assurer une équité fiscale et cela constitue une véritable menace sur la viabilité de ce système et peut créer un véritable danger en cas de difficulté pour certains contribuables ». Les Assises de la fiscalité ont été également l'occasion de relancer le débat autour de l'efficacité économique des impôts. Cela concerne notamment des dossiers lourds comme celui du secteur informel, la problématique de l'imposition du secteur agricole, ou encore l'impact de la TVA sur la trésorerie des entreprises. Le ministre délégué chargé du Budget a ainsi affirmé que l'accent sera mis aujourd'hui sur la détermination de la manière de « rétablir la confiance entre les contribuables et l'Administration, tout en fixant les mécanismes qui permettront de favoriser l'établissement d'une véritable justice fiscale ». Les avis des opérateurs économiques présents lors de l'événement convergent, avec un seul mot d'ordre : Il faut s'attaquer à certaines niches, notamment celles qui sont exonérées en vertu de la loi, comme le secteur agricole, ou encore celles que l'administration fiscale n'arrive pas à identifier. « Il est temps d'écrire une nouvelle page de la fiscalité. Et sur cette nouvelle page, on pourrait commencer par écrire trois mots : Visibilité, compétitivité et équité », insiste Miriem Bensalah qui préconise de s'attaquer à l'informel et à la dépense fiscale pour laquelle 3 secteurs seulement absorbent 70% des 36 milliards de DH annuellement concédés