L'économie est un champ réel qui ne peut se payer de mots. Pour l'avoir ignoré, le gouvernement en subit les conséquences. Les chiffres sont angoissants. Le décisif budgétaire atteint à fin mars 7.4%, les recettes fiscales sont en baisse suite à la mauvaise année 2012, les réserves en devises fondent, les crédits à l'économie baissent significativement et ce sont les PME qui en font les frais. Or, c'est le tissu des PME qui crée l'emploi. La majorité a explosé en vol. Le PJD continue à puiser dans le lexique animalier, maintenant une communication de parti d'opposition en campagne électorale, et laisse planer le doute sur sa compétence à gérer une crise économique, parce que cela exige des mesures et non pas des slogans du genre « nous sommes sérieux ». Des gens sérieux il y en a des millions, ils ne sont pas tous aptes à défendre une économie en déroute Le résultat logique, fatal, c'est l'implosion de la majorité. L'Istiqlal, second parti en poids électoral, a été le premier à sortir du bois. Il a publié, le 30 mars dernier, un communiqué qui s'apparente à un programme gouvernemental alternatif. La batterie de mesures proposée, chiffrée, est bien évidemment discutable, mais elle a le mérite d'exister, alors que le gouvernement, et accessoirement le PJD, sont atones et paraissent plus intéressés par les joutes politiciennes que par le sort des citoyens, au quotidien. Le PPS, allié loyal, qui a toujours préféré s'abstenir des commentaires publics, n'en peut plus. Il se démarque et réclame, lui aussi, une autre politique pour faire face à la crise. Le mouvement populaire est beaucoup plus offensif. Cet autre parti de la majorité considère les options de Benkirane « populistes, sans effet véritable sur l'économie ». Adieu la réforme ! Si tous les alliés du PJD crient au loup, c'est parce que le chef du gouvernement a pris unilatéralement, nous assure-t-on, la décision de gel de 15 milliards de dirhams d'investissements publics comme mesure d'économie. Cela signifie beaucoup de choses. D'abord que l'exécutif au lieu de chercher la croissance, l'handicape, car depuis 10 ans, c'est l'investissement public qui alimente la croissance. Ce sont les entreprises qui perdent un courant d'affaires et donc des emplois, voire des entreprises qui vont disparaitre. Sans oublier le fait que ces investissements concernaient des routes, des hôpitaux, des écoles, destinés à atténuer les déficits des services publics et que le courant d'affaires induit rapportait des impôts. Pourtant, les contraintes sont claires. L'Etat ne peut pas agir sur les deux plus grands postes de ses dépenses : la masse salariale et la caisse de compensation. Par populisme débridée, on annonce des recrutements, alors qu'il faut dégraisser. La réforme de la caisse de compensation, promise par Benkirane devant le parlement, est tombée à l'eau. Aucun autre parti ne soutient la formule de l'aide directe contre la vérité de prix. Le résultat est quantifiable : déficit budgétaire aggravé, tensions inflationnistes, chômage en hausse et pressions des institutions de Bretton Woods. C'est le retour au programme d'ajustement structurel qui se profile. Abdelilah Benkirane peut croire en sa bonne étoile car malgré ses talents d'orateur, il ne peut rien contre les réalités économiques. Et fatalement, tout un chacun défendra son niveau de vie. Paru dans le n° 212 de L'Observateur du Maroc