Ce pays aux allures du gigantisme qui semble imprégner le siècle XXI, que nous vivons, est-il à l'heure d'un vrai tournant historique significatif ? Les élections présidentielles, qui vont accoucher, dans moins d'une petite semaine, d'un résultat espéré par l'une ou l'autre partie, attendu en tout cas fébrilement par une moitié de l'Amérique comme par celle qui lui fait face, de quoi donc vont-elles être l'augure. Nous sommes beaucoup à espérer qu'après le big day du 4 Novembre prochain, nous aurons droit au grand changement. Ce qui voudrait dire que c'est le métis (ou le noir) démocrate, Barack Obama qui s'installera aux commandes à la Maison blanche. Oui, c'est là notre vu, notre préférence et notre espérance. Nous autres, nous ne nous berçons pourtant pas d'illusions et si l'arrivée de ce jeune politicien aux affaires suprêmes nous paraît une véritable petite révolution culturelle, nous ne voulons pourtant pas nous bercer d'illusion(s) ! En premier lieu, plus que toute autre chose, depuis que les Etats-Unis existent et qu'ils ont pu avancer toujours plus avant dans leur jeune histoire, la victoire de Barack Obama, plus qu'un signe et qu'un symbole, préfigurera une vraie nouvelle histoire de ce pays-continent de l'hémisphère occidentale du monde- le nord de l'Amérique. Pour dire cela et pour en faire un souhait vibrant, il m'a fallu prendre conscience d'être parti de fort loin. J'avoue, avec honte, que j'étais depuis mon adolescence et ma jeunesse, un anti-américain primaire, vouant aux gémonies, les pires, cet autre liberticide raciste et profondément inégalitaire. Bref, la patrie des pères grands fondateurs des Etats-Unis d'Amérique pour moi et pour nombre d'amis et de camarades, c'était le diable personnifié dont l'objectif premier était de subjuguer les peuples de la Terre, tous sans exception : en Europe, en Asie, en Amérique latine, dans le monde arabe, sans oublier l'Afrique. Mais avait-on le moyen de sortir de cette vision caricaturale de l'Oncle Sam, lui qui perpétrait des crimes un peu partout sur la planète. Directement ou par interpositions. Le Vietnam, bien évidemment, mais pas seulement. Les empoignades entre les deux candidats, comme à l'accoutumée, deviennent plus vives, plus douloureuses même. La dernière période de la campagne cette fois-ci ne fait pas exception à cette règle qui est dure et sans aménité. On a pu voir au cours de cette longue route- à travers ses nombreuses étapes- une espèce de courtoisie affleurer ici ou là, mais maintenant c'en est fait et c'est le stade final des «couteaux tirés». Les coups bas ne manquent pas comme les attaques ad hominem. Au cours de ces véritables pugilats verbaux, Joe le plombier, cette figure du modeste américain besogneux, actif et méritant, a disparu de la référence des deux protagonistes, qui s'attellent à des diatribes souvent excessives. C'est avec soulagement que les publics de l'Amérique voient se rapprocher la fin de cette campagne, qui a été la plus longue de l'histoire du pays (deux années pleines) et la plus coûteuse aussi (cinq milliards et demi de dollars). Jamais également, il n'y eut autant de défections d'un camp vers l'autre, très largement en faveur du candidat démocrate Barack Obama. Pour beaucoup, l'effet repoussoir généré par les deux mandats d'un George W.Bush au dessous de tout, avec en particulier cette tragédie inextricable de l'Irak. L'enfer étant, comme on le dit, même chez les Chrétiens ultraconservateurs américains, pavé des meilleurs intentions et des pires conséquences. Le spectre de l'actuel locataire de la Maison Blanche plane, comme une malédiction sur le camp républicain, réduisant les chances d'un Mc Cain, acculé à exorciser la menace de la défaite en stigmatisant «le triomphalisme d'Obama, le socialiste extrémiste ». Il y a peut-être de quoi l'être un tantinet avec, en plus du fait que le prestigieux quotidien «The New-York Time» a décidé de voter pour lui, il a un nombre de soutiens de taille dont la liste s'allonge et qui de plus étaient considérés comme Républicains ou proches de ce parti, fondé en 1856, qui a eu le passé glorieux anti-esclavagiste, notamment avec Abraham Lincoln. Ce parti de l'éléphant, qui a donné une série de présidents aux Etats-Unis, jusqu'à monopoliser le pouvoir suprême sans interruption de 1861 à 1913 et aussi de 1921 à 1933, a eu également une belle lignée avec les Eisenhower, Nixon, Ford, Reagan, Bush-père pour sombrer, corps et âme, avec l'inénarrable Bush-Fils dans la dernière semaine de janvier 2009, lorsqu'il remettra les pouvoirs si malmenés à son successeur (Barack plus sûrement que Mc Cain). Je pense que certains lecteurs trouveront, peut-être, que j'agresse trop méchamment la créature qui occupe, pour quelques semaines encore, le fauteuil du bureau ovale de Washington. Je réponds simplement que je n'imagine pas d'indulgence pour ce Bush à propos duquel un de ses premiers supporteurs, l'idéologue Francis Fukuyama, le bon stratège du néoconvertisme autour de «l'idéal démocratique», écrit sans ambages : «dans une démocratie, quand un parti au pouvoir a nettement échoué, il ne faut pas souhaiter qu'il soit réélu et cela, quelle que soit votre préférence originale. Or, il est difficile d'imaginer un échec plus complet que celui de l'Administration Bush. Il y a d'abord eu cette guerre [l'Irak], à propos de laquelle elle refuse de reconnaître ses torts ; et voici la crise financière. Si une équipe, avec un tel bilan devait être réélue, cela voudrait dire que la démocratie ne marche. Il est temps de donner chance aux Démocrates et à une Politique qui aille vers moins de marché et plus d'Etat». Et le Maroc dans tout cela ? (Nous en parlerons la prochaine fois, sans faute!).