Mahmoud Abbas a choisi d'abandonner l'option militaire, sa nouvelle arme sera juridique. Il veut brandir celle que lui donne le nouveau statut de la Palestine à l'ONU, non pas pour aller à la CPI, mais pour demander au Conseil de sécurité de condamner, autrement qu'en mots, la colonisation israélienne. Il aurait été naïf de croire qu'Israël n'allait pas « punir » l'Autorité palestinienne pour avoir osé demander au monde de reconnaître la Palestine comme Etat observateur non-membre des Nations Unies. Les représailles étaient attendues. Surtout en période électorale dans l'Etat hébreu. Le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, chef du Likoud, qui a fait le plein des voix au centre, veut gagner les autres en allant les chercher à l'extrême droite. Mais Netanyahou voit au-delà des élections. Comme l'ensemble de la droite israélienne, il estime illégitime la création d'un Etat palestinien, quelles que soient les résolutions de l'ONU. Pour lui, la terre d'Israël s'étend de la mer Méditerranée au Jourdain. D'ailleurs, depuis le vote massif en faveur de la Palestine à l'ONU, les conseillers du Premier ministre ne se cachent plus pour l'affirmer. Les masques sont tombés. Et la première des représailles israéliennes – l'annonce de la construction de 3 000 logements dans le secteur dit E1, en lisière de Jérusalem-Est, puis de 1 600 logements à Jérusalem-Est – est un grand pas en direction de cet objectif. En 2010, les Etats-Unis et les Européens avaient tapé sur la table lorsque Netanyahou avait annoncé son intention de construire dans le secteur E1, car il est hautement stratégique. Qu'Israël installe 3 000 familles de colons sur E1, reliant ainsi Jérusalem-Est à la grande colonie de Maalé Adoumim, et la Cisjordanie sera pratiquement coupée en deux selon un axe est-ouest. Les Palestiniens de Jérusalem-Est seront enfermés dans leurs quartiers, sans pouvoir rejoindre directement la Cisjordanie ; ceux de Ramallah et du nord du territoire devront faire un détour de plusieurs heures par de petites routes via Jéricho, pour rejoindre Hébron, au sud de Jérusalem. Et qu'Israël décide d'étendre un peu la colonie de Maalé Adoumim vers l'Est, jusqu'à Jéricho, et le nord de la Cisjordanie sera totalement coupé de sa partie sud. C'est le scénario voulu par Ariel Sharon à la fin des années 90 qui se met en place. Premier ministre lors de la seconde Intifada, il voulait découper la Cisjordanie en trois morceaux indépendants. Des cartes circulaient à l'époque, avec le tracé des nouvelles routes à l'usage des colons. Depuis, la Cisjordanie et Jérusalem-Est comptent 500 000 colons. Enorme. La division du territoire palestinien n'est pas encore effective (sauf entre Gaza et la Cisjordanie), mais parsemée de colonies. La Cisjordanie est un gruyère géographique. Elle n'est plus, dans l'état actuel, un Etat potentiellement viable. Mahmoud Abbas le sait. Il a choisi d'abandonner l'option militaire, comme le lui ont réclamé ses alliés occidentaux, si frileux à l'égard d'Israël. Aujourd'hui, sa nouvelle arme sera juridique. Il veut brandir celle que lui donne le nouveau statut de la Palestine à l'ONU, non pas pour aller à la CPI, mais pour demander au Conseil de sécurité de condamner, autrement qu'en mots, la colonisation israélienne, un crime pour l'ONU. La bataille va être rude. Abbas n'a plus le choix, alors qu'Israël vient de « confisquer » les taxes qu'il touche au nom des Palestiniens. Ce sont leurs seules rentrées et l'Autorité palestinienne, ruinée, ne peut plus payer ses fonctionnaires.