Le secteur de la restauration et des cafés est gravement touché par la crise pandémique. A la veille du ramadan, les professionnels veulent entamer un dialogue sérieux avec le gouvernement et plaident pour des mesures urgentes pour venir en aide au secteur sinistré. «Les autorités n'ont pas encore statué si on devrait ouvrir ou fermer pendant le mois de ramadan et cela nous inquiète. Si on nous oblige de fermer, il faudrait alors mettre en place un dispositif d'accompagnement pour le secteur de la restauration et des cafés au bord de la faillite aujourd'hui », prévient président de la fédération marocaine de la franchise et commerce (FMF), Mohamed El fane qui indique que les mesures restrictives pourraient avoir de lourdes conséquences économiques et sociales sur les franchisés et fera basculer les travailleurs du secteur dans la précarité suite aux licenciements et réductions de salaires appliquées par certaines franchises afin de maintenir leur activité. «50% des restaurateurs réalisent 40% à 50% de leur chiffre d'affaires pendant le ramadan grâce notamment au ftour », souligne El fane. Il ajoute aussi «Nous avons arrêté nos activités durant 4 mois, nous travaillons avec une capacité d'accueil qui ne dépasse pas les 50%, nous sommes obligés de fermer à 20 heures, et nous avons même fermé en décembre, considéré l'un des mois best-seller dans le secteur de la restauration. Si on ferme encore durant le ramadan, ça sera le coup de grâce ». Même son de cloche de la part de Noureddine Harrak, président de l'Association nationale des propriétaires de cafés et restaurants (ANPCR). Selon lui, 25% des cafés ont été contraints de cesser définitivement leur activité. «Si on ferme pendant le ramadan, 10% de plus jetteront l'éponge », alerte t-il avant d'ajouter «que ceux qui vont rester ne le feront pas par choix mais plutôt par obligation. Ils n'ont pas d'autres d'alternative. S'ils surviveront, c'est grâce à l'endettement ». De lourdes pertes Le secteur vit mal depuis un an. Les mesures de restrictions imposées pour endiguer la propagation de la pandémie ont pesé lourdement sur la situation financière des entreprises du secteur, de plus en plus fragilisées. «Avec le couvre feu nocturne, l'interdiction de la diffusion des matchs, la baisse du pouvoir d'achat des citoyens...on n'arrive même pas à atteindre 60% du chiffre d'affaires réalisé auparavant », affirme Noureddine Harrak qui craint la disparition de plus de 50% d'établissements au Maroc. Selon ses estimations, près de 80% des restaurants et cafés perdent de l'argent ou survivent à peine. Et la grande majorité fonctionnent à perte et n'atteignent même pas le seuil de rentabilité. Le bilan dressé par Mohamed El fane est aussi alarmant. Pour lui, le secteur de la restauration représenté par plus de 100.000 unités de restauration de différentes tailles et spécialités et employant plus de 1,2 millions de salariés a accusé un coup dur à cause de la pandémie de coronavirus et des mesures restrictives instaurées. Les établissements croulent sous les pertes et les entrepreneurs sous les dettes. Il ajoute que, plus de 80% des chefs d'entreprises, qui se retrouvent au bord de la faillite, ont connu une augmentation vertigineuse et critique en termes de taux d'endettement, de mobilisation des fonds propres, d'hypothèques des biens... 40% ont été contraints de fermer ou de cesser leur activité. Le reste des restaurateurs prendra certainement la même décision si la fermeture des établissements est prorogée. En gros, les restaurateurs ont perdu en moyenne 50% de leur chiffre d'affaires si ce n'est plus, ont accusé un taux d'endettement additionnel de plus de 50%, ont arrêté totalement leurs projets d'investissements et ont impacté de facto l'écosystème composé d'industriels, distributeurs, imprimeurs, opérateurs en logistique... Des mesures insuffisantes « On aurait voulu que les restrictions imposées soient accompagnés par certaines mesures qui allègent les répercussions néfastes sur le secteur. Or, en réalité, rien n'a été fait ou presque pour sauver un secteur en déclin », s'indigne Noureddine Harrak. Pour soutenir un secteur considéré comme sinistré, le comité de veille économique a prévu de verser une indemnité de 2.000 DH aux salariés déclarés à la CNSS durant 3 mois (de janvier à Mars). Dans le secteur des cafés, Noureddine Harrak souligne que seuls 30% des salariés du secteur sont déclarés à la CNSS. Et pour ces derniers, le mécanisme n'est pas encore activé. «Les travailleurs n'ont rien reçu. Ni les indemnités de janvier ni celles de février et mars », déplore El fane. Autres hics majeurs, les professionnels doivent s'acquitter de l'ensemble de leurs charges : loyers, compléments de salaires, remboursement des emprunts bancaires...Même cas pour les impôts et taxes. «Nous sommes tenus de payer l'ensemble des taxes et impôts imposés en temps normal. Nous avons travaillé 4 mois en 2020 et on nous oblige à payer les impôts sur toute une année. C'est aberrant», regrette Harrak. Pour les loyers, c'est une autre affaire. «Des centaines voire même des milliers de dossiers d'éviction concernant les cafetiers et restaurateurs sont devant les tribunaux », alerte Mohamed El fane qui en tant que président de la FMF avait sollicité en janvier dernier le comité de veille économique à mettre en place des mesures tangibles à l'instar des pays étrangers notamment des subventions pour la prise en charge partielle des charges fixes incluant loyers et masse salariale ainsi que de réelles mesures d'allégement fiscal. Résultats ? «Rien de concret », rétorque t-il. On ne baissera pas les bras Les professionnels veulent aujourd'hui juste «un vrai oxygène » pour sauver le secteur de l'agonie. «il faut comprendre que le commerce notamment le secteur de la restauration et des cafés constituent un levier important pour une économie », précise El fane qui appelle à la mise en place de mesures urgentes et efficientes. Ainsi, outre l'indemnité forfaitaire, il propose l'instauration d'une indemnité spéciale pour les restaurateurs leur permettant de compléter les salaires, la suspension des indemnités d'éviction à travers une prise en charge d'un tiers 1/3 des charges locatives par l'Etat, un tiers 1/3 par le bailleur et l'autre tiers 1/3 par le locataire avec un abattement de plus de 75% sur toutes les taxes communales. Nourreddine Harrak appelle de son côté à un dialogue sérieux avec le gouvernement dans l'objectif de débattre des problématiques liées à la crise sanitaire que connaît le pays et à la faillite annoncée du secteur des cafés et restaurants. Et les professionnels ne comptent pas baisser les bras. Les pourparlers sont en cours entre les membres de l'association nationale des propriétaires de cafés et restaurants pour passer à la vitesse supérieure. Une grève de 48 heures, des manifestations et des sit-in ... sont programmés . Aucune date n'est avancée pour le moment.