On peut avoir des divergences fortes avec Abdelilah Benkirane, c'est le cas d'une partie de l'opinion, mais on ne peut que lui reconnaître un sens politique aigu, non dénué d'intérêt et un attachement à la patrie. Il y a quelques jours, il a rencontré des représentants du syndicat-maison du PJD. Comme d'habitude, il a filmé et posté la vidéo. Il a bien évidemment été question du rétablissement des relations entre le Maroc et Israël. Rétablissement parce qu'il y avait deux bureaux de liaison dans le sillage de l'accord d'Oslo. Abdelilah Benkirane a exprimé plusieurs idées. Selon lui, la décision a été prise par SM Le Roi, en vertu de sa charge constitutionnelle. Le chef du gouvernement a signé parce que son rôle constitutionnel au sein de l'Etat le lui imposait. Le parti, lui, ne change pas de position parce qu'Israël ne change pas de nature, disait-il. Ce discours ne peut être qu'entendu si Benkirane n'y ajoute pas ses flèches envers les différentes cibles. D'abord, il apprend à son auditoire qu'il avait été informé de la décision par Le conseiller du Roi, avant l'annonce publique et que celui-ci l'a assuré que le Maroc soutiendra toujours la cause du peuple palestinien. C'est une manière de dire « sans poste officiel au sein du parti, je compte ». Il ne s'est pas arrêté à ces considérations intra-partisanes et s'est lancé dans un discours sur les institutions qui est, lui, plus problématique. Sa référence, ce n'est pas la constitution de 2011. Celle-ci fixe les attributions du Souverain, du gouvernement et du parlement. Selon lui « on surévalue les pouvoirs du gouvernement ». Si cela devait signifier qu'il pense que d'autres institutions prennent le pas sur l'exécutif, cela n'étonnerait personne, puisque c'est son discours depuis 2016. Mais il met en cause « des institutions qui ne parlent pas ». Il vise clairement l'appareil sécuritaire qui, selon la constitution, est un outil aux mains de l'Etat et de ses institutions et non pas un pouvoir occulte au-dessus des institutions consacrées par la loi fondamentale. Ce post de Abdelilah Benkirane nous renseigne sur la vraie difficulté des islamistes à sortir de la duplicité. Un pied dedans, un pied en dehors, ils continuent à maintenir cette ligne, contre toute logique. Ce comportement peut leur être fatal, parce que les Marocains exigent, de tous les acteurs politiques, en premier lieu, une clarté irréprochable.