Nicolas Sarkozy réussit sa sortie de scène, autant qu'il avait raté son arrivée au pouvoir. Ce lieu commun s'est imposé à Paris, à la vitesse de l'éclair. L'opinion publique, quelle inconstante ! L'impavidité du président sortant face à la défaite, la hauteur de son dernier discours au soir des résultats devant les militants en larmes, l'élégance de l'invitation faite à François Hollande qui a été associé aux célébrations de la victoire du 8 mai 45, le silence qu'il s'impose depuis sa défaite et qui déroute jusqu'à ses adversaires, enfin sa détermination à tourner la page et à changer de vie ont provoqué une forme de stupeur… Les journalistes qui guettent depuis dix ans chaque épisode de la vie de «l'omni-président» se retrouvent orphelins. Privés soudain de Nicolas Sarkozy, l'homme qu'ils aimaient détester. Privés aussi d'une rente de situation, tout comme les humoristes dont le président sortant était devenu l'unique tête de Turc. L'heure n'est pas aux regrets mais on peut parier que les Français qui ont une faiblesse coupable pour les vaincus à condition qu'ils perdent avec panache, se sentiront très vite de la nostalgie, aiguisée par une vague culpabilité visà- vis de l'homme qu'ils viennent de chasser après lui avoir mégoté le plus court des mandats présidentiels, cinq ans et rien de plus…Viré comme 24 sur 27 des dirigeants européens depuis le début de la crise. Il est encore tôt pour dresser un bilan dépassionné mais il reste indéniable que Nicolas Sarkozy aura mené davantage de réformes en cinq ans que François Mitterrand en onze (1984/1995) et Jacques Chirac en douze. Sur le plan de la politique étrangère, la guerre faite à Kadhafi, l'intervention en Côte d'Ivoire, la diplomatie d'urgence menée en Géorgie peuvent être critiquées mais les risques ont été assumés et couronnés de succès. Surtout, la crise européenne qui rebondit à Athènes permet déjà de mesurer ce que le conseil Européen a perdu avec cet avocat acharné à forger d'improbables compromis et à les imposer in extremis à ses partenaires… Herman Van Rompuy censé incarner l'institution et Jean-Claude Junker qui pilote la zone euro se sont précipités à Paris pour rencontrer François Hollande, sans attendre le prochain conseil des chefs d'Etat. Rien ne permet de penser que leurs discussions aient dépassé l'aimable échange de points de vue… L'effacement de Nicolas Sarkozy, la panne qui en découle du moteur francoallemand, le résultat des élections grecques qui rend toute majorité introuvable à Athènes semblent ainsi les trois coups d'une tragédie. On peut toujours espérer que les électeurs grecs se déjugent et retournent aux urnes pour élire les partis trop raisonnables qui leur promettent la potion amère de l'austérité ou bien imaginer que les technocrates de la zone Euro trouvent le moyen de faire passer la Grèce par-dessus bord sans faire chavirer la monnaie unique mais ces paris auront du mal à conjurer la fatalité implacable de la crise. Les plans de sauvetage adoptés depuis trois ans ont retardé l'échéance, sans rien régler au fond. Ils ont permis de gagner du temps. Le sablier désormais semble aussi vide que les réserves des banques athéniennes… ou l'agenda de Nicolas Sarkozy. Après cinq ans de « Sarko-Bashing », place au « Hollando-praising » ! Il y a un an, personne sauf ses clients n'avait entendu parler du Sofitel de New-York et personne sauf lui (et encore…) n'imaginait François Hollande à l'Elysée. Ses rivaux le sous-estimaient, ses adversaires le méprisaient, les médias aussi. Ils cherchent maintenant à se rattraper. Candidat par accident, sans expérience et sans trop de programme, François Hollande a montré beaucoup d'habileté à se métamorphoser en meilleur opposant à Nicolas Sarkozy. Cela ne fait pas de lui un leader charismatique mais il a prouvé qu'il avait du métier : « Yes, he can ». Il en aura besoin pour faire oublier sa promesse ou pour faire entériner par les Européens cette croissance dont il a fait l'un des slogans de sa campagne. Aucun électeur n'est contre mais ceux qui s'imaginent vivre à crédit ne parlent pas de la même croissance que les Allemands qui attendent davantage de réformes structurelles, de maitrise des déficits, d'efforts… Angela Merkel a imposé une fin de non recevoir à son nouveau partenaire qui exigeait de renégocier le pacte budgétaire signé le 1° Mars. Le chancelier a ajouté qu'elle l'attendait à Berlin les bras ouverts. Les bras ouverts mais les poings fermés et le portefeuille aussi. Paradoxalement, la crise qui rebondit en Grèce offre peut-être au Français l'occasion de fléchir Angela Merkel en lui montrant que l'on ne peut continuer à gouverner les peuples comme on gère des entreprises, sous peine de mettre l'Europe en grève générale.