L'élection du socialiste François Hollande à la présidence française devrait marquer un changement pour l'Europe face à la crise, notamment par rapport à la politique du tout-austérité, estimaient dimanche soir et lundi matin les presses européenne et asiatique. En Allemagne, le Financial Times Deutschland, évoquait ainsi un «tournant, particulièrement pour Angela Merkel», la chancelière allemande, apôtre de la rigueur pour combattre la crise des dettes et qui n'avait pas caché son soutien au sortant Nicolas Sarkozy. «C'est très déplaisant pour Merkel. Pas tant parce que Hollande menacerait le sauvetage de l'euro. Mais parce que sa demande de compléter le pacte fiscal par des mesures de croissance touche à la suprématie de la chancelière en Europe», poursuit le quotidien économique. Le Tagesspiegel berlinois (gauche) voit la France «quitter symboliquement l'Europe du Nord pour le Sud, en termes d'éloignement de la discipline budgétaire», et l'Allemagne rester avec «peu, trop peu, d'alliés». Et «si les marchés perdent confiance en la France, cela affaiblira l'euro». Mais pour le Stuttgarter Zeitung, la France à elle seule ne pourra faire fléchir l'Allemagne sur l'austérité: «Aussi importante soit la France pour faire avancer l'Europe, elle n'est pas assez forte pour imposer sa volonté aux autres poids-lourds». «L'austérité en Europe risque d'être remise en cause» par l'élection de François Hollande et les élections grecques, juge le journal britannique Times (conservateur), qui accuse toutefois le socialiste de «jouer avec le feu». Pour le Financial Times, «Sarkozy est la dernière victime du retour de bâton contre les sortants» en Europe. «Mais il est vital» pour le nouveau président «qui a désigné pendant sa campagne le monde de la finance comme son +véritable adversaire+, que les marchés ne commencent pas à parier contre la France», note le journal financier. «Les turbulences des marchés, les querelles diplomatiques et les futurs conflits sociaux menacent de parasiter dès le début la présidence de François Hollande», avertit pour sa part le Daily Telegraph (conservateur), qui voit déjà la France «au bord de la faillite». «François Hollande a pris le pouvoir en France, inversant la tendance d'une embardée droitière et xénophobe dans la politique européenne,» relève de son côté The Guardian (proche de l'opposition travailliste). «Au revoir président bling bling», lance en français le tabloïde Daily Mail, qui se demande aussi si le Premier ministre britannique David Cameron «va payer pour avoir snobé le vainqueur» en soutenant Nicolas Sarkozy durant la campagne. «Il va falloir maintenant se mettre sérieusement au travail pour construire une relation entre M. Cameron et Hollande», ajoute le Times. En Irlande, où doit se tenir fin mai un référendum sur le pacte budgétaire européen, l'Irish Times souligne aussi que «les résultats français et grecs mettent en question les plans de l'Union européenne contre la crise de la dette». «Contre +la chaîne de l'austérité+, François Hollande, candidat socialiste, a promis de revenir sur certaines des décisions les plus contestées de Sarkozy (...). Hollande est l'homme qui promet de transformer l'héritage d'Angela Merkel et adopter une stratégie différente dans la lutte contre la crise et la stabilisation de l'euro», écrit le quotidien économique portugais Jornal de Negocios qui affirme en outre qu'à Berlin Hollande «n'est pas persona non grata, mais presque». «Hollande prévoit de parler à Merkel dès ce soir (...) pour parler de l'avenir de l'axe franco-allemand», souligne de son côté son concurrent Diario Economico. «Paris change et l'Europe change»: pour l'italien La Stampa (centre-droit) «probablement, beaucoup va changer en Europe», tout en avertissant: «on verra comment il tiendra sa promesse» de «rompre le pacte fiscal» européen. «La France vire à gauche», pour le Corriere della Sera (centre-droit), qui relève que «ces derniers jours, le favori Hollande a su rompre l'isolement en Europe». «Les paroles du président de la BCE Mario Draghi (sur la nécessité de l'objectif de la croissance) semblaient donner raison à la prétention de Hollande d'ajouter un chapitre au traité de stabilité.» «La France tourne une page», affirme le quotidien de centre-gauche Repubblica, alors que pour le quotidien économique Il Sole 24 Ore, M. Hollande est «un modéré, un social-démocrate, un homme tranquille. Qui veut changer sans bouleverser. Comme il a dit à la City de Londres préoccupée par les attaques contre les riches et la finance: +je ne suis pas dangereux+». En Espagne, El Pais (centre-gauche), écrit que «la gauche européenne renaît ce 6 mai en France» et que l'élection du candidat socialiste «ouvre une nouvelle étape politique en France comme en Europe», avec notamment la fin du «directoire connu sous le nom de Merkozy» avec «tout l'accent mis sur l'austérité». Pour El Mundo (centre-droit) la présidentielle française a été «très marquée par la pire crise économique et sociale depuis un demi-siècle» et le président élu a pris soin d'appeler la chancelière allemande Angela Merkel et de plaider pour «une clause de croissance dans le traité d'austérité européen». Pour le quotidien catalan El Periódico (gauche) «l'arrivée de Hollande à l'Elysée ouvre une nouvelle étape de la politique européenne (...) le socialiste «ayant promis de réviser le traité de discipline budgétaire avec des mesures pour la croissance». Le Soir, journal francophone belge de référence, évoque «Hollande, le président attendu au tournant». Et d'avertir: «Après l'épreuve de la conquête, celle du pouvoir. Le vainqueur ne connaîtra pas d'état de grâce». La Libre Belgique partage cette opinion, écrivant: «si le profil de Hollande a rassuré, le nouveau président ne bénéficiera pas d'un état de grâce». Et le journal de souligner que M. Hollande «doit son élection en partie à un rejet de la personnalité de Nicolas Sarkozy». En Suède, pour le Svenska Dagbladet (libéral) «L'austérité ne remporte pas la majorité» et en Finlande, la radio publique YLE juge que «l'arrivée au pouvoir de Hollande n'affectera pas seulement la France mais secouera aussi l'avenir politique de l'ensemble de l'Europe. «L'ère Sarkozy est terminée», annonce le quotidien économique néerlandais NRC Handelsblad, alors que De Telegraaf (populaire) titre «La fête est finie pour Sarkozy». «République socialiste de France», titre le quotidien russe Kommersant, en ajoutant que «les Français n'étaient pas contents du bilan du quinquennat de Sarkozy». «Autour de Hollande se sont réunis des forces très différentes, depuis l'extrême gauche jusqu'aux centristes», souligne le journal. En Asie, l'agence japonaise Jiji Press estime pour sa part que les succès de François Hollande en France et des partis opposés à l'austérité en Grèce représentent un avertissement sérieux en Europe. «Après ces sévères jugements des électeurs, l'Union européenne devra inévitablement revoir ses caps», ajoute Jiji Press. L'Asahi Shimbum titre de son côté: «La France a choisi le changement», tandis que le Mainichi Shimbum souligne que Angela Merkel a adressé ses félicitations à François Hollande. En Australie, The Australian titre sur «l'Europe (qui) cherche à assouplir la misère de l'austérité», le Sydney Morning Herald sur «L'Europe ouvre les yeux sur l'après-Sarkozy», mais l'Australian Financial Review souligne que «les marchés sont inquiets de la victoire socialiste».