Victorieux de deux Coupes du monde d'ultra-marathon, Karim Mosta (62 ans) a également participé à 165 raids par étapes et parcouru 217 000 km en courant. Comment s'en sort-on pendant 250 km en autosuffisance alimentaire, en plein désert, par 40 degrés ? A l'aube de la 32e édition du Marathon des Sables (7-17 avril au Maroc) *, l'ultra-runner partage l'expérience de ses 29 participations à l'épreuve. « Karim Mosta, existe-t-il des pré-requis pour réussir son Marathon Des Sables (MDS) ? Tout le monde peut y participer. Il suffit de mettre un pied devant l'autre et de le faire longtemps. Les trois quarts des participants à l'épreuve finissent en marchant. Le MDS est d'abord ouvert aux marcheurs. Mais ceux qui veulent le remporter chercheront à marcher le moins possible et le feront donc en courant. L'important, c'est de pouvoir physiquement, de savoir techniquement et de vouloir psychologiquement. Si vous réunissez ces trois caractéristiques-là, vous achèverez votre Marathon des Sables, ou tout autre course, dans tous les sports. L'envie d'aller au bout représente 50 % du chemin à parcourir. Le reste, c'est de la préparation. Justement, comment se prépare-t-on pour ces 6 étapes et 250 km dans le désert marocain en auto-suffisance alimentaire ? Une fois que cette envie est là et qu'on est en capacité physique de le faire, il faut se préparer au moins six mois à l'avance. Vous pouvez commencer à faire un peu de musculation, des exercices de renforcement musculaire, travailler la course à pied et faire des entraînements croisés avec du vélo par exemple. Trois ou quatre mois avant la compétition, en plus de tout cela, il faut intégrer à vos sorties l'élément "sac à dos". D'abord lesté d'un kilo, puis deux, trois, et ainsi de suite, jusqu'au poids que vous aurez sur vos épaules lors du MDS. Il ne faut surtout pas arriver le jour de la course sans avoir testé l'effort avec un sac à dos. Vous éviterez ainsi le risque de blessure. « Ceux qui courront pour les premières places auront entre 6 et 6,5 kilos sur le dos, et 8 kilos au maximum » Quel doit être le poids maximum de son sac ? Ceux qui courront pour les premières places auront entre 6 et 6,5 kilos sur le dos, et 8 kilos au maximum. Je pars avec 7 voire 7,5 kilos. Un coureur va vite, il n'aura donc pas besoin d'autant de nourriture qu'un marcheur. Mais attention à ne pas dépasser 10 voire 11 kilos. Ceux qui portent plus de poids souffrent dans le désert. Ils multiplient les risques de blessure, voire d'abandon. Que doit-il y avoir dans ce sac à dos ? En plus du matériel obligatoire**, vous emportez à manger pour quasiment sept jours. Cela doit représenter environ 4,5 kilos de nourriture, essentiellement lyophilisée. Les matins, pendant la course, il ne faut pas hésiter à varier son alimentation et alterner entre le sucré et le salé. Le midi, certains chauffent leur nourriture, mais je ne le fais pas. A 40° C, en plein désert, il fait très chaud, je préfère ouvrir un taboulet dans lequel je mets de l'eau froide. Pendant qu'il gonfle, je m'étire, je prends soin de mes pieds et je me change au besoin. C'est aussi à ce moment-là que je prends une boisson énergétique de récupération. J'enchaîne avec une salade de fruits. Vers 16-17h, c'est le moment de l'en-cas, avec une pâte de fruit ou des cacahuètes. Le soir, je mange deux plats au choix : lentilles et hachis par exemple. Là encore, il ne faut pas hésiter à varier son alimentation. Quel est l'apport calorique nécessaire au quotidien ? Ça dépend des étapes. En général, c'est au moins 2500 calories. Ça peut monter jusqu'à 4000 sur les étapes les plus longues, notamment celle de 80 km. Là, je conseille à ceux qui courent de manger quelque chose toutes les 30 minutes (une barre, un gel). Et là encore, le coureur n'aura pas besoin d'autant de nourriture que le marcheur. Mon conseil, tout simple : que chacun fasse son sac en fonction de ses besoins et de ses capacités. Quelles sont les règles d'hydratation ? L'hydratation est très importante. Il faut apporter de la boisson énergétique, sans l'utiliser de manière trop concentrée. Pensez toujours qu'il fait très chaud et qu'il faut la diluer au maximum, sous peine de mal la digérer. Vous ne pouvez pas non plus vous contenter de ne boire que de l'eau. Vous avez besoin d'autres apports, de sels minéraux par exemple. Ceux qui n'ont pas l'habitude de ce genre d'épreuve, buvez une petite gorgée toutes les dix minutes. Vous pouvez aussi alterner. 10 km avant la fin de votre étape, optez pour une boisson salée, ça fait beaucoup de bien au corps. Le soir, continuez à boire tranquillement, gorgée par gorgée (eau et/ou boisson de récup'). Comment faire si l'envie d'abandonner croît dangereusement ? Ça arrive à tout le monde, du premier au dernier. Alors, pas de panique ! Si vous êtes bien entraîné, que vous n'avez pas de problème physique et qu'il s'agit juste d'un coup de chaleur, pas d'affolement. Faites baisser votre température en vous arrosant par exemple, et ensuite, rejoignez tranquillement le premier PC (point de contrôle), où il y a des tentes : vous vous allongez, vous vous reposez... Surélevez vos jambes en mettant votre sac en dessous. Mangez quelque chose. Et prenez le temps de vous reposer 15, 20, 30 minutes ou 1 heure. Ce n'est pas grave ! Tant que vous ne voyez pas les chameaux passer, vous êtes toujours en course. Petit à petit, vous allez vous sentir mieux et vous allez repartir. Vous verrez que vous irez mieux, vous allez vous mettre à courir et rattraperez les concurrents qui étaient devant vous.»