Présenté comme proche du Palais, le Fath Union Sport de Rabat, champion du royaume en titre, se singularise par une gestion rigoureuse, une vraie stabilité sportive et un projet à long terme. Le Magazine réputé Jeune Afrique a consacré un dossier sur le champion du Maroc en titre. C'est un septuagénaire qui se porte à merveille. Deux ans après avoir remporté la Coupe du Trône, le Fath Union Sport (FUS) de Rabat a été sacré champion du Maroc au printemps dernier – une première – et disputait, les 18 et 25 septembre, la demi-finale de la Coupe de la Confédération face aux Algériens du MO Béjaïa. Une compétition que le FUS Rabat a déjà remportée en 2010 face aux Tunisiens du CS Sfaxien (0-0, 3-2). C'était à une époque où le FUS Rabat venait à peine de sortir d'une zone de fortes turbulences. « En 2008, un nouveau comité directeur, comptant entre autres Mounir Majidi [secrétaire particulier de Mohammed VI depuis 2000 et président du club omnisports du FUS], était arrivé à la tête du club, qui était alors aux portes de la troisième division et connaissait de grosses difficultés financières, explique le directeur général, Mohamed Zeghari. Trois axes ont été définis pour l'avenir : développer les infrastructures, miser sur la formation des jeunes et assurer la pérennité financière. » « C'était ça ou le risque de voir le FUS vivoter, ajoute Hamza El Hajoui, président de la section football depuis 2014. Les succès remportés en 2010 ont donné un coup d'accélérateur au projet. » Remontée Créé en 1946 par Sa Majesté Mohammed V, le club le plus ancien de la capitale, dont le lien avec le palais royal « est surtout affectif », insiste Zeghari – même si le prince Moulay Rachid en est le président d'honneur –, a vu sa situation nettement s'améliorer ces dernières années, alors que son palmarès (quatre Coupes du Trône et quatre titres de champion de Division 2) était figé depuis 1995. « Le FUS a compris l'essentiel, insiste Abdeslam Ouaddou, ancien pilier de la sélection marocaine dans les années 2000. Il a tablé sur la stabilité technique et sur une gestion rigoureuse. » Depuis 2008, les dirigeants ont en effet mis un terme à l'interminable valse des entraîneurs. Coach du FUS depuis deux ans, Walid Regragui, ancien international né et formé en France, incarne cette stabilité technique déjà entrevue sous Houcine Ammouta (2008-2011) et Jamal Sellami (2011-2014). « Je ne subis pas les interférences des dirigeants. On me laisse travailler, c'est idéal pour la sérénité », explique l'intéressé. Gestion des ressources Le FUS, malgré sa proximité avec le Palais, est loin d'être le club le plus riche du royaume. « Notre budget est le septième du championnat quand ceux du WAC ou du Raja, les deux clubs de Casablanca, ou des FAR Rabat sont au moins deux fois supérieurs au nôtre », ajoute Zeghari. Mais, là où beaucoup s'endettent pour faire face à des échéances qu'ils ne peuvent pas toujours assumer, le FUS, lui, a opté pour une gestion rigoureuse de ses ressources. « Nous avons opté depuis le lancement du projet pour un salary cap [« plafond salarial »] que nous respectons à la lettre, explique le président El Hajoui. Les salaires ne sont pas aussi élevés que dans d'autres clubs, où ils peuvent atteindre jusqu'à 3,8 millions de dirhams [plus de 345 000 euros] annuels, mais les joueurs et le staff technique sont payés en temps et en heure. » « Les joueurs n'ont pas besoin de courir après leur argent. C'est un confort, mais on leur demande de s'impliquer totalement », ajoute Regragui, qui impose souvent deux entraînements quotidiens et des séances vidéo régulières. Des infrastrutures disponibles Depuis la révolution de 2008, le club s'est également doté d'infrastructures modernes, pensées sur le modèle européen. « Avant, il y avait un terrain d'entraînement qui servait à toutes les équipes du club. Aujourd'hui, nous disposons, juste à côté du complexe sportif Moulay-Abdallah, dans la périphérie de Rabat, d'un centre d'entraînement très fonctionnel. Et nous avons regroupé cette structure dédiée aux professionnels et notre centre de formation, qui accueille 55 jeunes âgés de 13 à 18 ans », indique Mohamed Zeghari. « Dans les pays du Maghreb, on sait qu'il y a un énorme potentiel, mais il n'y a pas assez d'efforts faits dans ce domaine, et c'est bien dommage, note l'ancienne star marocaine Mustapha Hadji, aujourd'hui adjoint du Français Hervé Renard, le sélectionneur des Lions de l'Atlas. Le FUS y accorde beaucoup d'importance, et c'est fondamental. » Un intérêt pour la formation des jeunes Le volet formation est en effet l'un des axes essentiels du projet mis en place en 2008. Regragui, dans la feuille de route qu'il avait soumise à ses dirigeants juste avant sa nomination, avait insisté sur sa volonté de donner leur chance aux joueurs formés au club : « J'ai lancé plusieurs jeunes et je vais continuer à le faire. D'ici deux ou trois ans, j'aimerais qu'ils composent 70 % de l'effectif. » « Nous devons former des joueurs pour ensuite les vendre et nous assurer des recettes supplémentaires », indique Hamza El Hajoui. Cette politique de formation rappelle à Bertrand Marchand, qui a entraîné le Raja Casablanca (2011-2012) et la Renaissance sportive de Berkane (2015), celle de l'Etoile du Sahel (Tunisie), avec qui il a remporté la Ligue des champions africaine en 2007 : « Le FUS a compris le double intérêt de former ses propres joueurs, qui d'abord vont évoluer avec l'équipe professionnelle avant de représenter une source de revenus supplémentaires. » Se classer parmi les meilleurs, un objectif Au Maroc, la réussite du FUS et sa vision à long terme tranchent avec l'instabilité chronique qui touche beaucoup de clubs. « Le FUS est dirigé par des personnes discrètes et compétentes. Cela se traduit par une gestion globale rigoureuse, indispensable pour mener à bien un projet bien pensé. C'est le club le mieux géré du pays. Ce que font les dirigeants n'a rien de révolutionnaire. C'est juste du bon sens. Ils sont patients et organisés », reconnaît Mohamed Fakhir, l'entraîneur le plus titré du Maroc, ex-sélectionneur national et aujourd'hui à la tête du Raja. Regragui, qui a évolué sous ses ordres en sélection, nourrit de grandes ambitions : « Nous voulons nous installer dans le top 3 national, puis devenir l'une des meilleures équipes d'Afrique. Il y aura des moments difficiles, et on fera le dos rond, sans se mettre la pression. » Reste la question des supporters, réputés tranquilles et pas toujours faciles à mobiliser, puisque le taux de remplissage du petit stade de 6 000 places est estimé à environ 40 %. « Reconquérir le public est l'une de nos priorités. On vise notamment les jeunes, et donc leurs familles, pour porter ce chiffre à 70 % », précise Hamza El Hajoui. La participation à la Ligue des champions en 2017 devrait y aider. Regragui, coup d'essai, coup de maître À la fin de sa carrière professionnelle, qu'il a essentiellement effectuée en France (Toulouse, AC Ajaccio, Dijon, Grenoble), mais aussi en Espagne (Racing Santander) et qu'il a terminée au Maroc (Moghreb Tétouan), Walid Regragui, ancien international marocain (52 sélections), vice-champion d'Afrique en 2004, a passé ses diplômes d'entraîneur avant d'être désigné adjoint de Rachid Taoussi, le sélectionneur des Lions de l'Atlas (2012-2013), puis d'être recruté par le FUS en mai 2014. « Je l'ai dirigé quand il était tout jeune à Corbeil [sa ville natale, en France], puis à Dijon. C'était un joueur qui s'intéressait à la tactique, à la stratégie d'un match et qui comprenait vite, explique Rudi Garcia, l'ancien entraîneur de l'AS Roma, qui a conservé un contact avec lui. Quand il a signé au FUS, il savait comment il allait gérer son groupe, faire jouer son équipe. Il s'est beaucoup servi de son expérience de joueur. » Les dirigeants du FUS apprécient le travail de celui qui a été désigné meilleur entraîneur de la Botola (le championnat marocain) en 2015-2016 : son contrat a été prolongé de quatre ans, jusqu'en juin 2020. Lors de sa nomination, des supporters avaient envoyé une lettre incendiaire à la direction du club pour s'inquiéter de ce choix, mettant en péril, selon eux, l'avenir du FUS. Des craintes qui se sont révélées infondées.