Mohamed Abied, SG de l'UC, livre sa lecture des changements en cours au Maroc et la réforme de la Constitution. Etes-vous optimistes par rapport à ce qui se passe dans la scène politique nationale ? La balle est entièrement dans le camp des partis politiques. On ne peut concevoir d'ailleurs une démocratie sans l'existence de partis politiques forts. Pour cela nous avons un grand défi à relever. Celui d'amener ces jeunes qui ont démontré un intérêt certain pour le changement à travers l'action politique, à regagner les rangs des partis. Je suis certain que si on arrive à leur réserver l'accueil qu'ils méritent, l'atmosphère qui leur est propice et les conditions de participation et d'évolution dont ils sont demandeurs, le résultat sera nettement perçu lors des élections législatives de 2012. Personnellement, je suis optimiste dans la mesure où la volonté de participation des jeunes est désormais affichée clairement. Quant à la position à laquelle nous aspirons prochainement, elle sera tout simplement celle que les électeurs vont nous donner. Que faut-il faire pour pallier le désintérêt des citoyens quant à la chose politique ? Le contact avec les citoyens pour que cette lueur d'espoir et d'engagement ne s'éteigne jamais et pour que la dynamique de changement qu'il a annoncé se transforme réellement en une mobilisation continue et perpétuelle. Pour cela, il nous est demandé, à tous, partis politiques, organisations syndicales et société civile d'animer les débats avec toutes les catégories sociales au sujet de l'avenir de notre pays. Les réformes constitutionnelles, la régionalisation avancée, les grands problèmes qui entravent notre marche vers le progrès, sont autant de sujets à débattre quotidiennement avec les citoyens et bien avant les échéances de 2012. C'est là la seule stratégie pour maintenir cet intérêt, tellement recherché, des citoyens à la chose politique et par la même à leur participation massive aux élections. Qu'en est-il de vos propositions à la commission pour la révision de la Constitution ? Nous avons présenté notre mémorandum à la Commission de révision de la Constitution après l'avoir soumis aux instances du parti notamment la commission administrative et après que le bureau politique ait donné son accord sur la mouture finale de cette proposition, qui a été d'ailleurs élaborée par une commission ad hoc, mais sur la base de propositions parvenant de différentes instances du parti. Nous nous sommes inscrits dès le départ dans la logique de changer un texte en tenant compte du contexte, avec le souci de produire une conception qui réponde aux exigences d'un Maroc qui aspire à devenir un Etat moderne et performant. En tant que libéraux nous avons insisté sur la consolidation des droits et des libertés en général. Nous avons mis l'accent tout particulièrement sur les droits économiques sociaux, culturels et environnementaux. D'aucuns accusent les partis politiques de manque d'audace dans ses propositions… S'il n'en tenait qu'à l'audace, nous aurions présenté des suggestions qui dépasseraient de loin les dispositions des constitutions les plus avancées. Mais le Maroc n'est ni la Suède ni la Norvège ni encore moins l'Espagne, l'Angleterre ou la Belgique. L'audace raisonnable, responsable et réalisable est celle que nous avons recherchée dans notre proposition. D'ailleurs, je ne vous cache pas que lorsqu'il s'est agi pendant nos discussions d'audaces qui risqueraient de porter atteinte à l'unité et à la stabilité du pays, nous avons choisi de ne pas les retenir. Je ne pense pas que nous pouvons rendre service à notre pays en l'engageant, dans cette phase particulière et importante de sa vie, dans une course pour réaliser la proposition ou les propositions les plus audacieuses. Il est beaucoup plus sage de mettre à sa disposition plutôt les propositions les plus adéquates et les plus performantes en terme de libération des individus et de garantie de leurs droits fondamentaux. C'est exactement ce que nous avons essayé de faire en élaborant notre mémorandum à savoir éviter de tomber dans le piège de la surenchère et de l'audace extrême au détriment de la responsabilité. Les jeunes du 20 février ont refusé de participer aux consultations autour de la Constitution. Qu'en pensez-vous ? C'est leur droit le plus absolu d'accepter ou de refuser la participation aux concertations en cours. Nous ne pouvons que respecter leur choix. Mais, il y'a la une précision à apporter, c'est que ces jeunes demeurent malgré tout une entité difficile à identifier politiquement. D'où l'intérêt pour eux de se constituer en organisation politique ou autre, ou même d'intégrer les partis politiques existants. Ceci contribuera à donner plus de force et de richesse à l'activité politique nationale et renforcer davantage la position des jeunes et leur crédibilité politique. Certains estiment que la Commission chargée de réviser la constitution n'est pas représentative de tout le peuple marocain. Partagez-vous cet avis ? L'approche annoncée par le souverain lors du discours du 9 mars dernier et à l'occasion de l'installation de la Commission consultative de révision de la Constitution est une approche globale qui s'inscrit dans la logique de concertation d'écoute et de participation de toutes les composantes actives de la société. Il ne s'agit donc pas de confier cette révision à un organe isolé qui va imposer, d'une manière ou d'une autre, un texte. La Commission consultative a un rôle bien défini celui de rassembler les points de vue et de forger une architecture constitutionnelle rigoureuse à partir des propositions qu'elle aurait reçues des uns et des autres avec l'implication totale des partis politiques et des organisations syndicales et de la société civile. J'estime personnellement qu'il ne pourrait y avoir approche plus respectueuse, à la fois du savoir-faire constitutionnel et de l'élargissement de la concertation et de la participation que celle préconisée par Sa Majesté le roi. Au delà des méthodes classiques de révision des constitutions, nous somme là devant un cas d'école à méditer en matière d'élaboration des réformes constitutionnelles. Un modèle qui est érigé sur la base d'un processus de mise à niveau globale dont les matrices essentielles ne sont autres que le développement humain et la régionalisation avancée au sein d'une société de libertés individuelles et collectives et d'un Etat de droits et d'institutions. Etes-vous, comme certains le réclament, pour le renvoi de l'actuel gouvernement et l'organisation des élections anticipées ? Nous avons suivi avec un grand intérêt toutes les revendications proclamées par les jeunes et dont la plupart figurent dans nos programmes politiques. Avec la différence que nous les gérons dans un cadre institutionnel. Nous sommes dans l'opposition et nous n'avons jamais cessé de dire à quel point la gestion du gouvernement dans un bon nombre de domaines est faible. Maintenant qu'une tranche aussi importante que celle des jeunes se décide enfin à faire entendre sa voix et déclarer ouvertement ses revendications c'est pour nous un élément très significatif, revêtant une importance majeure pour l'avenir de la dynamique politique et démocratique dans notre pays. Nous respectons les avis déclarés par la mouvance des jeunes, mais nous avons, en tant qu'institution politique, nos propres méthodes et notre propre calendrier pour les gérer et c'est là, à mon avis, toute la différence. Propos recueillis par Mohcine Lourhzal