Jeune Sonia Terrab, espiègle Sonia, amusante Sonia. Journaliste et écrivaine, elle raconte la fraîcheur de sa plume et de ses idées. Il est des plaisirs qu'on ne se refuse jamais. Une belle terrasse sous les rayons de l'équinoxe, un café aux saveurs printanières, une bataille acharnée pour protéger sa confiture tartinée des assauts d'une abeille trop gourmande. Des petits plaisir de la vie en somme. Dans le même registre, partager la conversation avec une jeune romancière procure un sentiment tout aussi plaisant. Du haut de ses 26 ans, Sonia Terrab s'éloigne du cliché habituel de l'écrivain torturé ou engagé. Elle aborde la vie et l'écriture avec un regard éloigné de la réalité arabe et des contorsions révolutionnaires pour nous dresser un récit fait de flâneries. Son premier roman Shamablanca est à l'image même de sa personnalité : facile à aborder, allant vers l'essentiel et ne se prenant jamais au sérieux : «A travers Shamablanca, j'ai voulu écrire ma découverte de Casablanca. A travers Shama, j'ai assumé les idées d'une fausse bourgeoisie, animée uniquement par les apparences et nombriliste à souhait. C'était ma manière de briser l'image qu'une partie de Marocains ont de la réalité. Une image faussée, tournée uniquement vers les futilités mondaines et un isolement social volontaire. C'était ma manière d'écrire le vide marocain, dire à quel point nous sonnons creux dès que nous nous laissons emporter par l'appel des faux semblants». Pour son premier essai, Sonia assume la légèreté de son style, elle reconnaît elle-même la simplicité déconcertante avec laquelle s'enchaînent les idées de son roman. Ce résultat était même prémédité, dans une recherche de complétude à défaut de perfection. Dès les premières pages, nous nous retrouvons face à une chronique «facebookienne», un mur de présentation facilement reconnaissable, les chapitres sont des statuts publiés, des tranches de vie qui auraient pu se perdre dans les méandres de la frange sociale virtuelle. Les dialogues sont une suite de commentaires, des sursauts d'humeur pour mieux attaquer là où ça fait le plus mal : la fine carapace des apparences. L'auteure, qui raconte la jeunesse plaquée or des Marocains comme l'aurait si bien fait une suite écrite de Marock, n'a pourtant de bourgeois que l'image. Au-delà de cette fine pellicule se cache une Marocaine comme les autres, à l'exception près d'une forte addiction aux mots. «Je n'ai jamais pu m'imaginer un autre avenir que dans l'écriture, nous explique-t-elle. Je suis tombée amoureuse de la lecture à l'âge de sept ans et dès mes onze ans, je savais déjà que je vivrais de l'écriture. J'ai beau avoir suivi un parcours académique aux antipodes de mes rêves, dès que j'en ai eu l'occasion, je me suis mise au journalisme. L'écriture a suivi naturellement pour me donner la liberté d'exprimer mes idées et parler de ce qui me tient à cœur.» D'amour et d'écriture Sonia Terrab a réalisé son rêve et son livre «urbain» (comme elle se plait à le qualifier) trouve de bons échos dans les librairies marocaines. Pour autant elle ne dorme pas sur ses lauriers. Elle profite de son séjour casablancais pour peaufiner son inspiration en vue d'une seconde incursion dans le monde littéraire. Elle se donne aussi de revenir à ses papiers sociétaires et de se mettre au fait de son Maroc natal et de sa réalité. Elle est bien décidée de revenir au pays juste après le 20 février, d'être là et de vivre cette jeunesse libérée des entraves verbales. Une manière d'exprimer son attachement à son pays… et-qui sait- d'y trouver les idées de son futur roman. Car Sonia Terrab sent qu'elle a raté un épisode. Elle le reconnaît volontiers : «Dès que je plonge dans mes écrits, tout ce qui est autour disparaît. Ce n'est pas volontaire, je suis accro à ma plume et je ne peux pas la lâcher avant d'avoir un manuscrit correct. Il m'a bien fallu deux ans et trois réécritures pour faire de Shamablanca une œuvre complète. Maintenant je dois consacrer le temps nécessaire pour mon prochain livre. Je dois me donner les moyens financiers et inspirationnels pour écrire un livre qui puisse me satisfaire et cela ne se fera pas en jouant la romancière éperdue. Je dois travailler pour revenir à nouveau à l'exercice du roman». C'est que l'aspirante romancière ne démord pas de sa passion et compte bien continuer à faire ce qu'on n'attend surtout pas d'elle : ne jamais se laisser étouffer par les apparences et nous raconter de belles histoires urbaines, qui respirent bien le bitume casablancais et la légèreté de l'être. Yassine Ahrar