Eric Gerets a raté sa première sortie avec les Lions de l'Atlas. Tout comme la fédé qui a fait montre d'un immobilisme boudeur. Décidément ce Algérie-Maroc restera dans les annales. Pour son premier match officiel à la tête du team national, il était dit que Eric Gerets devait perdre. Et -comme le veut le dicton qui dit que la défaite attise les rancoeurs- revoilà la presse nationale et l'opinion publique qui remettent sur le tapis le recrutement d'un entraîneur inexpérimentée à la tête d'une équipe nationale et surtout sans expérience vécue au niveau africain, son salaire mirobolant et le cafouillage de la fédération. Finie, donc, l'accalmie. L'espoir né suite à la victoire face au Niger à Rabat (3-0) et le nul obtenu à Belfast face à l'Irlande du Nord (1-1) semble s'étioler comme une bulle de savon. Anciens joueurs, entraîneurs, journalistes et observateurs ont décoché leurs flèches contre Gerets et Al Fassi Fihri, le patron du foot national. «Gerets a mal négocié le match», «Il était hors jeu», «Il n'a pas effectué les changements qu'il faut au moment opportun»… D'autres commentaires acerbes n'ont pas épargné M. Fihri lequel s'est vu reprocher d'avoir emprunté un avion privé pour faire le déplacement à Annaba. Si l'on peut mettre cette dernière remarque sur un esprit misérabiliste, il n'en demeure pas moins que M. Fihri et ses collaborateurs ont péché par leur manque d'expérience dans les safaris africains. D'autant que, au moment où le tout puissant président de la fédé algérienne, Mohamed Rawrawa, multipliait les pressions sur la CAF (Confédération africaine de football) et menant une guerre psychologique contre l'arbitre, les responsables marocains, sous représentés au sein des instances continentales et internationales, restaient de marbre. Sinon comment se fait-il que le Mauricien Rajindraparsad Seechurn arbitre deux matchs de suite du Onze national ? Du jamais vu dans l'histoire du football mondial ! Il se raconte d'ailleurs que les Algériens ont contraint ledit referee à changer l'hôtel où il devait loger. Des rumeurs font également état d'une réunion avant le match entre celui-ci et des responsables algériens. A l'issue de la rencontre, Gerets a eu une révélation soudaine : «J'ai compris maintenant que le football africain obéit à des critères extra-sportifs». La politique y était Comme cela était prévu, la politique était présente lors du match. Mais, contrairement à ce que nombre d'observateurs avaient prédit, la rencontre n'a pas connu d'échauffourées entre supporters marocains et algériens. Voire, on a même eu droit à des banderoles appelant à l'ouverture des frontières entre les deux pays. «Ouvrez les frontières. Marocains et Algériens sont des frères et des non ennemis», lit-on sur une banderole. Même El Watan, quotidien algérien très hostile au Maroc dans l'affaire du Sahara, a tenu des propos modérés, saluant la victoire des Fennecs et reconnaissant la supériorité des Lions de l'Atlas. Mais si les choses se sont bien déroulées à Annaba et que l'issue du match n'a connu aucun affrontement entre les supporteurs des deux pays, c'est en France que les choses ont dégénéré. Sous le titre «Le match Algérie-Maroc dégénère en France», le site internet du Point fait état d'échauffourées entre Marocains et Algériens surtout à Toulouse et Montpellier. Se référant à des sources policières, Le Point rapporte que des heurts ont opposé jeunes supporteurs des deux équipes et policiers, notamment à Toulouse, place du Capitole, où une cinquantaine d'individus ont pris à partie les forces de l'ordre en leur jetant des projectiles, tandis que d'autres brisaient les vitrines de certains commerces et que plusieurs véhicules étaient incendiés. «Des interpellations ont eu lieu en fin de soirée, un policier a été légèrement blessé à la jambe», écrit ledit hebdo qui cite un policier selon lequel «les vitres d'un tramway ont volé en éclats, des poubelles ont été incendiées, on a dû dévier la circulation durant plusieurs heures». Des incidents ont également eu lieu à Albi dans le sud de la France, où les policiers ont utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser les fauteurs de troubles. Un policier, cité par Le Point, déplore : «C'est toujours le même scénario, dès que l'équipe d'Algérie dispute un match, on s'attend à des échauffourées, et encore leur équipe a gagné !» Gerets hors jeu Algérie-Maroc du 27 mars a été qualifié par les observateurs du pire derby maghrébin de l'histoire des confrontations entre les deux pays. Le spectacle n'était pas de bonne facture. La victoire des Fennecs ne reflète pas réellement la physionomie de la rencontre. Individuellement, les joueurs marocains n'ont rien à envier à leurs pairs algériens. Le collectif leur fait cependant affreusement défaut. Tout comme l'expérience au niveau africain. Et ce alors que les Algériens sont rodés grâce à des confrontations des plus coriaces comme contre l'Egypte. Curieux tout de même que le sélectionneur national ait misé sur trois joueurs (Youness Belhanda,Youssef El Arabi et Oussama AS-Saidi), lesquels disputaient leur premier match officiel ! On reprochera également à Gerets de n'avoir pas effectué à temps les changements qu'il fallait. «Au moment où l'entraîneur algérien était sur le qui-vive, Gerets, lui, somnolait donnant l'impression d'être hors jeu», commente Hammadi Hamiddouch, ancien sélectionneur national. Aussi, des observateurs s'étonnent-ils de la déclaration de fin de match où Gerets affirme que Marouane Chamakh «n'a pas donné ce qu'on attendait de lui». C'est à se demander pourquoi l'a-t-on laissé jouer 90 minutes au lieu de le remplacer. Toujours s'agissant du fer de lance de l'attaque marocaine, lequel a multiplié les protestations contre l'arbitre, on aurait pu lui demander de tempérer ses ardeurs. Il en va de même pour Adeel Taarabt qui a excellé dans l'individualisme. Pour ces raisons et bien d'autres, on ne serait pas tenté de donner raison à Gerets lorsqu'il jette la responsabilité de la défaite sur le compte des erreurs d'arbitrage. Joint par Le Temps, l'ancien arbitre Abderrahim El Arjoune, connu pour ses jugements sans concession, estime que le penalty est bel et bien valable. «Les mains du joueur à l'origine du penalty (Adil Hermach) étaient dirigées vers le ballon», rappelle El Arjoune. Désormais, les Lions de l'Atlas ont leur destin entre leurs mains. A l'issue de la phase finale des qualifications, les quatre sélections (Maroc, Algérie, Centrafrique et Tanzanie) ont récolté 4 points. Les compteurs sont donc remis à zéro. Le Maroc dispose toutefois d'un avantage certain : il jouera deux matchs à domicile (Algérie en juin et Tanzanie en octobre) et effectuera un seul déplacement (Centrafrique en septembre). Autrement dit, les Lions de l'Atlas ont toutes les chances de décrocher le fameux sésame. A moins que…. Comme un vrai Lion Né en France d'un père marocain et d'une mère algérienne, Mehdi Benatia (24 ans) fut l'auteur d'un match exceptionnel. Difficile de ne pas s'arrêter sur sa performance face à l'Algérie. L'international marocain, qui évolue au poste d'arrière central, a été irréprochable. Au four et au moulin, il a, à lui seul, dressé un mur devant les attaquants algériens et n'hésitait pas à épauler ses coéquipiers du milieu et de l'attaque. Avec ou sans ballon, il a fait montre d'une maîtrise technique et tactique hors pair. Mieux, il a été à l'origine de l'une de plus belles actions de l'année. Arrêtant trois attaquants adverses à l'entrée de la surface de réparation, il traversait tout le terrain pour jouer une-deux avec son coéquipier et servir sur un plateau d'argent Chamakh qui rate lamentablement. Convoité par Milan AC et Arsenal, Benatia est promis à un avenir radieux. Enfin un Lion qui sait rugir quand il le faut ! Abdelkader El-Aine (Le Temps)