L'aide sociale pour tous    Agence Marchica: 900 MDH pour accélérer la mise en œuvre de projets structurants    Bourse de Casablanca : ouverture en hausse    Colonisation française : une loi algérienne ravive les tensions diplomatiques avec Paris    Israël rejette l'appel de 14 pays à cesser l'expansion des colonies    CAN 2025 : Conférence de presse de Regragui ce jeudi    CAN 2025 : Les favoris prennent déjà position après la première journée    CAN 2025 : Zinedine Zidane à Rabat pour suivre le match de l'Algérie    Prévisions météorologiques pour jeudi 25 décembre 2025    Défense : L'Inde livre les premiers blindés WhAP 8×8 produits à Berrechid pour les FAR    EUWEN TEXTILES : 2,3 MMDH à Fès et Skhirate pour une chaîne textile intégrée    Palestine : Poursuites des attaques israéliennes    USA-UE : Washington sanctionne des personnalités européens    Gymnastique : Marrakech accueille l'Assemblée générale de la Fédération Royale Marocaine et trace une nouvelle feuille de route pour le développement de la discipline    (CAN 2025 / Retransmission TV) De la description à l'incitation : Quand le commentaire sportif perd sa neutralité    Le Burundi s'attaque à la corruption    Fortes pluies, chutes de neige et temps froid, de mercredi à samedi, dans plusieurs provinces du Royaume (Bulletin d'alerte)    Ali Mhadi, nommé nouveau chef de la police judiciaire à El Jadida    Essaouira. « Jazz sous l'arganier » revient pour une 9ème édition    Zakia Driouich : les marchés de gros de poissons ont renforcé la concurrence et freiné la spéculation    Moroccan judiciary institutions join national portal for access to information    Système électoral : vers un renforcement de la représentation des jeunes, des personnes en situation de handicap et des MRE    La Chambre des conseillers adopte à l'unanimité la loi réorganisant le Conseil national de la presse    Coupe d'Afrique des Nations Maroc-2025 : Agenda du mercredi 24 décembre 2025    La CAN 2025 à l'épreuve du marché noir de la billetterie    Le secteur des assurances continue d'afficher des fondamentaux solides (CCSRS)    La vigilance « grand froid » déclenchée en France    Russie : 7 Marocains condamnés pour tentative de migration vers la Finlande    Températures prévues pour jeudi 25 décembre 2025    Double consécration en France pour le neurobiologiste marocain Aziz Moqrich    Descubren nueva especie de araña mariquita en Marruecos llamada Eresus rubrocephalus    Maroc : L'AMO salue l'inclusion des orphelins et des enfants abandonnés à l'aide sociale    Investissement touristique : 2025, l'année du tournant stratégique    RedOne: Je porte le Maroc dans mon cœur, partout où je vais    La Ville de Salé inaugure son musée des instruments de musique    L'or franchit pour la première fois le seuil des 4.500 dollars l'once    Palestiniens et amérindiens : Comparer, oui, mais pas n'importe comment    Réforme de la profession d'avocat : Ouahbi se heurte à nouveau au refus des barreaux    CAN 2025 / Groupe E : Le Burkina Faso renverse la Guinée-équatoriale dans le temps additionnel    Province de Midelt: Un hôpital militaire de campagne à Tounfite au profit des populations affectées par le froid    Lesieur Cristal : Inauguration d'une centrale photovoltaïque en autoconsommation à Aïn Harrouda    Maroc-Japon: signature d'un Échange de Notes et d'un Accord de don supplémentaire pour le port de Souiria K'dima    Vie privée et liberté d'expression : Ouahbi reconnaît une faille législative du gouvernement    Revitaliser la culture populaire à travers les trains : la Chine lance une expérience hivernale innovante    Interview avec Dr Guila Clara Kessous : « L'inscription du caftan marocain à l'UNESCO est un moment de justice culturelle »    Cinéma : les projets retenus à l'avance sur recettes (3e session 2025)    Au MACAAL, Abdelkébir Rabi' explore l'infini du geste intérieur    Jazz under the Argan Tree returns from December 27 to 29 in Essaouira    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'art de se sentir petit
Publié dans Le temps le 18 - 03 - 2011

Que fait-on lorsqu'on se retrouve devant un savant-expert ? On pose une question. Le néocadre l'a fait.
Oh, le néocadre n'est pas franchement homme à se poser trop de questions. Certes, le monde arabe est secoué par des révoltes. Parfois, zappant de chaîne en chaîne à la recherche d'une émission de téléréalité où tout le monde, en maillot, se dore la pilule sous les sunlights des tropiques, il bute sur i-Télé ou BFM TV et là, son regard croise celui désemparé d'un Egyptien distillant sa fureur contre le régime Moubarak. Non, tout ceci ne l'intéresse pas outre mesure. Alors, lorsqu'une potentielle petite amie le traîne à la Chambre française de commerce et d'industrie du Maroc (CFCIM) pour assister à l'intervention d'un intellectuel, il fait la moue. Sur place, il est surpris par l'affluence. On joue des coudes pour s'installer aux premiers rangs, l'assistance est bien habillée, l'ambiance solennelle.
La petite amie potentielle, juriste de formation mais VRP de luxe pour Mango de métier, a manifestement trop lu dans sa vie. Elle crible le néocadre d'un discours soporifique, utilisant des mots inconnus : pluralisme, protéiforme, bénalisation, géostraticien… Fort heureusement, elle est forte de poitrine, cela atténue quelque peu les ravages de son intelligence orale. La substantifique moelle de son étalage cérébral est simple : «Je suis futée en plus d'être bien roulée». Bof, le néocadre se serait largement contenté de la deuxième qualité. Un homme fend la foule et prend place sur une estrade, il tapote un micro puis parle. Bluffé par le débit dense et régulier du savant, le néocadre s'enquiert de son identité auprès de la potentielle petite amie. «Chut», l'admoneste-t-elle, toute absorbée qu'elle est par le laïus de l'expert. Dix ans d'Internet, ça vous explose une faculté de concentration. Malgré cela, le néocadre s'efforce de saisir des bribes de discours. Il y est question de Maghreb, de révolution et de contagion. Avec force assurance, l'intellectuel égrène les récits d'une planète en proie aux divisions.
Le néocadre apprend qu'Obama est en difficulté, qu'une formation politique intitulée «Tea party» lui sert d'épine au pied. Est également porté à son attention que la Chine n'est plus une puissance tout à fait dictatoriale. Derechef, il bourre le flanc de la potentielle petite amie : «Qui c'est ?» murmure-t-il. «Khô, c'est Pascal Boniface, gros nul, Directeur de l'Institut des relations internationales et stratégiques». Ahem ! Tout à coup, le néocadre est submergé par un sentiment d'humilité. Ca, conjugué à l'excellence verbale de l'érudit, produit en lui un début d'intérêt, peut-être même une gêne. Pour une raison qui lui échappe, le néocadre mesure désormais sa petitesse devant la potentielle petite amie. Elle au moins doit saisir à leur juste valeur les perles de sagesses émanant du savant. La petitesse se transforme peu à peu en jalousie brûlante.
Alors, une idée émerge. Le néocadre attendra la fin de l'intervention et posera une question. Il prouvera à cette juriste maniérée qu'il n'est en rien sujet au vide crânien. Religieusement, il patiente, ruminant son heure de gloire. Fin de l'exposé, les micros circulent dans les travées de la salle. Le néocadre, furtif, quitte son siège et se dresse tel un échafaud. On l'a repéré, on s'empresse de lui donner la parole. En conséquence de quoi, il commence : «Mr Boniface, ma question est la suivante : Vous avez laissé entendre que les US étaient un peu à la traîne en matière de mondialisation par rapport à la Chine. Je me permets donc de porter à votre attention que Facebook et Twitter, deux outils ayant joué un rôle déterminant dans la révolution tunisienne, sont d'invention américaine et non chinoise. Peut-on conclure, en définitive, que le soulèvement des jeunes n'est autre que la résultante d'une américanisation du monde arabe ?» Avant de se rasseoir, le néocadre balaie la salle du regard, l'assistance est transie, parfait. Impérial, le néocadre se cale dans son siège et croise les jambes. La réponse de l'expert ne saurait tarder se dit-il. Or, il comprend très vite que le micro, sans fil, n'a émis aucun son. D'ailleurs Pascal Boniface s'est détourné, happé par une autre question, audible cette fois-ci.
Etreint par une honte inénarrable, notre ami suffoque, il demande à partir. La petite amie potentielle, plutôt aimable, le raccompagne aux portes du CFICM. Il sait à présent qu'un lien s'est brisé et qu'il ne la verra jamais en tenue d'Eve. Tandis que, penaud, il lui fait la bise, elle dit ceci : «Non !». «Non quoi», s'étonne le néocadre. «Non, poursuit-elle, la révolution tunisienne n'est pas la résultante d'une américanisation du monde arabe… Par contre, ta question était trop mimi. On se revoit demain ?». Alléluia, le ridicule plaît. Mille mercis monsieur l'expert.
Réda Dalil


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.