L'usine de Tanger est partie pour se positionner comme pièce maîtresse du plan stratégique de Renault. Explications. Renault affiche clairement ses ambitions pour le développement de ses modèles low-cost. Son usine à Tanger sera à coup sûr au cœur de ce nouveau dispositif, au moins pour des marchés de proximité, notamment ceux de l'Afrique et du Moyen-Orient. Renault qui réalise environ 10% de marge sur les Dacia, a tout à gagner à développer ce segment. Carlos Ghosn, président-directeur général de Renault, espère ainsi que sa gamme «Entry» (qui comprend les Logan, Stepway, Sandero, Duster et le futur monospace Logan…) représente, en 2013, 28% des ventes, soit quelque 840 000 unités sur les trois millions que le groupe compte écouler à cette date. L'usine de Tanger qui entrera en service bien avant cette date, début 2012 plus précisément, aura un rôle important à jouer pour concrétiser cet objectif. Dès 2012, en effet, le 4x4 Duster attaquera le marché africain et celui du Moyen- Orient en s'appuyant sur le nouveau site de Tanger. Chez notre voisin de l'Est, l'Algérie, dont les frontières avec le Maroc demeurent fermées, donc entravant toute forme d'échange, Renault serait par ailleurs disposer à ouvrir une usine, au cas où les décideurs algériens souhaiteraient développer une industrie locale. Sur ce marché, beaucoup plus grand que le marché marocain et où Renault est leader, Carlos Ghosn doit poursuivre des négociations qui deviennent de plus en plus serrées dans la mesure où des ténors de l'industrie automobile veulent également s'y installer, à l'image de l'allemand Volkswagen. Le retour de Nissan Signe de l'importance stratégique de l'usine de Tanger est l'annonce faite par Carlos Ghosn, lors de la présentation, la semaine écoulée à Paris, des résultats financiers 2010 du groupe et de son plan stratégique 2016, du retour de son partenaire Nissan sur le site de Melloussa. Sans donner plus de détails sur cet éventuel retour du constructeur japonais, qui a dû y renoncer en 2008 sous la pression de la mauvaise conjoncture internationale marquée par l'éclatement de la crise économique et financière, M. Ghosn souligne cependant que la deuxième ligne prévue à Tanger sera exclusivement dédiée à Renault. «Cette deuxième ligne sera réservée uniquement à Renault, mais Nissan reviendra à Tanger, ça je vous le confirme.» Parole de M. Ghosn, par ailleurs président de l'alliance Renault-Nissan. Il aura suffi de cette annonce pour que les industriels marocains se montrent confiants et affichent leur satisfaction quant au bon état d'avancement de l'usine de Tanger. Mohamed Ouzif, directeur de l'Amica (Association marocaine pour l'industrie et le commerce de l'automobile) estime dans une déclaration au Temps que «le plus important pour nous, industriels marocains, est cette réaffirmation de Renault de l'entrée en activité de la deuxième ligne de l'usine de Tanger en 2013. Ce qui est de nature à doubler le volume de production pour le porter à terme à 400 000 véhicules par an». Pour anticiper cette montée en puissance de l'usine de Tanger, les industriels marocains auront «du pain sur la planche», selon M. Ouzif. Dans cette perspective, les contacts avec des équipementiers de 1er degré se multiplient afin de les inciter à venir s'installer au Maroc. «Certains d'entre eux ont déjà confirmé leur implantation et devront entrer en activité dés janvier 2012», renchérit M. Ouzif. En clair, Renault-Tanger, dont l'investissement nécessitera 600 millions d'euros, ambitionne de devenir l'un des plus importants centres de production automobile du bassin méditerranéen. 90% à l'export La future production du site tangérois sera à hauteur de 90% orientée vers l'export, notamment sur les marchés de l'Afrique et du Moyen-Orient, tandis que les 10 % restants seront écoulés sur le marché local. L'usine de Tanger Med «va permettre d'épauler nos efforts en Moyen-Orient, mais aussi en Afrique, un continent qui compte un potentiel inexploité», explique Carlos Ghosn. «Nous avons accueilli avec satisfaction ces déclarations. Le Maroc est parmi les marchés cibles et très importants de Renault. Cette dernière s'active pour respecter l'échéancier du début opérationnel de l'usine de Melloussa», commente, dans une déclaration au Temps M'hamed Tazi, directeur communication de Renault Maroc. Maintenant que l'échéancier du démarrage effectif de l'usine de Tanger est maintenu et sera respecté, reste un élément de taille à régler : la qualification des ressources humaines. A ce niveau, les choses semblent avancer convenablement. En effet, comme nous le rappelle M. Ouzif, en plus du centre de formation de Renault à Tanger qui sera incessamment opérationnel (2500 opérateurs et 6000 à terme), trois autres instituts de formation aux métiers de l'automobile sont à un stade très avancé. « Nous avons pu bénéficier de l'assistance technique de plusieurs partenaires étrangers pour développer des compétences par métier», ajoute M. Ouzif. Trois centres de formations aux métiers de l'automobile basés à Tanger, Kenitra et Casablanca, ouvriront leurs portes dans les mois qui viennent. Le Plan de l'émergence industrielle accorde en effet une importance particulière au développement des ressources humaines et à la qualification des compétences. «Actuellement, les différents collaborateurs suivent des formations pour être opérationnels dès l'ouverture de l'usine de Tanger», nous confie le directeur de communication de Renault Maroc. Dans cette perspective, l'alliance Renault-Nissan a annoncé récemment avoir entamé la formation de 30 cadres supérieurs indiens de différentes spécialités dans son usine de Chennai (sud de l'Inde) et qui devront par la suite superviser la formation de techniciens marocains de l'usine de Tanger. Selon le quotidien indien des affaires Business Standard, les usines de Tanger et de Chennai devront fonctionner de la même manière, dans la mesure où les techniciens marocains appliqueront, après leur formation, les mêmes techniques de travail à Tanger. A rappeler que le futur complexe de Tanger, s'étalant sur une superficie de 300 ha dans la zone économique spéciale du méga projet Tanger-Med, permettra la création de 6.000 emplois directs et près de 30.000 autres indirects. Qui dit mieux ! Said El Hadini (Le Temps)