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Le Businessman de l'année
Publié dans Le temps le 08 - 12 - 2010

Coach et homme d'affaires avisé, Gerets mène à sa guise Marocains, Saoudiens et bientôt Français. Plongée dans la méthode Gerets.
Avant même d'avoir foulé le sol marocain, Eric Gerets est déjà une star. Il doit cette starification surtout à son salaire mirobolant (environ 2,5 millions de dirhams) qui fait de lui l'entraîneur le mieux rémunéré au monde après l'Italien Fabio Capello (Angleterre). D'ailleurs, une boutade circule, faisant le parallèle entre le salaire des 35 membres du gouvernement marocain (en moyenne 60 000 DH mensuel pour un poste ministériel) et celui de Gerets. On en conclut que la masse salariale du gouvernement est en moyenne de 2,1 millions de dirhams, soit moins que ce que touche Gerets. Et un commentateur d'ironiser : «Pour résumer, un monsieur qui va apprendre à 22 joueurs comment suivre un ballon et marquer des buts, gagne autant qu'un gouvernement qui gère les affaires de tout un pays de 30 millions d'habitants. Cherchez l'erreur…»
Mais, on le sait, le salaire des entraîneurs nationaux relève du secret des dieux. Bien avant Moncef Belkhayat, les ministres de la Jeunesse et des Sports ont souvent été interpellés au Parlement au sujet des salaires des entraîneurs de l'équipe nationale. Ils n'ont jamais apporté que des réponses évasives.
Entraîneur par procuration
Celui que l'on attend comme le messie pour redresser l'échine d'une équipe nationale mal en point mais qui se remet (victoire 1-0 face à la Tanzanie à Dar Es-Salam), semble se plaire et se complaire dans le bruit suscité autour de lui. Payé à coup de millions (en devises), le coach belge crée des dissensions entre Saoudiens et Marocains pourtant liés par des relations des plus amicales. Pas une semaine ne passe sans que les uns et les autres ne se tirent dans les pattes. A coup de déclarations qui, cependant, ne frisent pas l'insolence, les deux camps se disputent le «droit» de voir leur équipe évoluer sous la houlette de Gerets. Et qui pis est, ces dernières semaines, on a eu droit à des menaces à peine déguisées. En effet, dans une déclaration à la presse, relayée par France Football, le président du club saoudien de Al-Hilal assure que le Maroc «a signé un contrat avec un entraîneur (Eric Gerets), alors que celui-ci est déjà sous contrat avec Al Hilal. Cela viole les réglementations en vigueur et nous n'allons pas nous taire, malgré les bonnes relations entre le Maroc et l'Arabie Saoudite». Pendant ce temps, Moncef Belkhayat reste catégorique : «Eric Gerets prendra ses fonctions le 15 novembre comme convenu».
La presse saoudienne ajoute à l'amalgame en annonçant que les responsables de Al Hilal vont proposer à leurs homologues marocains d'accepter que Gerets endosse le double costume de sélectionneur du Maroc et d'entraîneur de Al-Hilal comme l'avait fait le Néerlandais Guus Hiddink avec Chelsea et la Russie. Ainsi donc, Sami Al Jaber, l'un des plus grands footballeurs saoudiens de tous les temps et actuel manager général de Al-Hilal devrait se rendre au Maroc pour proposer cette possibilité à Ali Fassi Fihri, président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF). D'aucuns craignent que les responsables saoudiens, en cas de refus, haussent le ton et saisissent l'instance suprême du football mondial, la FIFA. A ce moment-là, les relations dites amicales pourraient en pâtir.
Spectateur passif
Et comme si tout cela ne suffisait pas, voilà que la presse française annonce un probable retour de Gerets dans l'Hexagone. N'étant plus en odeur de sainteté avec le président de l'Olympique Lyonnais, Jean-Michel Aulas, pour cause de mauvais résultats, l'entraîneur Claude Puel est sur le départ. Et c'est Eric Gerets qu'on annonce comme son futur successeur, selon Radio Monte-Carlo.
Cette information a eu l'effet d'une bombe. Belkhayat, toujours aux aguets, est une nouvelle fois monté au créneau pour rassurer les sceptiques en affirmant que le Lion de Rekem sera aux commandes des Lions de l'Atlas mi-novembre. «M. Gerets prendra effectivement ses fonctions le 15 novembre et le contrat entre lui et la fédération est clair à ce sujet… Ce contrat est déposé à la FIFA et M. Gerets a, à maintes reprises, exprimé sa volonté d'honorer son engagement vis-à-vis du Maroc» a-t-il déclaré, mardi 12 octobre, à l'Agence France Presse. Mais Gerets, toujours égal à lui-même, n'a pas manqué l'occasion de jeter le trouble dans les esprits. «Si à un moment donné le contrat de Claude (ndlr : Puel) prenait fin et le mien avec le Maroc aussi, il y aurait une possibilité», a-t-il confié au quotidien Le Parisien. En définitive, une situation ubuesque qui déplaît aux supporters et observateurs du football national. Pour Hammadi Hamiddouch, la fédération a eu tort de faire appel aux services d'un entraîneur sous contrat. «Il fallait tenir compte des échéances du team national et ne pas jouer avec le feu. De nombreux entraîneurs de qualité sont disponibles, on aurait dû les approcher au lieu de solliciter un entraîneur et le payer alors qu'il vit bien loin des problèmes de l'équipe nationale», a déclaré M.Hamiddouch au Temps.
«Cependant Gerets pourrait mettre fin à tout ce cirque, estime un observateur. Il a fait jouer une clause dans son contrat lui permettant de se libérer de sa dernière année à la tête du club saoudien. Personne n'y trouve à redire. Mais le hic, c'est que Gerets aime maintenir suspense et flou.» Habitué à donner ses consignes pour changer la physionomie d'un match, Gerets reste un spectateur passif face à ce qui pourrait être qualifié de combat de coqs entre des pays qui, à défaut de produire des entraîneurs, ont du mal à en recruter. Sans doute joue-t-il de l'estime excessive dont il jouit. Lui qui n'a jamais entraîné un grand club ni une équipe nationale.
Pour toutes ces raisons Eric Gerets, qui perçoit son salaire de la Fédération sans entraîner effectivement l'équipe nationale et qui fait monter les enchères, mérite la palme du businessman de l'année. D'autant que la prochaine sortie officielle des Lions de l'Atlas sera en mars prochain face à l'Algérie dont la presse prépare déjà l'opinion publique à une rude bataille (sic), comme l'ont écrit les quotidiens Echorouk et Al Khabar après la défaite des Fennecs face à la Centrafrique. Ce sera une nouvelle occasion d'attendre la baraka de Gerets.
A.E.A
* Le Lion de Rékem en chiffres : Salaire annuel :
30 000 000 DH
Salaire mensuel : 2 500 000 DH
Salaire hebdomadaire :
357 000 DH
Salaire quotidien : 83 333 00 DH
Salaire par heure : 3 472 DH
Salaire par seconde : 58 DH
Contrat Le messie sollicité
Juin 2010, Eric Gerets est approché par les responsables marocains. Toujours sous contrat avec l'équipe saoudienne d'Al Hilal, l'entraîneur belge accepte de prendre les rennes des Lions de l'Atlas. Son épouse se serait mal acclimatée avec les conditions de vie en Arabie saoudite. Elle aurait d'ailleurs acquis une villa à Agadir.
Salaire La pomme de discorde
Interpellé au Parlement par le groupe du PJD (Parti de la Justice et du Développement), le ministre de la Jeunesse et des Sports, Moncef Belkhayat, a jugé «infondé» le montant du salaire (2,5 MDH) rapporté par certains médias. Belkhayat n'a pas non plus donné le montant exact ni apporté des précisions.
Victoire Les Lions rugissent à nouveau
Sans Gerets, l'équipe nationale ramène une précieuse victoire de Dar Es-Salam face à la Tanzanie (1-0). Un succès tant attendu qui place les Lions de l'Atlas en tête du groupe D ex aequo avec la Centrafrique (4 points), devançant l'Algérie et la Tanzanie (1 point).
Optimisme Quand Ali Fihri s'exprime
Lors de l'une de ses rares sorties médiatiques, le patron du football national a déclaré au bi-hebdomadaire sportif Al Mountakhab : «Nous avons passé un contrat de quatre ans avec Gerets afin de lui permettre de préparer une sélection nationale homogène et de garantir la stabilité technique de l'équipe en vue de réaliser les résultats escomptés».
Jamais un entraîneur n'a été autant acclamé que Zaki. A tel point que son ombre plane
à chaque sortie du team national.
Le fantôme de Zaki
Une carrière sportive hors pair. Plusieurs distinctions dont celles, deux années de suite, de meilleur gardien de la très prestigieuse Liga espagnol, Ballon d'Or africain et meilleur keeper arabe du XXè siècle... Badou Zaki peut être qualifié de phénomène sans restriction aucune. Car, dans un pays où le football est le sport le plus populaire, Zaki est idolâtré. Héros national aux yeux du public qui l'a placé sur un piédestal, ennemi public numéro un pour les responsables ayant opté pour un autre cadre : le nom de Badou Zaki revient comme un leitmotiv dans la bouche des supporters marocains. Non seulement dans le royaume mais aussi aux quatre coins du monde, Zaki est glorifié. Que d'articles élogieux sur le Net ! Un groupe a même été créé sur Facebook demandant le retour de Zaki à la tête du Onze national. Un sondage d'un magazine féminin l'a sacré «l'homme le plus aimé des femmes marocaines». Dans plusieurs sondages d'opinion sur des sites et portails nationaux, Zaki figure en tête des personnalités les plus choyées par les Marocains, devançant de loin les hommes politiques et les artistes. Jamais personne n'a reçu autant de bulletins de vote. «On assiste depuis sept ans à une incroyable levée de boucliers contre les responsables marocains, estime un observateur. Zaki a fait rêver des millions de Marocains avec l'équipe de 2004. Personne avant lui n'a réussi pareil exploit.» Excepté lors de la mort de Hassan II en 1998, jamais les Marocains ne sont sortis en masse dans les rues comme en 2004. Même quand l'équipe a été battue en finale de la Coupe d'Afrique par la Tunisie (1-2), des millions de Marocains se sont retrouvés dans la rue pour acclamer Zaki et ses poulains, devenus héros nationaux.
Un héros...
Badou Zaki, considéré comme un héros national pour son parcours exemplaire et ses années de bons et loyaux services avec les Lions de l'Atlas, a davantage gagné en estime et considération après la campagne de 2004. Au point qu'on ne jure plus que par son nom. Le nom de Zaki hanterait jusque dans leur sommeil les responsables du football national. D'autant que ces derniers n'ont plus aucune échappatoire pour recourir aux services de cadres étrangers, arguant que le Maroc ne dispose pas d'entraîneurs de grand calibre (sic). Moncef Belkhayat, ministre de la Jeunesse et des Sports, en a fait les frais. Invité à une émission sportive sur Radio Mars, il a eu l'outrecuidance de dire : «Je défie quiconque de me citer le nom de cinq entraîneurs marocains de niveau mondial». Les critiques ont fusé de toutes parts.
Et la réponse a fusé en chœur par les nombreux observateurs comme les simples particuliers :
Zaki. Sans doute s'agit-il d'un sentiment de nationalisme chauvin exacerbé quand d'aucuns estiment que l'ancien capitaine des Lions de l'Atlas «vaut tous les entraîneurs étrangers». Un chroniqueur de la place n'a pas hésité à sortir la photo de Zaki en larmes après le coup de sifflet final de Maroc-Tunisie pour conclure : «Il n'y a qu'un Marocain aimant son pays qui puisse s'émouvoir de la sorte». Zaki a eu une mauvaise expérience lorsqu'il se présenta aux élections législatives de 1997.
Mais le jeu à l'époque était ce qu'il était, on ne sait s'il avait réellement échoué. Aujourd'hui, on imagine la razzia qu'il pourrait faire s'il se présentait aux élections. Dans une déclaration au Temps, Mohamed Boufrioua, enseignant à l'ISCAE (Institut supérieur de commerce et d'administration des entreprises), spécialisé dans le management sportif, estime en effet que Zaki est un phénomène. «Au-delà des qualités personnelles et professionnelles de l'homme, il est avant tout un Marocain. Sa présence à la tête de l'équipe nationale rappelle une période glorieuse du football marocain avec l'épopée de 1986 et l'exploit de 2004», observe M. Boufrioua.
«Rendez-nous Zaki»
Badou Zaki est aussi et surtout aimé en haut lieu. Feu Hassan II l'entourait d'une grande affection. On estime que, avec Timoumi, il était son joueur préféré. Pour preuve, en pleine Coupe du monde, apprenant la naissance de la fille Zaki, le défunt roi lui a demandé de donner le prénom de l'une des princesses à son premier enfant. Quelques années plus tard, la deuxième fille de Zaki portera également un prénom choisi par feu Hassan II. Apprécié par Mohammed VI qui l'a décoré du Wissam Al Arch de l'ordre d'officier, Zaki est néanmoins confronté à une opposition farouche face à laquelle il ne fait pas le poids. En tête de ses détracteurs, Mohamed Aouzal, ancien premier vice-président et deuxième homme fort de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), ne cache pas son animosité pour l'ancien sélectionneur des Lions de l'Atlas.
M. Aouzal, par ailleurs très proche de Housni Benslimane, s'en est pris ouvertement à Zaki dans les colonnes de la presse, allant même jusqu'à avancer qu'il était «un bon sélectionneur mais un piètre entraîneur». Zaki n'a pas tardé à lui rendre la monnaie : «Aouzal est responsable des plus grands crimes envers le football marocain».
A l'origine de cette animosité qui a contraint Zaki à jeter l'éponge, son refus d'obéir aux instructions d'Aouzal de faire appel à certains joueurs.
Les piètres performances de l'équipe nationale, menée par des entraîneurs rémunérés à prix d'or, ont augmenté le capital sympathie dont jouit l'ancien sélectionneur national. A chaque fois que l'équipe nationale est mentionnée, les commentaires abondent sur les sites Internet, rappelant les qualités de Zaki et demandent le retour de ce dernier. Des commentaires acerbes sont réservés aux responsables coupables aux yeux des supporters d'avoir «marginalisé un cadre national des plus compétents et de recourir aux services d'un cadre étranger dont le salaire coûte les yeux de la tête». La victoire à Dar Essalam, samedi 9 octobre, face à la Tanzanie, n'a pas plaidé en faveur des patrons du football national. Car tout en célébrant ce succès tant attendu, certains n'ont pas manqué l'occasion d'épingler la fédération et de scander une nouvelle fois le nom de… Zaki. Décidément, les voix du public sont impénétrables.
A.E.A


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