Une grande partie des Marocains succombe aux offres alléchantes de sociétés spécialisées. Les vacances d'été et le mois de ramadan l'auront prouvé. Les crédits à la consommation sont de plus en plus prisés et les offres de financement innovantes. Exemple : la dernière campagne de communication d'une institution de financement parmi les plus cotées dans le pays, et qui ne lésine pas sur les moyens. Son arme : un spot publicitaire original qui a envahi nos petits écrans cathodiques pendant la rupture du jeûne : «le génie bleu». Une formule de financement qui stipule que, pour un montant de 10 000 DH, vous ne remboursez que 220DH par mois en plus d'un différé de paiement gratuit vous permettant de ne payer la première échéance qu'à partir de 2011. Une formule qui ne vise que les fonctionnaires pour un marché où les cadres et les salariés du privé sont de gros consommateurs de crédits. En effet, les sociétés de financement proposent des formules adaptées à toutes les classes sociales en profitant de chaque occasion (ramadan, vacances d'été, rentrée scolaire et fête du mouton). Ainsi, les opportunités ne manquent pas pour communiquer à propos des offres de financement auprès des ménages marocains. Un Marocain sur trois est surendetté ! Par nécessité ou sous l'effet de séduction, le Marocain cède à la tentation et contracte un, deux, voire même trois crédits sans s'inquiéter vraiment des répercussions d'une telle frénésie. D'où la question qui se pose : est-ce que les ménages marocains sont surendettés ? Légalement, une personne surendettée est quelqu'un a qui il ne reste,après le paiement de ses échéances que 35% de son revenu mensuel net. Or, à en croire une récente étude menée par l'APSF (Association professionnelle des sociétés de financement), un organisme qui regroupe une trentaine de banques et de sociétés de crédits, un Marocain sur trois se retrouve avec seulement 30% de son salaire après le remboursement de ses dettes. Constat : 33% des Marocains sont surendettés ! Le taux de 35% n'est généralement pas respecté par les sociétés de financement et les dépassements sont très fréquents vu qu'aucune loi n'existe pour régir ce volet. Ceci, en attendant la publication dans le Bulletin officiel de la fameuse loi sur la protection du consommateur. «Les crédits à la consommation ont occupé une place importante dans l'élaboration de la loi 31-08 de protection des consommateurs et ils seront bien encadrés», déclare Saloua Karkri Belkeziz, du comité des secteurs productifs et député USFP. Belkziz rappelle, en outre, qu'une centrale des risques existe depuis début 2009. Cette nouvelle base de données, mise à la disposition des institutions financières, dresse l'historique de tout emprunteur (nombre de crédits dont il a bénéficié, leurs montants et les habitudes de paiement...). Un outil efficace pour empêcher un surendettement des ménages marocains. Des dettes et encore plus de dettes… Bank Al Maghrib a révélé récemment que l'encours des crédits accordés aux ménages a augmenté de 12,4% durant l'année 2009 contre 15% une année auparavant. Un taux qui n'est, toutefois, pas si alarmant selon l'argentier du royaume. Or, il faut préciser que cette évolution a été accompagnée d'un véritable durcissement d'octroi de crédits à cause de la conjoncture difficile de l'année 2009. Cependant, et de façon plus globale, l'évolution des dettes bancaires a augmenté considérablement de plus de 60% sur cinq années. Une évolution qui ne va pas de pair avec le revenu et le pouvoir d'achat du Marocain. Résultat : asphyxie des ménages qui deviennent dépendants des crédits. L'évidence veut que lerecours au crédit soit une source d'allégement pécuniaire pour le consommateur marocain et un moyen de consommation, dans la mesure où la personne est capable de le rembourser. Or, ces dernières années, la montée en puissance de la multiplication des dettes se fait ressentir et c'est là que le bât blesse ! Cette multiplication des dettes a été accentuée par les offres alléchantes des différentes sociétés de financement et organismes de crédit. Ces organismes se livrent à une concurrence acharnée avec, pour objectif, de séduire par tous les moyens le consommateur. Cette séduction prend plusieurs formes. «Entre le dépôt de la demande d'octroi du crédit et la remise du chèque, la décision est prise parfois en quelques heures», commente ce professionnel du métier qui pointe du doigt la souplesse du traitement des dossiers par les établissements marocains dont le seul but est d'avoir plus de parts de marché sans vraiment se soucier de la solvabilité du client. «Vous pouvez même avoir un crédit sans vous déplacer, via Internet. Dans les 30 min qui suivent votre demande, vous recevez un appel vous annonçant la décision d'octroi. Il ne vous restera qu'à vous diriger vers l'agence la plus proche pour récupérer le chèque» ajoute-t-il. Et la demande est prête à suivre cette frénésie commerciale des établissements de crédit. Rien que pour le crédit à la consommation, l'encours moyen par dossier a été de 27 000 DH en 2009 contre 22 600DH en 2008, selon la direction de la supervision bancaire au sein de Bank Al-Maghrib. Cette hausse marque une progression globale de 30% sur 5 années. Ce qui témoigne de l'aggravation de l'appétit des ménages pour la consommation,essentiellement tirée par les crédits. Le constat est aussi alarmant que structurellement faussé. Car une croissance doit être tirée par la demande. Or, la consommation au Maroc se fait le plus souvent par le biais de recours à plusieurs crédits. Devrait-on favoriser la consommation par l'endettement ou bien ralentir ce rythme ? Ce qui est sûr c'est que le consommateur est le plus appelé à rationaliser ces dépenses pour ne pas entrer dans le cercle vicieux des crédits simultanés dus à un besoin de surconsommation inutile. Mohamed Amine Hafidin (Le Temps)