Vu le nombre de problèmes à résoudre, le ministre de l'Economie et des Finances risque de pas ne pas voir le bout du tunnel. Cette rentrée s'annonce particulièrement chaude avec le projet de Loi de finances de 2011, en cours d'élaboration dans les départements du ministère de l'Economie et des Finances. Cette année, résoudre l'équation du budget sera plus que jamais difficile puisqu'il faudra aux équipes de Salaheddine Mezouar résoudre une équation à plusieurs variables nationales et internationales, mais également répondre aux exigences des centrales syndicales d'une part, et du patronat d'autre. Dans cette optique, le Budget s'avère être un véritable casse-tête pour l'argentier du royaume. Dans une sortie médiatique, Salaheddine Mezouar a réitéré les propos de son directeur des études et des prévisions financières, Mohamed Chafiki, quant au rejet de l'idée d'un plan d'austérité et de rigueur budgétaire. Le ministre des Finances a fait le tour des autres départements ministériels, qui n'ont consommé leurs budgets alloués pour 2010 qu'à hauteur de 30% en moyenne. Le message de Mezouar a été clair : pas d'augmentation des dépenses l'année prochaine. Premiers mécontents, les centrales syndicales. Celles-ci, dont les directions se sont félicitées de la réforme de l'impôt sur le revenu en 2008 et 2009, en espéraient davantage cette année. «Nous souhaitons que l'année 2011 soit l'année de la véritable réforme de l'IR. Avec un réaménagement des tranches imposables» soutient Miloudi Moukharik de l'Union marocaine du travail (UMT). Son syndicat réclame que les salaires inférieurs à 6000 DH soient exonérés de cet impôt et que le taux maximal de celui-ci ne dépasse pas 35%. Du côté des patrons, la priorité est à la croissance économique, à travers l'encouragement du tissu productif. «Les entreprises ont besoin d'argent, leurs trésoreries souffrent. Pour y parvenir, la TVA est un chantier nécessaire» explique Mohamed Hdid, président de la commission fiscalité de la Confédération générale Qui renflouera la caisse ? Tiré par les deux bouts, les mal heurs de l'argentier du royaume n'en finissent pas. Les 14 milliards mis dans la Caisse de compensation en 2010 ont été consommés à fin juillet. Au meilleur des cas, c'est-à-dire si les prix des matières énergétiques se stabilisent à leur niveau actuel, la Caisse aura besoin de 13 autres milliards pour finir l'année en cours. Jusqu'à maintenant, la seule ressource possible, la plus immédiate reste la mise en vente, via la Bourse de Casablanca, de 8% du capital de Maroc Telecom. Cette cession rapportera à l'Etat quelque 8 milliards de dirhams. Le grand emprunt à l'international attendra, car les banques d'affaires internationales ont conseillé au Maroc d'attendre que le climat sur le marché financier, instable et imprévisible, s'apaise. Le report de cet emprunt à 2011 a posé des points d'interrogations quant à la qualité de la notation de la solidité de l'économie marocaine. «Avec une bonne notation telle que celle obtenue par le Maroc, n'importe quel pays peut aller se financer à l'international. Certains le feront. L'hésitation du Maroc et ce report remettent en question la pertinence de cette notation» explique l'économiste Najib Akesbi. La situation se corse pour SalaheddineMezouar, incapable de répondre à toutes les demandes, ni de combler tous les trous. Lui-même a affirmé que les arbitrages ne seront pas faciles cette année. Sentiment partagé par la CGEM. Mohamed Hdid estime que «cette année, il n'y a pas de grosse marge de manoeuvre» et que «ces arbitrages se passeront dans la douleur ». Mais si la CGEM souhaite plus de «clémence» fiscale envers les entreprises, les voix s'élèvent de plus en plus contre la fraude et l'évasion fiscales. «L'Etat doit faire des efforts pour lutter contre toutes les formes de fraude fiscale. Le manque à gagner est énorme : 50%» affirme le syndicaliste Miloudi Moukharik. D'ailleurs les bruits qui courent font état d'une accentuation du contrôle fiscal, une opération de terrain accompagnant la lutte menée par l'Etat contre les niches fiscales, histoire de dégager des marges. Omar Radi (Le Temps)