Face à la baisse des recettes fiscales, l'Administration des impôts accélère le rythme des redressements fiscaux. Les entreprises expriment leur ras-le-bol. «Nous vivons une véritable razzia fiscale !», enrage en privé ce chef d'entreprise. Sous l'effet d'un redressement fiscal qui dure depuis 4 ans, il risque tout simplement de mettre la clé sous la porte. «Je ne pourrai pas payer ce qu'on me demande. En plus, je conteste toute la logique du contrôle que je suis en train de subir», poursuit-il. La «méthode Bensouda» Depuis plusieurs mois, dans les salons de Casablanca et de Rabat, «la méthode Bensouda» revient invariablement dans les discussions. Le Directeur des impôts est à présent dans le collimateur des milieux d'affaires. Acculé à collecter l'impôt, Nourredinne Bensouda ratisse large : grandes entreprises, PME et même petites SARL. «Il a fait le tour du secteur formel. Tout le monde a payé. Il n'y a plus rien dans les caisses. Que va-t-il faire maintenant pour financer le budget de l'Etat ? Pourquoi ne s'attaque-t-il pas à l'informel ?», ajoute un autre chef d'entreprise. Derrière ces doléances, c'est toute la logique du contrôle fiscal qui est pointée du doigt. «C'est un cliché que de dire que les entreprises ne paient pas leurs impôts. Le noir existe dans l'informel et l'immobilier mais pas dans toute l'économie organisée. Le problème est que toutes les entreprises sont considérées comme fraudeuses. Les textes sont ambigus et prêtent à interprétation. En plus, le dialogue avec l'Administration des impôts est d'office déséquilibré, malgré tous les recours juridiques possibles», confie un grand PDG. Les avis de redressement font l'effet d'une bombe en raison des montants demandés. Et souvent, à l'occasion de transactions à l'amiable, les montants baissent sans aucune base logique. «C'est du marchandage à la marocaine pour acheter la paix. Le fisc demande 400 MDH, mais on arrive à 150 après négociation !», confie un grand patron. Et de poursuivre : «Il n'y aucune logique. Ou le Fisc a des règles pour calculer ses montants, ou il n'en a pas ! Et je pense qu'il n'en a pas !». Acheter la paix ! Autre technique de recouvrement des impôts qui suscite l'ire des chefs d'entreprises : l'ajustement sur chiffre d'affaires. «Alors que la comptabilité est bien tenue, que les factures sont dûment établies, l'inspecteur des impôts peut considérer que le chiffre d'affaires de l'entreprise ne correspond pas à la moyenne du secteur et qu'il est donc minoré, cachant du noir !», explique un jeune patron. Ce dernier a renoncé à user des recours au niveau local et national. L'expérience a montré que, souvent, les montants sont aggravés quand l'entreprise ose contester l'avis de redressement. «Il vaut mieux payer et passer à autre chose», commente-t-on dans les milieux d'affaires. Le problème devient en revanche une question de survie pour les petites entreprises et les SARL en général, dont les moyens financiers sont limités. Un redressement équivaut souvent à une mort certaine de l'entreprise. «Nous sommes en train de tuer l'investissement dans ce pays. Le chef d'entreprise ne demande pas un chèque en blanc. Mais ce n'est pas parce que les recettes sont en baisse que le gouvernement doit appuyer sur l'accélérateur du contrôle fiscal. En temps de crise, la priorité doit être plutôt au maintien de l'emploi», explique un expert-comptable. Jeudi dernier dans la soirée, Nourredinne Bensouda devait entre autres répondre aux questions des chefs d'entreprise sur cette fièvre des contrôles fiscaux. Mounir Arrami