4ème congrès des experts comptables Près de 400 personnes sont venues assister au 4ème congrès de l'Ordre des Experts Comptables, consacré à la fiscalité. Cette rencontre aura été à la hauteur des attentes des professionnels avec des recommandations majeures concernant la création, le développement, la fiscalité internationale et le contentieux. Des experts espagnols, sénégalais et libanais ont partagé les récentes réformes de leur pays respectifs. Comme à chaque édition, les centaines de participants au congrès des Experts comptables n'ont pas été déçus par la richesse des débats et des échanges. Mais cette année le thème retenu paraît encore plus intéressant, tant la fiscalité interpelle à la fois les experts comptables eux-mêmes, mais aussi les chefs d'entreprises et la direction générale des Impôts. Dans un contexte où la promotion de l'investissement et de l'auto-emploi occupe une place de choix, les dispositifs d'incitations à la création d'emploi ont été au centre d'un débat à la limite de la passion. Ainsi, ce premier panel a fortement recommandé au législateur à la fois de cibler les incitations fiscales liées à la création d'entreprises. Les participations n'ont cependant pas cédé à la tentation de demander des exonérations à tout va. Sans doute, les milieux d'affaires, les entreprises et leurs conseillers fiscaux savent-ils déjà qu'on s'achemine tranquillement vers la fin des exonérations. On est presque tenté de le croire. Car dès l'ouverture du congrès le 1er décembre, le directeur des impôts, Nourredine Bensouda, l'avait affirmé. "Nous allons essayer de supprimer progressivement les centaines d'exonérations". Cela explique peut-être la première demande de l'atelier qui devait se pencher sur la fiscalité liée à la création d'entreprise. Il s'agit d'une demande liée à la baisse du taux d'impôt sur les sociétés qui doit être ramené à 15% pour les entreprises nouvellement créées. En second lieu, il y a la sempiternelle question des impôts locaux jugés non seulement improductifs mais aussi qualifiés de source de complexité inutile. Par ailleurs, l'Etat devrait penser à mettre en place un dispositif qui prend surtout en compte la création d'emplois. Selon les participants à ce congrès, il n'est pas judicieux de considérer l'unique souci d'équité entre une entreprise créatrice d'emplois et une autre qui hésite à embaucher. De même, toujours dans l'esprit de la résorption du chômage, l'Etat se doit d'encourager les entreprises et les salariés à recourir à l'essaimage. Cela pourrait passer par des exonérations de l'IGR pour les employés épargnant en vue de la création d'entreprise, mais aussi par la constitution de provisions visant à financer les entreprises issues de l'essaimage. D'autres mesures comme la révision du zoning d'incitations fiscales, la réduction de l'impôt des patentes, la baisse de l'IGR et la révision de ses tranches de taxation ont également émané de cet atelier. De même, il doit y avoir une véritable politique' orientée vers la recherche et le développement, la formation, mais aussi l'installation des entreprises dans une zone de nouvelles technologies comme le Technopark. A côté de la création, il y a bien entendu la fiscalité de l'entreprise en développement qui a été le thème du deuxième atelier de ce congrès. En effet, il ne s'agit pas seulement d'assister l'entreprise au moment de sa création, mais il faut aussi l'accompagnement au moment de sa croissance ou dans des périodes de restructuration. La première proposition ne sera sans doute pas du goût de Fathallah Oualalou, ministre des Finances. En effet, les participants ont purement et simplement proposé que l'Etat cherche de nouvelles ressources pour financer le budget et qu'il ne se cantonne plus seulement aux recettes fiscales. Est-ce à dire qu'il faut que l'Etat revienne à sa décision de privatisation? On ne pourrait pas abonder dans ce sens car on a vu quelle était la faiblesse de la rentabilité de nombre d'entreprises quand elles étaient entre les mains de l'Etat. Au lieu de générer des ressources, elles appelaient plutôt au secours le Trésor, poussant l'Etat à augmenter indûment les impôts. Cependant, dans l'accompagnement des entreprises en développement, il est devenu crucial que l'Etat prenne en compte la concurrence fiscale internationale. En effet, dans bien des pays on s'oriente vers une réduction des impôts, dans des pays comme l'Espagne, le Portugal, mais aussi et surtout chez les nouveaux entrants de l'Union européenne. Que faut-il penser quand un pays comme la république Tchèque, la Lettonie ou la Lituanie, plus sévère concurrent du Maroc, ramène leur taux d'IS à 15% seulement ? L'accompagnement des entreprises en développement, devrait également passer par le cadre dans lequel les réformes fiscales se font. Les participants ont pratiquement reproché au ministre des Finances de faire passer les lois fiscales en catimini dans le cadre des lois de Finances. Or, un tel contexte n'est jamais propice au débat. Pis encore, c'est surtout l'occasion d'user de manière régalienne de l'article 19 de la constitution qui impose les lois même si les élus du Parlement ne sont pas d'accord. Pour venir à bout de cet état de fait, il est crucial que les lois fiscales soient proposées et votées de manières indépendantes de la loi de Finances, permettant ainsi d'en débattre sans la pression budgétaire. De même, concernant les exonérations, après un débat houleux, les participants ont convenu que leur suppression ne peut concerner les avantages fiscaux justifiés tant par une création d'emplois, une raison sociale ou encore une participation à la création de valeur ajoutée nationale. Pour ce qui est des entreprises en restructuration, il faut que l'Etat soit indulgent avec les augmentations de capital par apport au patrimoine personnel ou simplement en numéraire. De même, l'Etat doit trouver une solution urgente au retard de remboursement de TVA ou de restitution d'acomptes au titre de l'IS. Concernant la fiscalité inter-nationale, force est de reconnaître que des progrès important ont été accomplis, mais certaines dispositions persistent qui placent le contribuable dans une certaine insécurité. Car il est vrai que le Maroc à signé une soixantaine de conventions internationales, dont la moitié est déjà entrée en vigueur et que l'autre est en cours de ratification. Il reste cependant que les champs d'application sont quelquefois mal définis ou encore, des distorsions existent dans les bases imposables. De même, en matière de droit fiscal la convention a toujours la primauté sur la loi interne. Il n'empêche pourtant pas que dans le cadre de l'ISI comme de l'IGR la référence faite aux conventions internationales conduit quelquefois à une double taxation. Ce qui est la pire des aberrations, puisque l'essence même d'une convention fiscale est d'éviter cette injustice. Un effort doit également être fait en matière de TVA où la retenue à la source pose souvent des problèmes aux entreprises. Par ailleurs, il est crucial de clarifier certaines définitions comme les bureaux de liaison, de représentation, etc. Ces termes sont aujourd'hui trop vagues et conduisent l'administration fiscale à des interprétations différentes et souvent au détriment des intérêts des entrepreneurs. Enfin, le quatrième atelier a porté sur la procédure de contrôle fiscal et de contentieux. C'est lui qui a d'ailleurs drainé le plus de participants parmi les quatre qui se tenaient simultanément. Mais, il est reproché aux services des impôts de ne pas suffisamment clarifier les cas de remises en cause. En d'autres termes, les motivations des décisions de redressement ou bien de rejet pur et simple de la comptabilité ne sont souvent pas claires. Il donc crucial de procéder de manière plus scientifique et mieux organisée, en mettant en place par exemple des normes de rejet ou des seuils chiffrés afin de prendre en compte la notion de sincérité dans l'établissement des états de synthèse. D'ailleurs, dans ce registre, il a été demandé à ce que le choix des entreprises qui font l'objet de contrôles fiscaux ne soit le simple fait du hasard. Une bonne informatisation du service des impôts, permettant de faire des recoupements entre contribuables permet, sans l'intervention humaine de détecter des fraudeurs. Dans le même sens de l'information, l'administration des Impôts doit accélérer les déclarations par échanges de données informatisées. Par ailleurs, la diffusion de la jurisprudence issue des commissions locales de taxation, de la Commission nationale de recours fiscal, mais aussi des tribunaux doit être vulgarisée au mieux.