Le roi a décidé de transformer son palais marrakchi en hôtel. Résultat : un palace… forcément royal. Qui d'entre nous n'a jamais rêvé de passer une nuit dans les appartements royaux ? Désormais, la chose est à la portée du commun des mortels… pour peu qu'il en ait les moyens. En effet, début novembre, ce qui était il y a encore quelques années le palais royal de Marrakech ouvrira ses portes au public… en tant qu'hôtel haut de gamme, ou plutôt très haut de gamme. Baptisé Royal Mansour Marrakech, l'hôtel se positionne déjà comme l'un des plus luxueux, sinon le plus exclusif, des établissements hôteliers de la ville ocre. Et il faut reconnaître que la lecture de son CV donne le tournis. Ici, pas de chambres ou de vulgaires suites : les 53 clés de l'hôtel correspondent à des riads ou des villas individuelles, avec jardins privatifs, dont la superficie va de 170 à 450 m2, pour un total de 78 chambres. L'ensemble hôtelier, construit à l'intérieur des remparts marrakchis, est organisé en une reconstitution de médina mauresque, avec dédales de ruelles et succession de jardins andalous, de fontaines et de jets d'eau. Et qui dit luxe, dit exclusivité. Exit donc la standardisation : chaque riad ou villa bénéficie d'une architecture et d'un aménagement spécifique, histoire de ne jamais lasser le client régulier. Unique point commun : la décoration, qui puise son inspiration dans la tradition marocaine, faisant largement appel aux différents métiers de l'artisanat marocain : zellige, stuc et bois sculptés, ferronneries, marquetterie… Idem pour ce qui est du choix des matières, où la soie le dispute au bois nobles et au marbre. Enfin, le mobilier est quasi-intégralement composé de meubles d'époque. Toujours dans le respect de l'architecture locale, un patio trône au centre de chaque riad dont le toit est équipé, excusez du peu, d'une verrière amovible. Clou du spectacle : les terrasses privatives des riads, avec piscine, offrant une vue imprenable sur les monts enneigés du Grand Atlas. L'offre du Palace est complétée par trois restaurants, ainsi que par un Spa oriental, inspiré de la tradition marocaine du hammam, s'étendant sur 2.500 m2 ! Détail qui tue : le service se fait dans une discrétion exemplaire, puisque l'accès aux différentes appartements se fait… via un réseau de galeries souterraines ! Faut-il alors s'étonner que, avant même qu'il n'ouvre ses portes, le Royal Mansour Marrakech soit déjà membre du réseau Leading Hotels of the World, organisme international recensant (selon 800 critères de qualité) quelque 450 des meilleurs hotels, resorts et spas dans 80 pays ? Un chantier signé Bouygues et Vinci On s'en doute, une telle profusion de luxe se paie, et au prix fort. À en croire certaines estimations, les tarifs des nuitées démarreraient autour des 20.000 DH ! On ose à peine imaginer la facture pour une nuit dans le plus exclusif des appartements : un riad d'une superficie totale de 2000 m2 ! La génèse du gigantesque projet qu'est le Royal mansour Marrakech remonte à 2004. C'est en cette année que Mohammed VI, accompagnant le lancement de la fameuse Vision 2010, a décidé de transformer son palais marrakchi en établissement hôtelier au superlatif. Résultat, on a fait appel à ce qui se fait de mieux dans le secteur pour mener à bien le chantier du RMM. L'ingénierie et le gros-d'oeuvre ont été confiés à deux mastodontes français, qui n'en sont pas à leur première opération au Maroc. Il s'agit du géant du BTP, Bouygues, et de Vinci immobilier (division spécialisée du Groupe Vinci), l'un des leaders mondiaux en matière de construction et d'aménagement hôtelier. Autre exemple, l'aménagement des jardins et des allées de l'hôtel a été assuré par Luis Vallejo, célèbre paysagiste espagnol dont le CV mentionne entre autres des travaux sur les paysages… du Palais de l'Alhambra à Grenade. Marrakech, pour commencer… Si le Royal Mansour Marrakech a eu droit à autant d'égards, ce n'est pas uniquement parce qu'il est érigé sur des terres royales. C'est surtout parce qu'il est destiné à être le vaisseau amiral d'un nouveau groupe hôtelier, actuellement en constitution sous la houlette du holding Siger. Dirigé par Abbas Azzouzi, ancien directeur général de l'Office national marocain du Tourisme (ONMT), le groupe naissant se positionnera, sceau royal oblige, exclusivement dans l'hôtellerie de prestige. Ainsi, outre le Royal Mansour Marrakech (et probablement son homonyme casablancais, également propriété de la famille royale et actuellement géré par l'enseigne Le Méridien), la nouvelle chaîne devrait intégrer une jolie brochette d'établissements hôteliers dans les grandes villes du pays. Mais pour ce faire, il n'est pas question de transformer d'autres résidences royales en palaces. Le développement de ce futur «champion national» de l'hôtellerie s'orientera plutôt vers l'acquisition et le réaménagement de quelques hôtels mythiques, aujourd'hui en perte de vitesse. Premiers sur la liste : les célèbres El Minzah à Tanger et la Tour Hassan à Rabat. Les deux cinq étoiles devront bientôt faire l'objet d'un ambitieux lifting, pour se conformer aux standards très haut de gamme du nouveau groupe hôtelier. Les armoiries royales, ça se mérite ! Hicham Smyej